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Des bêtes vivantes dans un smartphone, le projet fou de Google

Lorsque Google a conçu Ara, son smartphone modulaire personnalisable, il souhaitait y incorporer un aquarium miniature pour tardigrades.

Existe-t-il un smartphone qu'on pourrait qualifier d'original ? Sans doute pas ; malgré leurs écrans incurvés et leurs capteurs biométriques, nos téléphones ne ressemblent jamais qu'à des boîtiers fragiles. Leur épaisseur varie un peu, leurs angles sont plus ou moins arrondis, leurs prises et leurs boutons ne sont pas au même endroit. Le design varie peu et les fonctionnalités stagnent. Le marché est concurrentiel, il faut se démarquer avec prudence.

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Google espérait sans doute profiter de cette pesanteur lorsqu'il a lancé ARA. Ce projet interrompu à l'été 2016 visait à créer un smartphone personnalisable de l'écran au processeur grâce à un système de modules amovibles. "Choisissez votre caméra haute-définition, ajoutez un haut-parleur, insérez une batterie plus performante, promet la description d'une vidéo de promotion révélée en mai 2016. Imaginez les possibilités".

Project Ara. Image : Google.

ARA avait du potentiel, Google a beaucoup cru et investi en lui avant de l'abandonner pour des raisons techniques et budgétaires. Dans un article publié le 24 février dernier par VentureBeat, le journaliste Harrison Weber raconte que l'entreprise a contacté l'agence de design new-yorkaise Midnight Commercial en décembre 2015 pour lui demander de créer "le module le plus étrange possible". Le public devait savoir qu'ARA allait mettre un terme au règne des boîtiers noirs.

L'équipe d'artistes, de designers et d'ingénieurs de Midnight Commercial a fait plusieurs propositions à Google. Un capteur cardiaque, façon montre connectée ? Un module extrêmement coûteux qui donnerait accès à un club privé en se connectant à un satellite ? Une imprimante jet d'encre ? Le géant de Mountain View les a toutes balayées pour privilégier la plus originale : un aquarium miniature pour tardigrades.

Les tardigrades, parfois surnommés oursons d'eau à cause de leur démarche tranquille, sont de petits animaux à huit pattes : à l'âge adulte, la plupart d'entre eux mesurent un demi-millimètre. Tout en peinant à leur attribuer une place sur l'arbre du vivant, les biologistes se passionnent pour leur résistance aux conditions difficiles. Lorsqu'ils entrent dans un état de stase appelé cryptobiose, les tardigrades sont capables de survivre aux températures et aux pressions extrêmes, aux rayonnement ionisants et même au vide spatial.

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Le projet de Midnight Commercial consistait à placer un écosystème artificiel rempli de tardigrades sous un microscope et à caser le tout dans un module pour smartphone ARA. Dans l'idée, ce dispositif permettrait de suivre la vie des oursons d'eau en direct sur l'écran. Dans la pratique, ce Tamagotchi vivant s'est heurté à de nombreuses difficultés techniques.

Module. Image : Midnight Commercial

Premier obstacle, la taille limitée du module. Comment caser un aquarium et un microscope assez performant dans quelques millimètres cube ? Les ingénieurs de Midnight Commercial ont construit plusieurs prototypes avant de tabler sur des micro-lentilles superposées, un dispositif très compact mais qui produit des images déformées. Pour corriger cela, ils ont développé un programme de reconstruction des images en temps réel.

Deuxième problème : les tardigrades ont besoin de temps pour se plonger dans l'état de cryptobiose qui les rend si résistants. Après quelques semaines de travail, Midnight Commercial a constaté que les caméras de ses prototypes faisaient grimper la température de l'aquarium si vite que leurs hôtes mourraient en deux heures, sans avoir eu le temps de s'adapter. Même une journée un peu trop chaude suffisait à les tuer. La solution évoquée dans l'article de VentureBeat, un système qui empêche le démarrage des caméras en cas de coup de chaud dans le module, n'aurait sans doute pas fait l'affaire pendant une canicule.

L'écosystème miniature posait problème, lui aussi. Le mélange d'eau salée, d'algues microscopiques et de petits crustacés dans lequel Midnight Commercial comptait introduire les tardigrades s'est révélé extrêmement difficile à équilibrer. "Obtenir le bon mélange était sans doute la partie la plus ardue, explique David Nuñez, l'un des gestionnaires de l'agence créative. Quand le projet a été annulé, nous étions sans doute loin de trouver la solution".

Six mois après que Google a mis fin au projet ARA et à leur collaboration, Midnight Commercial n'a pas oublié les tardigrades. Les prototypes sont toujours sur les établis et Jamie Zigelbaum, le directeur de création de l'agence, a révélé à VentureBeat que le module pourrait bien revenir sous la forme d'un gadget à part entière. De quoi nous distraire en attendant un smartphone vraiment original.