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L'exploitation minière des astéroïdes est désormais légale pour les américains

Les États-Unis aimeraient exploiter les ressources minières des astéroïdes en toute quiétude. Quelle réaction internationale ?
Asteroid mining concept. Image: Denise Watt/Wikimedia Commons

Qui possède des droits sur les astéroïdes ? Que se passerait-il si vous alliez là-haut, en préleviez une partie ? Selon une nouvelle loi promulguée aux Etats-Unis, vous êtes propriétaire de toute ressource issue d'un astéroïde que vous seriez parvenu à obtenir. Évidemment, elle ne s'applique qu'aux citoyens américains.

Le président Obama a signé le projet de loi US Commercial Space Launch Competitiveness Act le 25 novembre 2015. Entre autres choses, la loi autorise désormais la prospection en vue de l'exploitation minière pour les entreprises enregistrées aux Etats-Unis. Elle statue :

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« Un citoyen américain engagé dans la récupération commerciale d'une ressource d'astéroïde ou une ressource de l'espace sous ce possédera les plein droits sur les ressources obtenues, y compris le droit de la détenir, de la posséder, de la transporter, de l'utiliser, de la vendre, conformément à la législation en vigueur, et selon les obligations internationales qui incombent aux États-Unis. »

La communauté internationale, cependant, ne montre qu'un enthousiasme modéré face à la politique finders-keepers imposée par les Etats-Unis ; certains experts affirment même que la nouvelle loi pourrait même être en contradiction avec le droit de l'espace international.

Asteroid 433 Eros. Image: NASA/Wikimedia Commons

« J'estime qu'une entreprise américaine qui obtiendrait des ressources collectées sur un astéroïde serait en infraction avec le droit international, ainsi que le gouvernement qui a autorisé son initiative » explique par email Sa'id Mosteshar, le Directeur de l'Institute of Space Policy and Law de Londres. « Les traités qui régulent les activités spatiales ne donnent aucun droit particulier aux Etats-Unis, et certainement pas celui d'autoriser à ses citoyens à exercer des activités prohibées par le droit international. »

L'exploitation minière des astéroïdes est une perspective commerciale alléchante pour nombre d'entreprises : les roches de l'espace abritent des matières premières précieuses, comme le fer, le nickel, le platine, qui, ramenées sur Terre, pourraient engranger d'importants profits. D'autant plus que les ressources terrestres, quant à elle, sont destinées à s'épuiser. D'autres ressources présentes sur les astéroïdes pourraient être utilisées—l'eau, par exemple, qui entre dans la composition du carburant. Des entreprises américaines comme Planetary Resources ou Deep Space industries ont déjà les yeux tournés vers le butin de l'espace.

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Mais contrairement à la Terre, l'espace n'a jamais été divisé en différents territoires. De fait, l'idée selon laquelle quelqu'un pourrait obtenir des droits sur ce qu'il contient est au mieux, ambiguë, au pire, absurde.

L'exploration et l'exploitation de l'espace devraient être menées au profit et dans les intérêts de tous les pays.

Le droit de l'espace est encadré pour l'essentiel par des traités clés des Nations Unies, dont le Traité de l'Espace de 1967, aussi connu sur le nom de « Traité sur les principes régissant les activités des États en matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes. »

Ce traité, constitué pendant la Guerre Froide et ratifié dans plus de 100 pays (dont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la Russie et la Chine), empêche ces derniers de placer des armes nucléaires dans l'espace, interdit aux nations de revendiquer une quelconque souveraineté sur l'espace, et fait généralement en sorte que l'espace soit utilisé pour l'avancement de la science et de la coopération pacifique. Il déclare que « l'exploration et l'utilisation de l'espace doivent être menés au profit et dans l'intérêt de tous les pays. L'espace est le territoire de toute l'humanité. »

L-R Peter Diamandis, Chris Lewicki & Steve Jurvetson de Planetary Resources. Image: Steve Jurvetson/Flickr

Cependant, lorsque des intérêts commerciaux entrent en jeu, ces principes deviennent beaucoup plus flous. « Le régime du droit de l'espace tel qu'il existe aujourd'hui n'a pas été conçu pour réguler des activités commerciales, et ne prévoit pas le cas où un pays ou une manifesterait l'intention d'exploiter des astéroïdes. Le droit de l'espace existe pour empêcher l'espace de devenir un territoire de conflits et de guerre » explique Nicholas Puschman, secrétaire exécutif au Centre à l'European Centre for Space Law (ESCL). Comme l'ESCL est financé en grande partie par l'Agence Spatiale Européenne, il tient à souligner que ses vues ne représentent pas nécessairement l'opinion de l'ESA.

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Il faut noter que les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils ne réclamaient pas la propriété de corps célestes—au contraire, ils ont prudemment nié cette revendication dans le texte du nouvel Acte. Cependant, pourront-il vendre un bien qu'ils ne possèdent pas ?

Il existe un autre traité des Nations Unies, plus tardif, qui développe plus en profondeur la question de l'exploitation des ressources de l'espace : L'accord régissant les activités des États sur la Lune et les autres corps célestes, ou Traité sur la Lune. Peu de pays l'ont ratifié cependant. Les Etats-Unis, en particulier ne le reconnaissent pas, et n'ont donc aucune obligation en lien avec lui.

Même si l'extraction minière dans l'espace est actuellement examinée de près pour la première fois, Puschman a suggéré que d'autres activités étaient déjà prévues, comme l'exploitation de la ressource orbite-spectre, ou l'échantillonnage de corps célestes destinés à être analysés. « Tout dépend de la définition que vous donnez à 'ressources', évidemment. Mais des 'ressources' spatiales sont déjà exploitées » ajoute-t-il.

La nouvelle loi ne concerne pas que la course au profit et la confiscation de territoire. En autorisant les organisations commerciales à extraire et conserver des ressources dans l'espace, elle invite à investir dans l'exploration de l'espace ; de même, la capacité à utiliser une partie de ces ressources pour d'autres missions spatiales pourrait conduire à de nouvelles innovations dans les vols spatiaux.

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Pour le moment, les experts ne parviennent pas à s'accorder pour décider si la loi américaine est acceptable ou non. Il se pourrait bien que d'autres pays commencent eux aussi à suivre leur propre législation, même si, comme le fait remarquer Puschman, aucune entreprise susceptible de se lancer dans l'exploitation minière d'astéroïdes n'existe à l'heure actuelle. Il espère que le sujet sera discuté à la prochaine réunion du sous-comité juridique du Bureau des affaires spatiales des Nations unies (UNOOSA) en avril, et que cela provoquera de nouvelles réactions chez les États membres.

Quoi qu'il advienne désormais, la législation doit absolument être sous-tendue par une coopération internationale. Les choses pourraient très mal tourner si des pays ne reconnaissaient pas les droits garantis par la loi américaine. « Si des entreprises vont dans l'espace dans le but de faire l'extraction minière, pourquoi les autres pays devraient-ils reconnaître les termes et les définitions imposés par le pays où elles sont enregistrées ? » demande Puschman. « Tout ceci pourrait avoir un effet dévastateur sur des sujets banals en apparence, comme les droits de propriété. Les Etats-Unis auraient alors bien du mal à exporter des ressources prélevées dans l'espace. »

Pour sa part, la nouvelle loi américain fait de multiples références aux « obligations internationales » auxquelles les Etats-Unis sont assujettis. Mais comment interpréter ces obligations ? Le nœud du problème est là.

Sans surprise, les entreprises qui travaillent déjà sur le terrain sont enchantées par la nouvelle. Le co-fondateur de Planetary Ressources, Eric Anderson, estime que c'est « la première fois dans l'histoire que les droits de propriété sont reconnus pleinement », tandis que le co-fondateur de Deep Space Industries, Rick Tumlinson, affirme que « dans le futur, l'humanité se rappellera ce moment comme une étape décisive de l'ouverture de l'humanité à l'espace. »

Puschman conclue en disant qu'il faudra du temps pour apprécier la réaction de la communauté internationale et régler les problèmes juridiques en conséquence. « Je ne pense pas que nous soyons à même de mesurer la magnitude de tout cela. »