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Les bulldogs sont des abominations de la nature, et c'est de notre faute

Ok, ils sont adorables. Mais sur ce coup-là, on a sacrément déconné.

Les chiens sont merveilleux ; on ne le dira jamais assez. Mais il existe peu d'images aussi tristes que celle d'un bulldog épuisé, parvenant à peine à respirer après un effort qui semblait pourtant relativement bénin. Vous en avez forcément déjà vu un, ses yeux humides semblant se fermer sous les plis de sa peau, pendant que ses petites pattes boudinées luttent mollement pour supporter le poids de son corps.

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Les bulldogs sont des abominations de la nature, et c'est clairement de notre faute.

Une nouvelle étude révèle à quel point nous avons horriblement déformé le patrimoine génétique de ces pauvres bêtes. Les bulldogs anglais de race pure ne seront jamais en bonne santé, la faute à des générations de consanguinité forcée dans le seul but d'obtenir un chien aux caractéristiques "idéales". Les résultats présentés dans l'article, publié vendredi dans la revue Canine Genetics and Epidemiology, sont issus de la toute première étude de l'ADN de l'espèce, dont on étudiait auparavant la diversité par le biais des pedigrees des chiens.

"Tout comme il a fallu des décennies, voire des siècles, pour que le bulldog atteigne sa forme actuelle, il faudra très certainement beaucoup de temps pour réparer les dégâts. Les bulldogs anglais ont perdu tellement de leur diversité génétique, et leurs problèmes de santé sont devenus tellement communs à l'ensemble de l'espèce, que presque aucun d'entre eux n'en est dépourvu", m'a expliqué l'auteur principal de l'étude, Niels Pedersen, professeur à l'université de Californie.

Un bulldog qui a l'air de bien nous en vouloir. Image: Flickr/Paul Hudson

Une équipe de vétérinaires a analysé l'ADN de 102 bulldogs anglais "homologués", c'est-à-dire de race suffisamment pure pour être autorisés à participer à des concours canins, issus de plusieurs pays. Après avoir séquencé leur génome, celui-ci a été comparé à celui de chiens issus d'usines à chiots, suivant une hypothèse selon laquelle les éleveurs de bulldogs pure race seraient responsables des problèmes de santé omniprésents au sein de l'espèce.

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En comparant les deux groupes, il est apparu évident que de vastes portions du génome du bulldog anglais avaient été affectées par des siècles de reproduction sélective. Les chercheurs ont identifié un sévère manque de diversité génétique dans la région du génome responsable du système immunitaire. Et en ce qui concerne d'autres problèmes tels que le plissement de la peau ou la dysplasie de la hanche, le manque de diversité de l'ADN des bulldogs laisse peu d'espoir quant à la possibilité d'éliminer ce genre de problèmes à terme.

Par ailleurs, l'étude révèle que les problèmes respiratoires liés à la brachycéphalie - le crâne plat et large emblématique des bulldogs - sont le produit de changements complexes ayant affecté la structure crânienne du chien, et qu'ils ne peuvent être résolument simplement en lui "allongeant" la tête par le truchement d'une nouvelle phase d'élevage sélectif.

Une étude menée en 2015 par l'association The Kennel Club avait montré que la reproduction consanguine entre bulldogs à pedigree avait atteint son sommet au cours des décennies 1980 et 1990. Ce goulet d'étranglement génétique, qui s'est traduit par une perte considérable de diversité génétique, serait survenue quand quelques chiens très populaires ont été surexploités pour se reproduire frénétiquement.

Dans une autre étude, publié dans la revue Public Library of Science Genetics, des chercheurs suédois ont découvert des gènes qui prédisposent les bulldogs à un certain type de cancer du cerveau nommé gliome canin, c'est-à-dire un cancer des cellules gliales du cerveau. D'après leurs résultats, la sélection répétée de chiens à la brachycéphalie prononcée serait responsable de ce problème.

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Les bulldogs anglais sont originaires des îles britanniques, et étaient utilisées autrefois pour un sport désormais interdit, le bull-baiting. Mais l'espèce s'est rapidement affranchie de cette notion d'"utilité", à mesure que les humains cherchaient à renforcer des traits débilitants, tels que l'aspect trapu, la large mâchoire, et l'énorme tête. Aujourd'hui, plus de 80% des bébés bulldogs naissent par césarienne.

La plupart des propriétaires de bulldogs anglais doivent s'attendre à ce que leur chien meure d'un cancer ou d'un arrêt cardiaque. Un petit groupe d'éleveurs tente actuellement de ressusciter le bulldog des origines, rebaptisé pour l'occasion "Olde English Bulldogge", même si certains chercheurs préviennent que réintroduire brutalement de la diversité au sein du génome des bulldogs actuels pourrait être dangereux.

"À mon sens, cette démarche, qui consiste à tenter de créer une espèce de chien ayant tous les attributs et les caractéristiques physiques du bulldog sans les problèmes de santé, est louable. Ils ont senti que les choses n'allaient pas dans le bon sens, et ont eu la présence d'esprit de se détacher du circuit habituel et de faire les choses différemment", ajoute Pedersen.

Quand je lui demande si une sorte d'hybride (de bâtard, en somme) pourrait constituer un bon compromis pour les gens qui souhaitent avoir un bulldog mais sont rebutés par leurs problèmes de santé, sa réponse se veut optimiste.

"Si le bâtard ainsi obtenu était un chien non-brachycéphale, non-chondrodystrophique avec une queue normale et une peau peu plissée, alors il serait clairement en meilleure santé que son parent bulldog."