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L’industrie du jeu vidéo refuse que vous répariez vos consoles vous-mêmes

Sony, Microsoft et Nintendo se sont engagés dans une campagne de lobbying destinée à empêcher les consommateurs de toucher à leurs appareils électroniques pour les réparer ou les améliorer.

L'industrie du jeu vidéo s'oppose activement contre la législation qui permettrait aux joueurs de réparer plus facilement leurs consoles. Elle s'est donc engagée dans une campagne de lobbying qui s'inscrit plus généralement dans une stratégie destinée à empêcher les consommateurs de toucher à leurs appareils électroniques afin de retarder leur détérioration ou de les améliorer.

La Entertainment Software Association, une organisation commerciale qui comprend Sony, Microsoft, Nintendo, ainsi que des dizaines de développeurs de jeux vidéo et d'éditeurs, s'oppose au projet de loi américain connu sous le nom de « droit de réparation » actuellement à l'étude dans plusieurs États, dont le Nebraska. Cette loi priverait les constructeurs d'une partie de leur contrôle sur le devenir des produits électroniques vendus à leurs clients.

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Ces dernières années, des constructeurs de plusieurs secteurs de l'industrie ont utilisé des contrats de licence utilisateur pour restreindre les options de réparation des appareils auprès des centres de réparation « autorisés », qui sont la propriété de ces mêmes constructeurs ou leur payent des droits de licence. Cet arrangement a permis à des entreprises comme Apple d'obtenir le monopole de la réparation de l'iPhone, à John Deere d'obtenir le monopole de la réparation de tracteurs, ou encore à Sony, Microsoft et Nintendo, celui de la réparation des consoles.

La Playstation 3 et la Xbox 360 possèdent des « failles de signature » affectant un grand nombre de périphériques : la « Ligne jaune de la mort » et l'« Anneau rouge de la mort », respectivement. Sony facture 200 dollars pour un appareil remis à neuf. Microsoft a remplacé gratuitement de nombreuses Xbox 360 victimes de l'Anneau rouge de la mort, ce qui est tout à son honneur. Cependant, le correctif du problème aurait parfaitement pu être proposé par des entreprises indépendantes à moindre prix, ou par des consommateurs. La faille, qui a été extrêmement pénible pour les clients comme pour l'entreprise, aurait pu être rapidement réglée par des réparateurs indépendants si Microsoft l'avait autorisé. À l'inverse, il a dû assurer le retour et l'expédition de milliers de consoles.

L'industrie du jeu vidéo a été un opposant particulièrement agressif de la « réparation équitable ». Sony et Microsoft ont placé des stickers d'inviolabilité sur les vis de leurs consoles, et précisent que la garantie est « nulle si les stickers sont retirés. » Aux Etats-Unis, ces stickers sont illégaux en vertu du Magnuson-Moss Warranty Act de 1975, une loi fédérale qui interdit l'annulation des garanties sur la base d'initiatives de réparation. Ces pratiques n'ont jamais été contestées car pour le consommateur, le litige est coûteux.

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Le projet de loi fait son chemin au sein du gouvernement fédéré du Nebraska, de New York, du Minnesota, du Wyoming, du Tennessee, du Kansas, du Massachusetts et de l'Illinois. Il exige des fabricants qu'ils fournissent des pièces de rechange et des outils de réparation aux entreprises de réparation indépendantes et aux consommateurs à un juste prix. De plus, les fabricants devront publier des manuels de diagnostic libres et gratuits, et proposer des logiciels permettant de rétablir le réglage usine des appareils électroniques. Enfin, le verrouillage du software de l'appareil sera interdit.

Cette loi représente une terrible menace pour les sociétés qui pratiquent le monopole abusif sur la réparation des produits électroniques. Aussi, les grands fabricants pratiquent un lobbying actif au Nebraska, l'État où la législation est actuellement la plus avancée. Dans une lettre à la sénatrice Lydia Brasch (reproduite ci-dessous), l'ESA et autres grands groupes commerciaux soutiennent que le projet de loi « menace la sécurité des consommateurs », est « inutile » et « contraint à divulguer des informations privées. »

« Les fabricants s'inquiètent que des fournisseurs de services indépendants prennent des risques, pour eux-mêmes et pour les consommateurs, en effectuant des opérations de réparation sans posséder la formation appropriée, et sans respecter les normes de sécurité en vigueur », précise la lettre.

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Les fabricants ont formulé trois arguments principaux contre le droit à la réparation : Ils affirment qu'il s'agit d'une pratique dangereuse, qu'elle peut engendrer des failles de sécurité et conduire à des vols de propriété intellectuelle. Bien que les entreprises se réjouissent d'évoquer ces questions en organisant des réunions à huis clos entre lobbyistes et politiciens, aucune n'a encore précisé en détail en quoi la loi pourrait nuire à leur organisation ou à leurs clients.

« Pourquoi les constructeurs sont contre cette loi ? C'est évident ! »

Les constructeurs ne sont pas responsables des blessures auto-infligées ou des blessures causées par une opération de réparation menée par un tiers. Si vous vous enfoncez un tournevis dans le bras en ouvrant votre PlayStation, il est inutile d'essayer de poursuivre Sony en justice ; si votre lecteur optique remplacé par un tiers explose pour une raison quelconque, même chose. La législation n'exige pas que les fabricants vendent des outils de déblocage et débuggage aux consommateurs, c'est-à-dire les mêmes logiciels qui sont déjà fournis aux réparateurs autorisés. La loi contient des dispositions spécifiques qui protègent les secrets commerciaux. Le droit à la réparation non fédéral ne concerne pas la propriété intellectuelle ou le Digital Millenium Copyright Act, mais un contrat de type EULA (End User License Agreement). La bibliothèque du Congrès américaine a déjà accordé des exemptions de déverrouillage liées à la réparation de nombreux types de produits électroniques.

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« Il est très facile pour le fabricant de se lever et de dire non, nous sommes les seuls à savoir comment faire, » explique Kyle Wiens, PDG d'iFixit. « Les législateurs se font entourlouper par les lobbyistes, qui leur font croire à une apocalypse imminente. »

Après m'avoir adressé à représentants de relations presse, Microsoft a refusé de répondre à mes questions, de même que Sony, Apple, et L'ESA. Depuis deux ans que la sujet du droit à la réparation est abordé dans la presse, aucun constructeur n'a jamais daigné commenter l'affaire publiquement.

« Ce n'est pas un cas classique d'opposition politique droite-gauche, ou une lutte d'un groupe aux intérêts marginaux contre un groupe puissant », ajoute Wiens. « Tout le monde veut être autorisé à réparer ses affaires, et seule une poignée d'organisations veulent empêcher cela. Leurs intérêts sont évidents dans cette affaire. »

Lettre de l'ESA à la Sénatrice Brasch (2) (1) par MotherboardTV sur Scribd