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Rencontre avec le maire de Livourne qui prône l'application d'un revenu universel

Depuis juin, la ville toscane alloue 500 euros aux cent familles les plus pauvres de la ville. Il souhaiterait que ce modèle soit appliqué à toute l'Italie.
Johanna Hoelzl/picture-alliance/dpa/AP Images

Filippo Nogarin est un spécimen rare dans la vie politique italienne — c'est un optimiste convaincu. Élu maire de Livourne en 2014, Nogarin est un membre du controversé mouvement Cinq Étoiles — un parti anti-establishment fondé par l'acteur de télévision Beppe Grillo. Depuis, Nogarin essaye de se positionner comme un parangon du changement : en se battant pour la justice économique, l'égalité sociale et la protection de l'environnement.

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En juin, la municipalité toscane a lancé son initiative la plus ambitieuse : un revenu de base pour combattre la pauvreté urbaine — une première en Italie. Avec la défaite de Matteo Renzi suite à la victoire du « non » au référendum constitutionnel, le mouvement Cinq Étoiles se retrouve en position de force. Est-ce que la promesse d'appliquer cette initiative au niveau national leur ferait gagner du terrain dans le paysage électoral italien ? « Les modèles locaux sont très importants, mais pour que ce revenu de base fonctionne vraiment il faudrait l'appliquer d'une manière substantielle au niveau national, » estime Nogarin.

Ce programme qui court sur 6 mois permet d'allouer 500 euros aux cent familles les plus pauvres de Livourne. Ce n'est pas énorme, mais en Italie il n'y a pas de salaire minimum légal et les indemnités chômage dépendent d'un impitoyable système de cotisations. Pour le maire, il s'agit donc d'une intervention significative. « C'est une crise profonde, mais comme toutes les crises il s'agit aussi d'une grande opportunité, » explique Nogarin à VICE News. « Le but de ce revenu de base est de donner un semblant de dignité à ces gens et leur montrer qu'ils ne seront pas laissés à l'abandon. »

Si des initiatives similaires ont court au Canada et en Finlande (avec de plus grandes sommes d'argent allouées et un échantillon de bénéficiaires plus large), la situation économique dans le sud de l'Europe fait que ce type de programme est presque impossible à exporter. Ces fonds sont plutôt décrits comme des mesures d'urgence afin d'aider certains à payer leurs loyers, leurs factures et leurs courses.

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Les nombreux critiques de Nogarin estiment qu'il s'agit avant tout d'une sorte de posture politique — qui permet de détourner l'attention des changements structurels qu'il faudrait lancer. Avec un taux de chômage qui reste haut, beaucoup appellent à plus d'investissements dans les industries d'État. « Ce dont nous avons besoin, ce sont des emplois publics stables, » explique Dario, un militant syndical de la région. « Il nous faut du travail, pas des cotisations. »

D'autres, comme Lucia une militante du Parti démocrate, disent que l'initiative est « une vaine tentative visant à récupérer les votes qui manquent malheureusement au centre-gauche. Ils capitalisent sur la crise pour en récupérer les bénéfices. Cela ne fait pas sens de s'attaquer à la pauvreté comme ça. »

Nogarin a publiquement reconnu les limites du revenu de base, mais estime que ses critiques ont mal compris la nature du projet. « Un des grands problèmes [liés à l'héritage ouvrier] était que Livourne a été réduit d'une communauté culturelle à une communauté économique. À la Renaissance, cette ville était le centre de la beauté artistique, c'était culturellement et ethniquement divers, tolérant et ouvert. » Le revenu de base n'est pas comparable à de l'aide humanitaire, soutient Nogarin. Pour lui, il s'agit de reconstruire cette identité civique. « Je n'ai jamais rencontré les bénéficiaires du revenu de base. Et c'est très important. Je ne veux pas qu'ils me voient comme une figure patriarcale qui distribue sa charité. C'est là le vrai pouvoir de ce projet : la communauté aide la communauté. »

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L'expérience de Livourne va être étendue à une centaine de familles supplémentaires en janvier, et l'idée commence à faire des émules dans d'autres villes tenues par le mouvement Cinq Étoiles. En octobre, la ville sicilienne de Ragusa a lancé son propre revenu de base et Naples devrait suivre l'année prochaine.

Nogarin pense qu'il est vital que cette expérience soit étendue. « Si le prochain gouvernement est issu du mouvement Cinq Étoiles, je pousserai au Parlement pour m'assurer que ce projet sera une des priorités. Compte tenu de la nature de la crise, on ne peut plus se demander si l'Italie est prête. Elle doit être prête. »


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