FYI.

This story is over 5 years old.

Tech

La vitesse de la lumière a diminué, selon des chercheurs

Une théorie très controversée qui remet en cause la théorie de la relativité restreinte d'Einstein pourrait bientôt être testée expérimentalement.

En 1905, Albert Einstein, alors âgé de 26 ans, a bouleversé la physique en publiant sa théorie de la relativité restreinte. Celle-ci établissait un lien entre l'espace et le temps basé sur deux principes fondamentaux : les lois de la physique sont les mêmes pour tous les observateurs pourvu qu'ils ne soient pas soumis à une accélération, et la vitesse de la lumière dans le vide est constante.

Au siècle dernier, les théories de la relativité d'Einstein (la relativité générale et la relativité restreinte), ont résisté à tous les tests de vérification empiriques destinés à éprouver sa solidité. Elles ont également servi à expliquer de nombreux phénomènes physiques, et à décrire les origines de l'univers connu. Pourtant, à la fin des années 90, une poignée de physiciens a remis en question l'un des deux principes fondamentaux de la théorie de la relativité restreinte : la constance de la vitesse de la lumière. À l'inverse, ils ont émis l'hypothèse selon laquelle la lumière se déplaçait plus rapidement lorsque l'univers était jeune.

Publicité

Cette hypothèse d'une variabilité de la vitesse de la lumière est extrêmement controversée. Pourtant, selon un article publié en novembre dans le journal Physical Review D, elle pourrait être testée de manière expérimentale dans un futur proche. Si les expériences pressenties venaient à appuyer cette théorie, cela pourrait avoir un énorme impact sur les sciences physiques, puisque cela signifierait que les lois de nature telles que nous les avons définies ne sont pas universelles. Il faudrait également réviser la théorie de la relativité générale d'Einstein.

« Tout l'édifice de nos théories physiques dépend de la constance de la vitesse de la lumière, » explique Joao Magueijo, chercheur en cosmologie à l'Imperial College London, et pionnier de la théorie de la variabilité de la vitesse de la lumière. « Nous avons donc dû trouver un moyen de modifier cette vitesse de référence sans trop ébranler ledit édifice. »

"Tout l'édifice de nos théories physiques dépend de la constance de la vitesse de la lumière."

Selon Magueijo, la théorie de la vitesse de la lumière variable (VSL) constitue une solution, ou plutôt un « bouche-trou théorique » à un problème extrêmement gênant en cosmologie : le problème de l'horizon, selon lequel un univers supposément homogène et isotrope serait incompatible avec certaines conséquences de la théorie de la relativité.

En effet, si la lumière possède une vitesse constante, cela signifie que depuis le Big Bang, elle a parcouru environ 13,7 milliards d'années-lumière, car 13,7 milliards d'années se sont écoulés depuis cet événement fondamental. La distance qu'elle aurait été capable de parcourir depuis lors dessine « un horizon cosmologique » de l'univers observable ; or, ce dernier est situé à environ 47 milliards d'années-lumière de nous (cette estimation prend en compte l'expansion de l'univers, qui intervient alors même que la lumière est en train de voyager).

Publicité

Imaginez que vous êtes assis au centre d'une sphère (l'univers) possédant un diamètre de 47 milliards d'années-lumière. Le bord de cette sphère, que l'on appelle également horizon de l'univers, nous pouvons le déterminer grâce au fond diffus cosmologique, le rayonnement électromagnétique datant d'environ 400 000 ans après le Big Bang ; il nous permet d'avoir un aperçu de notre univers lorsque celui-ci était encore jeune. Où que vous vous trouviez dans l'univers, lorsque vous observez le fond diffus cosmologique aujourd'hui, il sera situé à 13.7 milliards d'années-lumière de distance.

Le problème, c'est que si tout point de l'univers est invariablement situé à 13,7 milliards d'années du fond diffus cosmologique, la distance qui sépare une extrémité de l'horizon d'une autre est environ de 27,4 milliards d'années-lumière. En d'autres mots, l'univers est trop grand pour que la lumière ait pu le traverser de part en part au cours de son existence, or, cette condition est nécessaire pour expliquer l'homogénéité du fond diffus cosmologique.

Le problème de l'horizon. Image: Taylor Lewis/VICE

Lorsque les cosmologistes observent le fond diffus cosmologique, ils voient que celui-ci est remarquablement uniforme : sa température est d'environ -270 °C, peu importe le point de mesure utilisé, avec une variance minuscule (une partie sur 100 000). Pourtant, si la lumière, qui est la « chose » la plus rapide de l'univers, n'a pas été pas capable de voyager d'une extrémité à une autre de l'univers au cours de son histoire, nous ne devrions pas observer une telle homogénéité.

Publicité

Pour comprendre ce paradoxe, il faut faire preuve d'un peu d'imagination : prenons une baignoire possédant un robinet à chacune de ses extrémités – l'un d'eau froide, l'autre d'eau chaude. Si vous fermez ces deux robinets, l'eau de la baignoire atteindra une température tiède homogène, puisque l'eau froide et l'eau vont progressivement se mélanger. Mais si, pendant que les robinets fonctionnent, vous étirez la cuve de la baignoire dans tous les sens, suffisamment vite pour que l'eau chaude et froide ne se rencontrent jamais, un côté de la baignoire sera toujours plus chaud que l'autre.

L'étirement de la baignoire, c'est peu ou prou ce qui est arrivé après le Big Bang. Mais au lieu d'observer des parties de l'univers primitif significativement plus chauds ou plus froids que d'autres régions, nous avons un fond diffus cosmologique parfaitement homogène.

L'explication la plus communément admise au problème de l'horizon a été nommée « le paradigme de l'inflation cosmique, » ou modèle inflationniste. Elle propose l'idée selon laquelle l'uniformité du fond diffus cosmologique que nous observons aujourd'hui était déjà présente lorsque l'univers était encore extrêmement petit et dense ; il aurait simplement maintenu cette uniformité tout au long de son expansion. En bref, le bain d'eau froide et chaude aurait atteint une température tiède homogène bien avant que la cuve de la baignoire ait commencé à être étirée en tous sens.

Publicité

Même si cette théorie permet de maintenir le postulat selon lequel la vitesse de la lumière serait constante, elle requiert également d'accepter l'existence d'un « champ d'inflation » qui n'aurait existé que durant une brève période de temps dans le jeune univers.

Chronologie de l'histoire de l'univers, en prenant en compte le modèle de l'inflation cosmique. Image : NASA/WMAP science team

Selon les partisans de la théorie de la vitesse de la lumière variable, ce problème peut être résolu sans avoir recours à l'inflation : il suffit d'évoquer l'hypothèse selon laquelle la vitesse de la lumière aurait été significativement plus élevée lorsque l'univers était jeune. Ainsi, les extrémités de l'univers auraient continué à communiquer tout au long de son expansion, ce qui permet d'expliquer l'uniformité du fond diffus cosmologique.

Pourtant, pour les physiciens théoriques en faveur du modèle inflationniste de l'univers, adopter l'hypothèse d'une vitesse de la lumière variable revient à foutre la théorie de la relativité restreinte en l'air, pour parler vulgairement. « Dans la plupart des cas, falsifier une théorie fondamentale de manière aussi radicale est un désastre, car la théorie qui la remplace est moins puissante et moins cohérente » explique David Marsh, chercheur principal au Center de Theoretical Cosmology. « Afshordi et Magueijo ont abordé quelques-uns des défis à venir avec ce revirement théorique radical, mais il reste beaucoup de travail à abattre pour prouver que le nouveau modèle est sain. Il aura une foule de conséquences pour la cosmologie, mais aussi pour la physique dans son ensemble. »

Publicité

Quelle aurait donc été la vitesse de la lumière après le Big Bang ? Selon Magueijo et son collègue Niayesh Afshordi, professeur associé de physique et d'astronomie à l'Université de Waterloo, la réponse est « infiniment plus rapide que sa vitesse actuelle. »

Le duo précise que cette vitesse aurait été environ 32 fois plus rapide qu'elle est actuellement (à savoir 300 millions de mètres par seconde) pour sa limite basse, mais qu'elle aurait atteint une « vitesse infinie » juste après le Big Bang.

Selon cette vue, cette variation s'explique par le fait que l'univers était, à sa naissance, incroyablement chaud. Selon Afshordi, la nouvelle théorie exige que l'univers primitif ait atteint les 1028 degrés Celsius (en comparaison, la température la plus élevée que l'on puisse obtenir sur Terre est d'environ 1016 degrés Celsius).

À mesure que l'univers se dilatait et se refroidissait au-dessous de cette température, la lumière aurait connu un changement de phase (comme quand l'eau liquide se transforme en glace une fois que la température a atteint un certain seuil) et adopté sa vitesse actuelle de 300 millions de mètres par seconde. Tout comme la glace ne peut pas devenir plus « glaciale » qu'elle n'est déjà quand la température continue à descendre, la vitesse de la lumière n'aurait pas ralenti davantage après avoir atteint les 300 millions de mètres par seconde.

Si la théorie de la lumière variable proposée par Magueijo et Afshordi s'avérait correcte, alors la vitesse de la lumière aurait diminué de manière à la fois prédictible et descriptible. Cela signifie que, avec des instruments suffisamment sensibles, ce ralentissement pourrait être mesuré. Et c'est exactement ce que les deux chercheurs ont fait dans leur dernier article.

Publicité

"La variabilité de la vitesse de la lumière, si elle était avérée, remettrait en cause les fondements de la physique, et pas seulement la relativité restreinte."

Selon Afshordi, les galaxies et les autres structures présentes dans l'univers n'ont pu se former que grâce aux fluctuations de la densité de l'univers primordial. Ces fluctuations de densité sont visibles dans le fond diffus cosmologique sous forme d'« indices spectraux», que l'on peut interpréter comme la « couleur » de l'univers primitif. La base de référence neutre de l'indice spectral est de 1, ce qui correspond à un univers possédant la même amplitude de fluctuations gravitationnelles à toutes les échelles. Au-dessus de cette valeur, l'univers est « bleu » (les fluctuations possèdent une longueur d'onde plus courte) et au-dessous, il est « rouge » (des fluctuations d'une longueur d'onde plus longue).

Bien que le modèle inflationniste de l'univers propose également un indice spectral « rouge », il ne permet pas de calculer une valeur précise de cet indice, ni, par conséquent, les fluctuations gravitationnelles précises de l'univers primordial. Dans leur article, Magueijo et Afshordi ont fixé la valeur de l'indice spectral à 0.96478, c'est-à-dire « légèrement rouge », ce qui est bien plus précis que la valeur que l'on utilise d'ordinaire (environ 0.968).

Reste à voir si des études plus avancées du fond diffus cosmologique et de la distribution des galaxies permettront de vérifier ou de falsifier la théorie de la vitesse de la lumière variable. Magueijo et Afshordi, optimistes, espèrent que cela arrivera au cours de la prochaine décennie. Mais Marsh, ainsi que d'autres physiciens, demeurent sceptiques.

« Contrairement au modèle inflationniste, le modèle d'Afshordi et Magueijo est très complexe et mal compris à l'heure actuelle, » déclare Marsh. « Cependant, la compréhension du phénomène de l'inflation cosmique s'est affinée régulièrement pendant 35 ans, et il reste encore d'importantes questions théoriques à aborder dans ce cadre. Il est certes possible qu'avec plus de temps et de plus de recherches, le cadre théorique d'Afshordi et Magueijo soit mieux compris par la communauté scientifique, et qu'il permette de faire des prédictions plus élégantes. »

Si leur théorie est correcte, elle infirmera l'un des axiomes sous-jacents de la relativité restreinte ; les physiciens seront alors forcés de reconsidérer la nature même de la gravité. Selon Afshordi, cependant, la communauté des physiciens accepte plus ou moins l'idée selon laquelle la théorie de la gravitation d'Einstein a ses limites, et qu'elle sera remplacée à terme par une théorie quantique de la gravité. Actuellement, plusieurs théories quantiques de la gravité sont en concurrence, mais si la variabilité de la vitesse de la lumière s'avérait être une théorie exacte, la plupart n'auront plus lieu d'être.

« Si vous voulez vraiment étudier la gravitation quantique par l'observation, il vaut mieux se débarrasser toute suite du modèle inflationniste. » explique Magueijo. « Certes, il n'exige pas de modifier la physique fondamentale, mais il empêche d'adresser les vrais problèmes, au-delà de la relativité. Remettre en question la constance de la vitesse de la lumière permettra d'apporter de nouvelles idées, de nouvelles théories. C'est le moment où jamais. »