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Le mur de Trump n'effraie pas ceux qui ont l’habitude de traverser la frontière

Mais ils disent que les États-Unis sont une destination de moins en moins intéressante.
Gerardo. Toutes les photos sont de l'auteur.

La première fois que Gerardo, originaire du Salvador, est venu aux États-Unis, c'était en 1994. Il a traversé la frontière au Texas et a vécu dans plusieurs États en fonction des boulots qu'il trouvait jusqu'en 2001. Cette année-là, on lui a demandé ses papiers et, comme il n'en avait pas, et on l'a renvoyé chez lui. Il n'y est pas resté longtemps. Après un mois à travailler à Reynosa, au Mexique, il a décidé de prendre un taxi et de traverser de nouveau la frontière.

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« J'ai acheté une bouteille de téquila et j'en ai bu la moitié, raconte Gerardo. J'ai pris un taxi et j'ai demandé au chauffeur de passer la frontière. Je parlais anglais, je lui ai dit que j'étais citoyen américain. » Il a dit aux douaniers qu'il était américain et qu'on lui avait volé ses papiers dans un bar. « Ils m'ont cru, poursuit-il, et m'ont donné un document qu'ils avaient tamponné. » Le chauffeur de taxi l'a laissé devant la maison de sa belle-famille à McAllen, au Texas. Pour un moment, il a été tranquille.

Aujourd'hui, par contre, Gerardo ne pense pas que ce plan fonctionnerait. La dernière fois qu'il a tenté de traverser la frontière entre le Mexique et les États-Unis, il y a trois ans, on l'a arrêté. Il a passé deux ans en détention avant d'être déporté à nouveau. Il vit maintenant à Casa Tochán, un refuge à Mexico. Beaucoup des autres réfugiés possèdent aussi une vaste expérience des passages illégaux aux frontières. À l'opposé des déclarations sensationnalistes sur l'immigration qui assombrissent l'actuel climat politique, ces migrants ont une connaissance unique et concrète de l'entrée illégale aux États-Unis. Maintenant, Gerardo cherche à immigrer officiellement au Mexique plutôt que de prendre la route vers le nord. Comme de nombreux migrants d'Amérique centrale, il s'est dit qu'il était plus facile de se bâtir une vie au nord, mais du côté sud de la frontière américaine.

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Beaucoup d'entre eux sont déjà venus aux États-Unis. Ils sont d'avis quela position de Donald Trump sur l'immigration représente un changement de degré, et non de forme. Comme Gerardo, ils savent ce que c'est de traverser la frontière. Ils ont franchi des rivières et le désert, ont été arrêtés en cours de route ou ont été déportés et ont retenté le coup.

Osman

Osman, un autre réfugié à la Casa Tochán, est entré pour la première fois aux États-Unis en 1989, caché dans le coffre de la voiture d'un ami. Il dit que la frontière est plus intimidante aujourd'hui. La promesse du mur de Trump ne lui semble pas être un grand obstacle, cependant. Pour lui, le crime organisé autour de la frontière a un effet plus dissuasif. « Le mur n'aura pas vraiment d'effet, estime-t-il. Ils ne pourront pas surveiller partout. »

Néanmoins, les passages à la frontière ont beaucoup diminué depuis l'élection de Trump. D'après un rapport d'avril dernier de la US Customs and Border Patrol, les arrêts de migrants illégaux à la frontière en avril 2017 ont diminué de30 % par rapport au mois précédent et de 64 % par rapport au mois de mars 2016.

Marvin, lui, a vécu en tout 20 ans à Boston. Il a dû traverser la frontière trois fois et, à sa dernière tentative, il a été arrêté et a passé un an et demi en prison. À sa sortie en novembre 2016, on l'a déporté chez lui, au Salvador. Peu de temps après, il a repris la route vers le nord. Mais, même s'il ne fait pas encore une croix sur les États-Unis, lui aussi a décidé de s'arrêter au Mexique et d'y immigrer officiellement.

« C'est très difficile de traverser maintenant, mais c'est toujours possible », assure-t-il. Toutefois, on lui a dit que les passages étaient moins fréquents. « J'ai des amis qui sont des "coyotes" et, avant, ils faisaient traverser 60 ou 70 personnes par semaine. Maintenant, ils en aident huit ou neuf. Avant, ils demandaient de 7500 $ à 8500 $, maintenant, c'est 10 000 $. »

Osman ne prévoit pas de retourner aux États-Unis non plus. Il y a vécu de 1989 à 2000, année où il est volontairement retourné au Honduras. En 2015, il a de nouveau quitté son pays avec l'objectif de travailler près de la frontière américaine, où il pourrait mettre à profit sa connaissance de l'anglais. Il a travaillé pendant à Rogales un certain temps, puis il est allé à Mexico City pour régulariser sa situation. Là, il a vu une occasion de se bâtir une vie. Il a lancé un concessionnaire automobile et espère pouvoir faire venir son fils dès qu'il aura gagné assez d'argent pour vivre hors du refuge.

Ce qui a dissuadé Osman de retourner aux États-Unis, ce n'était pas la surveillance accrue à la frontière, mais la vie qui l'attendait au-delà de celle-ci : le risque de déportation est plus grand que jamais. « Ils vous sortent de votre appartement, maintenant, dit-il. Avant, ils ne faisaient pas ça. » Il a entendu qu'il est aussi plus difficile de gagner sa vie pour les sans-papiers. « Il n'y a plus d'opportunité maintenant aux États-Unis. Ma famille, mes amis, mes cousins et mes oncles, qui sont là-bas, me disent que c'est difficile de trouver du travail aujourd'hui. »

La vie des sans-papiers a toujours été précaire, mais le ciblage des migrants depuis que Trump est président réduit davantage leurs chances d'y mener une vie stable. « Avant, c'était assez calme », dit Gerardo, qui a passé au total 14 ans aux États-Unis entre 1994 et 2014. On pouvait prendre l'avion pour un vol intérieur, monter dans un car Greyhound, louer un appartement sans présenter ses papiers. » Sa famille et ses amis lui disent qu'aujourd'hui, la peur d'être arrêté limite sévèrement les activités. Néanmoins, pour qui le voudrait toujours, passer la frontière reste possible. « Trump est le chat et nous sommes les souris, dit-il. Les souris trouveront toujours le moyen d'entrer. »