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politique

La Turquie bloque l’accès à Wikipédia et censure Twitter

La répression du président Recep Tayyip Erdoğan contre les voix discordantes s’étend.

Fort de sa courte victoire au référendum qui a élargi ses pouvoirs, le président Erdoğan fait maintenant taire les opposants au gouvernement sur internet.

La Turquie bloque l'accès à Wikipédia, en vertu d'une loi au libellé flou qui permet aux autorités d'interdire l'accès à un site web obscène ou représentant une menace à la sécurité nationale. Depuis le 29 avril, toutes les versions de Wikipédia, l'encyclopédie en ligne libre d'accès, sont inaccessibles à partir d'une adresse IP turque, d'après le groupe de surveillance Turkey Blocks.

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Par ailleurs, les autorités turques ont aussi demandé à Twitter de supprimer le compte de Mahir Zeylanov, un journaliste critique du gouvernement autocratique d'Erdoğan, et ce n'était pas la première fois.

Le journaliste a gagné de la popularité sur Twitter par ses tweets émouvants dans lesquels il mentionnait le nom d'autres journalistes et d'universitaires emprisonnés dans les jours qui ont suivi la tentative de coup d'État de l'an dernier. Près de 50 000 personnes de diverses professions, des fonctionnaires, des policiers, des juges, des enseignants, ont été arrêtées dans les purges qui se poursuivent.

Il n'est pas la seule cible des récentes tentatives de censure du gouvernement. « Cette semaine seulement, au moins 55 personnes ont été emprisonnées en raison de leurs publications sur Twitter ou sur Facebook. Un journaliste italien a aussi été détenu puis déporté. Plus de 150 journalistes sont actuellement derrière les barreaux et ceux qui s'opposent au gouvernement cherchent à fuir le pays », affirme Mahir Zeynalov. De plus, 29 journalistes doivent comparaître en justice cette semaine.

La Turquie, en proie à des turbulences et aux prises avec l'État islamique à sa frontière avec la Syrie, est devenue l'un des pays qui s'en prend le plus à liberté de presse. Principalement en raison de sa chasse aux contestataires, elle a glissé au 155e rang sur 180 pays dans le classement de la liberté de la presse 2017.

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« Il est très difficile d'être un journaliste objectif quand le gouvernement que vous couvrez vous traque », ajoute Mahir Zeylanov.

La répression du gouvernement Erdoğan s'est accentuée : le pays a fait plus de demandes de suppression de compte Twitter que n'importe quel autre pays, soit 3000 entre juillet et décembre 2016. De plus, 844 demandes ont été présentées aux tribunaux pour surveiller les journalistes et le contenu qu'il dissémine. Il s'agit d'une augmentation exponentielle.

Ces mesures sont quelque peu ironiques étant donné que la Turquie compte plus de 6,5 millions d'utilisateurs de Twitter et que le président Erdoğan avait encouragé ses partisans à manifester contre le coup d'État raté au moyen de FaceTime.

Mahir Zeynalov hésite à contester la plus récente demande de l'empêcher d'utiliser une plateforme qui a joué un rôle crucial pour suivre la métamorphose de la Turquie vers une forme de dictature. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a affirmé que jusqu'à 2,5 millions de votes du dernier référendum ont pu être manipulés, une autre preuve que la fragile démocratie se désagrège rapidement sans réelle surveillance du pouvoir judiciaire.

« Il n'y a sans doute plus un seul tribunal en Turquie qui trancherait en ma faveur. Le juge perdrait son travail ou sa liberté. La direction de Twitter a dit qu'elle ferait appel, mais je ne sais pas dans quelle mesure elle pourra se battre devant les tribunaux. »

Néanmoins, le journaliste considère qu'il a de la chance, car il dirige un média d'information depuis les États-Unis, où il habite maintenant. Malgré la distance, le climat politique et la censure dans son pays d'origine continuent de l'inquiéter.

« En ce moment, parmi les collègues de mon journal seulement, 52 journalistes se trouvent dans des prisons de Turquie. Je n'ose pas imaginer ce qu'ils vivent derrière les barreaux, sans même pouvoir lire un livre. »