Un iceberg d'un billion de tonnes s'est détaché de l'Antarctique

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Un iceberg d'un billion de tonnes s'est détaché de l'Antarctique

Le 21e siècle nous oblige à inaugurer un tout nouveau format journalistique : l'actualité des blocs de glace géants.

Un iceberg de d'un billion de tonnes s'est détaché de la barrière de glace Larsen C, en Antarctique, selon les informations du Projet Midas - le groupe de recherche britannique chargé de le surveiller depuis plusieurs années. L'iceberg, baptisé "A68", possède un volume deux fois supérieur au gigantesque lac Érié en Amérique du nord. Cet événement très redouté a été confirmé par les observations de l'Agence spatiale européenne.

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La rupture est survenue cette semaine, entre lundi et mercredi : une gigantesque section de 5 800 km carrés s'est détachée de la barrière de glace. Difficile de dire ce qui arrivera à l'iceberg, même si les scientifiques pensent qu'il risque de se fragmenter progressivement en milliers de morceaux, et qu'une partie de la glace détachée flottera dans la région pendant des décennies.

En vérité, le fait que des icebergs se détachent de la barrière de glace est un phénomène naturel normal, qui advient régulièrement. Cependant, la taille gigantesque de l'iceberg considéré a attiré l'attention des médias du monde entier. Si votre réaction immédiate est d'imputer l'événement au changement climatique et aux activités humaines, personne ne vous blâmera : vous êtes loin d'être le seul dans ce cas.

Pourtant, rien n'indique que ce soit le cas. Notre connaissance de l'Antarctique est très mince - parce qu'il s'agit d'une région très éloignée aux conditions climatiques extrêmes, elle est étudiée essentiellement par satellite. Ainsi, il est difficile de mesurer si le détachement d'A68 est imputable au changement climatique, et la question est actuellement l'objet de débats animés au sein de communauté scientifique.

Les plateformes de glace flottantes soutiennent les glaciers terrestres, et leur rupture peut précipiter des icebergs dans la mer à un rythme accéléré, provoquant une élévation potentielle du niveau de la mer. Certains craignent que cette rupture puisse déstabiliser la barrière de glace Larsen C - l'une des multiples barrières de glace flottantes attachées à l'Antarctique. Lorsque deux segments, Larsen A et Larsen B, se sont effondrés en 1995 et 2002, les glaciers ont commencé à glisser vers l'océan à une vitesse de plus en plus rapide.

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Ici, l'iceberg flottait déjà avant de se détacher de la barrière de glace : l'événement n'aura donc pas d'impact direct sur le niveau de la mer, précisent les scientifiques du Projet Midas.

Il est impossible de prévoir quelles conséquences ces mouvements auront sur le devenir de la barrière de glace Larsen C. On s'attend à ce qu'elle se régénère en partie à partir des fragments restants. Dans ce cas là, elle sera probablement moins stable qu'auparavant en raison du vêlage du glacier. C'est la première fois que des scientifiques peuvent observer le vêlage d'un glacier par satellite en temps réel, et cette opportunité permettra de mieux comprendre ce processus à l'avenir.

"Pour être clair, les restes de la barrière de glace flottante ne semblent pas montrer de signes d'effondrement prochain. Cependant, on est actuellement en plein milieu de l'hiver austral, en pleine saison froide. Il faudra réactualiser nos observations lorsque les températures seront plus chaudes. Cette surveillance devra s'étendre sur plusieurs années", nous explique Christopher A. Shuman, chercheur au Laboratoire des sciences de la cryosphère du NASA Goddard Space Flight Center, dans un email.

Larsen C est l'une des barrières de glace les plus grosses du continent, et ce vêlage aura réduit sa surface totale de 12%, selon le Projet Midas. "L'événement a bouleversé le paysage de la Péninsule antarctique pour toujours", précisent les chercheurs.

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Larsen C le 8 mars 2017. ImAGE : O.V.E.R.V.I.E.W. / Flickr

Mark Drinkwater, le directeur scientifique de la division de recherche de l'ESA (ESA-ESTEC), explique que les vêlage de glacier ne sont généralement pas des phénomènes dont on doit s'inquiéter.

"Ces événements sont survenus avec une grande régularité au cours des 40 dernières années. À présent, nous avons des outils qui nous permettent de surveiller leur évolution d'un jour à l'autre" nous explique Drinkwater par téléphone. "On se concentre sur les changements que connait l'Antarctique face au changement climatique, mais on ne sait pas si ce vêlage ait un lien avec le climat".

Drinkwater précise qu'il ne fait aucun doute que le changement climatique, qui a provoqué le réchauffement des océans, a bien un impact sur le détachement de certains icebergs, mais rien n'indique que le détachement d'A68 soit dû au changement climatique. En glaciologie, le débat est en cours. On ne sait pas non plus quelles seront les conséquences exactes de l'événement.

Martin O'Leary, glaciologue à l'Université de Swansea, participe au Projet Midas. Il précise dans un rapport que Larsen C est actuellement dans une position de grande vulnérabilité. "C'est la première fois qu'une barrière de glace située aussi loin dans les terres est compromise", explique-t-il. "Nous devrons surveiller très attentivement les signes d'instabilité de la plate-forme."