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Culture

Quelques livres, films, jeux vidéo et disques sortis récemment

Robbert Mapplethorpe, Don DeLillo, de la sorcellerie et Alzheimer : notre sélection des meilleurs trucs sortis ce mois-ci.

Cet article est extrait du « Numéro de la vache sacrée ».

ZERO K
Don DeLillo

Cosmopolis, le roman de Don DeLillo sur les riches, est un échec fascinant. Publié en 2003, il suivait la journée d'Eric Packer, multimilliardaire de 28 ans, coincé dans les bouchons à l'arrière de sa limousine. Sans personnages, sans trame, le livre était une succession d'histoires obliques plutôt que ce que l'on appelle communément un roman.

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Les graines de Zero K, son nouveau et excellent roman, ont été plantées dans Cosmopolis. « Tous les grands hommes ont espéré vivre éternellement », dit à Packer l'une de ses interlocutrices, « alors même qu'ils supervisaient la construction de leur tombe monumentale sur la rive du fleuve – la rive ouest, où tape le soleil. » Elle spécule sur l'esprit, qui pourrait dans un futur proche, être enregistré sur un disque dur lorsque le corps sera mort. « Cela arrivera-t-il un jour ? Plus vite qu'on ne le pense, car tout arrive toujours plus vite qu'on ne le pense. »

Dans Zero K, cela arrive. Dans Bruit de fond, DeLillo écrivait que « toute intrigue a tendance à se diriger vers la mort ». Ce fut le cas pour un grand nombre de ses romans. De la secte criminelle obsédée par le culte du langage dans Les Noms à Lee Harvey Oswald dans Libra, en passant par le mec fasciné par une version longue de 24 heures de Psycho dans Point Oméga, la problématique de ses livres demeure la mort – la mort violente. Mais l'intrigue de Zero K ne se dirige pas vers la mort. Au lieu de cela, elle explore les conséquences d'une moindre domination de la mort.

Le roman raconte l'histoire de Ross Lockhart, un milliardaire dont la femme, Artis, est en train de mourir. Il se lance alors dans un projet de cryogénisation pour la sauver et demande à son fils, Jeffrey, le narrateur du roman, de lui tenir compagnie avant la « suspension cryonique » d'Artis. Ross croit fermement en ce processus. « C'est un autre Dieu », déclare-t-il à son fils sceptique. « Il n'est pas si différent des premiers. Seulement, celui-ci est réel. »

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La voix mesurée du fils va à contre-courant de celle, froide et hermétique, des précédents romans de DeLillo. Son point de vue s'aligne avec celui du lecteur. Il est rebuté par l'idée de Ross, mais en même temps éprouve de la sympathie pour ce père égocentrique qui tente de contrecarrer la mort au nom de la femme qu'il aime. Bien que la problématique philosophique du roman semble approfondir les vieilles thématiques de DeLillo, Zero K, à travers sa représentation du lien familial, se révèle être l'exploration la plus complète des sentiments humains de l'auteur.

La cryogénisation est une sorte de musée de tout ce qui fascine DeLillo : images de la mort, inquiétude, hommes pris dans un processus de désintégration, et la foule autour, qui tente de fuir une catastrophe invisible. Ces thèmes sont un montage rétrospectif – DeLillo s'est souvent demandé si « l'avenir appartenait à la foule » – mais ici, il tente de cartographier de nouveaux territoires.

L'exemple le plus frappant est un passage qui rappelle les pièces de Beckett, où le lecteur assiste au monologue intérieur d'Artis après qu'elle est entrée dans son état suspendu. « Je pense que je suis quelqu'un », dit-elle. « Il y a quelqu'un ici et j'ai l'impression que c'est en moi. Mais où suis-je, depuis combien de temps suis-je ici et suis-je seule ici ? » Ce passage est terrifiant et suggère que la procédure de cryogénisation permette à quelques vestiges de la personnalité de rester actifs, pour toujours. Ce n'est qu'à la fin du roman que DeLillo laisse entendre que ce monologue n'est sans doute que le fruit de l'imagination du narrateur, et que la mort demeure inconnue.

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Lors d'un moment crucial, Ross décide de « rejoindre » sa femme plus tôt que prévu en mettant fin à ses jours. Jeffrey se bat contre la décision de son père. « C'est contraire à tout ce qu'il a dit et fait », pense-t-il. « Il a fait de sa vie et de la mienne une bande dessinée. » Ensuite, une employée du centre explique le processus à un groupe de recrues : « Vous êtes en dehors du récit que nous appelons l'Histoire. Il n'y a pas d'horizons ici. Vous êtes condamnés à vous demander qui et où vous êtes. Vous êtes sur le point de devenir, chacun d'entre vous, une seule vie en contact seulement avec vous-même. »

Cela offre un début de réponse à la question que DeLillo pose dans le roman : que se passe-t-il lorsque les vies cessent de « se diriger vert la mort » ? Elles se détachent de l'Histoire, et des autres.—ANDREW MARTIN


THE WITCH: UN CONTE FOLKLORIQUE DE NOUVELLE-ANGLETERRE
A24

Imaginez à quel point une personne doit être pieuse pour se faire expulser d'un village puritain. C'est le patriarche de la famille qui, dans la première scène de The Witch, crie des écrits de l'Évangile tandis que se referment les portes du village derrière lui et sa famille. William, le père, Katherine, la mère, Thomasin, la fille et Caleb, le fils, s'installent à l'orée des bois. Il semblerait qu'ils ne rencontrent de nouvelles personnes que lorsque Katherine leur donne naissance ; ils vivent dans un royaume composé de sept personnes, dont des jumeaux en bas âge et un nourrisson. La vie dans la forêt vire au cauchemar lorsque des événements surnaturels viennent tout bouleverser : travail forcé, prières d'autoflagellation, les jumeaux qui hurlent et jouent avec une mystérieuse chèvre noire. Puis, c'est au tour des mauvais esprits de terroriser la famille, en prenant la forme des faiblesses et des désirs de chacun. Le film est tellement bizarre qu'il est difficile de partager la peur religieuse de la famille. À part Thomasin, ils sont encore plus effrayés par l'enfer que par le sang, plus inquiets par le fait que le bébé n'a pas été baptisé que par sa propre disparition. RACHEL RIEDERER

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A LOADED GUN
Jerome Charyn
Bellevue Literary Press

"Elle n'avait pas d'égal en tant que poète, elle n'a pas d'égal aujourd'hui. » Elle, c'est Emily Dickinson, et A Loaded Gun, le nouveau livre de Jerome Charyn, vise à la sauver des critiques d'Edmund Wilson et Allen Tate, qui la présentèrent comme une vieille fille fruste cloîtrée à Amherst, Massachusetts. Au lieu de cela, Charyn nous dépeint une Dickinson que l'on pourrait aisément qualifier de diva. Il admet cependant que ce n'est pas une incroyable nouvelle non plus : depuis 1951, un contre-mouvement s'emploie à dévoiler l'autre facette de Dickinson, la charmeuse, la presque sexuelle. Charyn n'a plus qu'à surpasser la concurrence. Dans ces chapitres organisés par thèmes, il décrit le monde émotionnel de la poétesse, en revenant sur sa femme de chambre, Margaret Maher, et son chien, Carlo. Charyn, dans ses divagations, la compare à Van Gogh pour sa folie manifeste et à Joseph Cornell pour sa nature irréelle, évanescente. Charyn insiste sur l'inexactitude probable de l'interprétation biographique de ses poèmes, mais les interprète tout de même : il est le critique pervers parfait pour cette poétesse qui écrivait « La Maison des suppositions / Cette frontière scintillante qui / Borde des arpents de peut-être—." —LAURA KOLBE


MAPPLETHORPE: LOOK AT THE PICTURES
HBO

« Je ne vois pas ça comme de l'art. Je ne vois pas l'homme qui a fait ça comme un artiste. Je pense que c'était un imbécile », déclare Jesse Helms à propos de Robert Mapplethorpe dans la séquence d'ouverture du documentaire de HBO Mapplethorpe : Look at the Pictures. Nous sommes en 1989. Helms, sénateur conservateur de la Caroline du Nord, prononce un discours au Sénat à propos de l'ultime exposition de Mapplethorpe, toujours ouverte alors que le photographe vient de succomber au virus du sida. L'exposition, The Perfect Moment, présente quelques-unes des images sexuellement explicites qui ont fait le succès de Mapplethorpe, dont Helmut and Brooks, NYC – la photo d'un homme en fistant un autre – et Lou, NYC – l'image d'un homme coinçant son propre doigt dans son pénis. La question que Helms pose au Sénat est de savoir s'il est légitime que l'argent du contribuable serve à financer la diffusion de cette œuvre « obscène ».

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Les déclarations de Helms, quoique utilisées à des fins ironiques, encadrent parfaitement les ambitions du film. À travers le travail et la vie de Mapplethorpe, le documentaire s'interroge sur ce que l'on définit en tant qu'art et sur ce qu'est un artiste (et, aussi, si l'artiste en question est un con – Helms n'avait peut-être pas tout à fait tort). Le film examine la manière dont Mapplethorpe concevait l'art comme un exercice d'introspection, où ses propres expériences lui servaient de toile. Il faisait des portraits pénétrants de ses amis (Diane Arbus ou Nan Goldin) et documentait sa vie sexuelle avec la même esthétique.

Le documentaire revient également sur les travaux plus durs de Mapplethorpe, dont Self-Portrait (1978), qui met en scène l'artiste en cuissardes, un fouet inséré dans l'anus et la tête tournée vers l'appareil, mettant ainsi un visage sur le BDSM seulement cinq ans après que l'homosexualité a fait son chemin hors du circuit bondage. Le documentaire Mapplethorpe montre que même aujourd'hui, tandis que certains gestes peuvent ne plus choquer le bourgeois, les photos de l'artiste sont toujours aussi frappantes qu'il y a quarante ans ; ses représentations sexuelles « sales » sont peut-être même d'autant plus puissantes à une époque où la photo est partout.SOFIA GROOPMAN


HUMAN PERFORMANCE
Parquet Courts
Rough Trade

Les Parquet Courts ont laissé derrière eux leur punk neurasthénique d'antan pour des morceaux de power-pop candides. Austin Brown, l'un des deux auteurs-compositeurs, a conservé les racines post-punk du groupe, tandis qu'Andrew Savage explore toute l'étendue des possibilités de la pop. Ils sont donc passés du baratin monotone de « One Man, No City », à leur nouveau single jovial d'inspiration Costello, « Berlin Got Blurry ». « Two Dead Cops », composé par Savage, est un hymne punk-rock de première catégorie. Avec ce qu'il faut de stupidité, de sauvagerie adolescente et haine de soi. Puis, à l'opposé de ce track, sur le morceau titre, Savage se fait hautement plus sensible et personnel. Raisonné, on pourrait dire. En français ça donne : « Je n'avais jamais ressenti ça / Je n'avais jamais entendu ça / Je t'ai dit que je t'aimais, je ne le mérite peut-être pas », ce qui n'est pas très sympa certes, mais qui montre que le mec souffre un maximum. Savage propose ici une révision de la négation radicale de ses ancêtres des années 1980, affirmation qu'il a sans doute trouvée à la fin d'un long chemin d'effacement et de doute. RYAN MEEHAN


FIREWATCH
Campo Santo

Firewatch est un jeu narratif, ultra coloré. Nous sommes à la fin des années 1980 et vous êtes Henry, 40 ans, qui s'isole le temps d'un été dans le parc national de Shoshone où il est chargé de détecter des incendies. Seul dans sa tour, il a pour seule compagnie la voix de sa boss, Delilah, à l'autre bout du talkie-walkie. Cela peut paraître un peu terne, mais cette aventure à la première personne, premier jeu du studio Campo Santo, joue magistralement avec les attentes du joueur. C'est une expérience de quatre heures au cours desquelles toutes les merdes vont arriver à Henry, notamment un animal sanguinaire dans le désert et une possible conspiration extraterrestre. Pourtant, les pires démons, ce sont ceux que Henry a emmenés avec lui : il est en effet ici pour trouver un nouveau sens à son mariage, compromis par l'Alzheimer précoce de sa femme. Si cette tragédie est révélée dans les dix premières minutes, vous dire quoi que ce soit d'autre compromettrait le plus grand atout du jeu. Car vous ne combattrez pas d'incendies dans Firewatch. En revanche, vous serez ému par l'un des drames les plus durs jamais abordés dans un jeu vidéo. —MIKE DIVER