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Si les stock photos de hackers sont ridicules, c'est à cause de ce mec

Pourquoi les pirates sont-ils toujours représentés comme des silhouettes encapuchonnées s’adonnant à de diaboliques activités dans la pénombre d’une chambre à coucher ? Grâce à ce photographe Shutterstock, nous pouvons enfin répondre à cette question.

Croyez-moi : trouver une photo convenable pour un article parlant de piratage n'est pas une sinécure. Pour un journaliste spécialisé en sécurité informatique, c'est même un enfer. Lorsque vous fouillez les tréfonds des sites de stock photos, vous avez toutes les chances de tomber sur des gros plans de claviers agrémentés d'un rideau typographique vert à la Matrix, ou des silhouettes encapuchonnées s'adonnant à de diaboliques activités dans la pénombre d'une chambre à coucher.

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À la décharge de l'industrie de la stock photographie, illustrer des concepts tels que chiffrement, piratage à distance, malware – à l'aide de photos intelligibles pour le lecteur moyen – est très, très difficile.

Afin d'en savoir davantage sur la genèse des stock photos de hackers, nous nous sommes entretenus avec Tom, un photographe travaillant pour le site Shutterstock. Travaillant sous le pseudo welkomia, Tom est à l'origine des illustrations de pirate informatique parmi les plus répandues sur le web. Sans le savoir, nous avons même utilisé ses œuvres pour le compte de Motherboard. (La langue natale de Tom est le polonais, aussi, l'interview a été traduite et éditée par les journalistes de VICE Pologne.)

As-tu déjà eu l'occasion d'effectuer des recherches sur les techniques de piratage ? Est-ce que tu te documentes avant de créer une image ?

Honnêtement, je n'y connais rien en ça ne m'intéresse pas des masses. Je travaille uniquement avec l'imagination, la mienne d'abord, celle du lecteur ensuite. Pour lui, en plus de constituer une illustration, l'image doit être une sorte de supplément symbolique au texte. Personne ne veut d'un support éducatif montrant comment bosse le pirate.

Si j'utilisais une représentation réaliste d'un mec en train de pirater un truc, ça serait chiant comme la pluie. On me demande de créer une représentation attirante, exagérée de la réalité, comme au cinéma. Mon boulot, c'est l'équivalent du parti-pris artistique qui consiste à faire exploser des voitures sur une autoroute. Si le réalisateur se contentait de montrer un réservoir d'essence en flammes, le film perdrait beaucoup de son attrait visuel. Pour la stock photographie, c'est la même chose.

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Pourquoi les hackers sont toujours couverts d'un hoodie à capuche ou d'une cagoule, pendant qu'ils tapent comme des fous sur un clavier rétroéclairé ?

Comme je te disais, l'important, c'est d'utiliser les symboles et les connotations les plus évidentes. Une image qui parle immédiatement à l'imagination sera plus agréable au lecteur qu'une image qu'il faut décrypter et examiner en détails. Personne ne s'attend à voir des tronches de vrais pirates dans un article sur le piratage : paradoxalement, ça serait ridicule. D'ailleurs, les médias ont de bonnes raisons de ne pas montrer le visage de personnes qui ont été aux prises avec la justice.

« Mon boulot, c'est l'équivalent du parti-pris artistique qui consiste à faire exploser des voitures sur une autoroute. »

Est-ce que les modèles savent que la photo est censée représenter un pirate informatique ?

Si un modèle enfile une cagoule pour un shooting, mmh, oui, j'imagine qu'il comprend à peu près de quoi il en retourne. Même si le photographe ne leur a rien dit, ce qui n'est pas une attitude que j'encourage. En ce qui me concerne, j'informe chaque modèle sur le thème de l'image et le but du shooting. Les photos masquées ont en général la préférence du modèle. Lorsqu'un modèle montre son visage, certains lecteurs risquent d'associer ses traits à quelque chose de négatif dans la vie réelle, et auront une perception déformée de lui dans la vie réelle. Surtout si la photo a été utilisée dans une grosse campagne marketing où le visage du modèle se retrouve – littéralement – partout. Je pense que cela fait partir des devoir du photographe que de protéger l'identité des modèles d'une manière ou d'une autre, et de les préserver de ce genre de situations. Mes pirates portent toujours des cagoules : leur propre mère ne les reconnaitrait pas.

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Image: welcomia/Shutterstock

Comment en es-tu venu à t'occuper du thème du piratage informatique ?

Une partie de mon boulot consiste à suivre les tendances et la demande de très près. Puisqu'aujourd'hui, les opérations de piratage font la une chaque jour ou presque, Shutterstock, qui tient plus ou moins un rôle d'agent, m'a encouragé dans cette voie.

L'imagerie du piratage restera pertinente aussi longtemps que nous posséderons des ordinateurs, quel que soit la sophistication de leur système de sécurité ; la demande pour ce genre de photos ne risque donc pas de s'effondrer. Dans ces conditions, ça vaut le coup de se spécialiser dans les photos de pirates.

Quand vous prenez en photo un écran sur lequel on voit des lignes de code, quel genre de code choisis-tu ?

Justement, je fais mon possible pour qu'on ne voit jamais l'écran du type. Pour commencer, je ne saurais vraiment pas quoi y afficher. D'autre part, si je m'y connaissais en informatique, je n'aurais pas envie de donner un tuto de piratage gratuit au lecteur. Quand il faut absolument dévoiler l'écran, j'évite à tout prix de montrer une interface cool comme dans les films hollywoodiens. Je préfère que ça ressemble à de bonnes vieilles commandes texte sous DOS. Pour pirater un truc, pas besoin d'une interface holographique, non ?