Comment créer la plus grande constellation de satellites de l'histoire
Vue d'artiste d'un satellite Iridium Next en orbite. Image : Iridium

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Comment créer la plus grande constellation de satellites de l'histoire

Comment Iridium est revenu à la vie pour inaugurer l'ère des méga-projets satellitaires.

Matt Desch n’avait pas prévu de changer le monde, mais c’est peut-être ce qu’il va faire, par accident. En tant que CEO d’Iridium, la seule entreprise qui fournit des canaux de communication par satellite sur chaque centimètre carré de la planète, il est à la tête de Helm, une flotte de satellites de télécommunications qui pourrait bien être l’un des projets spatiaux les plus ambitieux de tous les temps.

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Dans un an environ, Iridium aura mis 75 satellites Next en orbite. Chacun d’entre eux remplacera un satellite Iridium de première génération envoyé dans l’espace il y a presque deux décennies. Une fois en place, les nouveaux appareils se lieront les uns aux autres par radio pour créer le réseau maillé le plus grand et complexe jamais envoyé dans l’espace.

Comme le réseau de première génération dont elle prendra la place, cette grille de satellites Iridium Next fournira des services téléphoniques et de transferts de données à des chercheurs installés en Antarctique, à des entrepreneurs de la défense au Moyen-Orient, à des mules des cartels d’Amérique latine ou encore à des alpinistes accrochés au flanc de l’Everest.

La capsule d'une fusée Falcon 9 contenant dix satellites Iridium juste avant le lancement Iridium-3 en octobre 2017. Image : Daniel Oberhaus/Motherboard.

La constellation Next aura aussi de nouvelles fonctionnalités. Grâce à elle, l’Internet des objets disposera d’une nouvelle colonne vertébrale spatiale. Elle permettra aussi de géolocaliser et ne suivre des avions et des bateaux dans des zones où cela était jusqu’alors impossible. Presque 70% de la planète ne dispose pas de couverture radar actuellement, ce qui explique notamment pourquoi le vol MH370 a pu disparaître au beau milieu de l’Océan pacifique en 2014. Iridium espère reléguer ce genre de tragédie dans les oubliettes de l’histoire.

Bien sûr, il faut d’abord que tout se passe comme prévu. Or, Iridium n’est pas vraiment connu pour son passé sans tache : il y a environ 20 ans, l’entreprise a déclaré l’une des plus grandes faillites commerciales de tous les temps. Une catastrophe telle qu’elle a bien failli précipiter sa flotte de satellites dans l’atmosphère pour limiter ses pertes.

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Chaque nouveau lancement d’Iridium peut être perçu comme l’apogée d’années de conception, de recherche et d’expérimentation par une équipe de scientifiques et d’ingénieurs venus du monde entier, mais aussi comme la manifestation d’une opiniâtreté déraisonnable face à des risques très importants. Afin de mieux comprendre les enjeux de ce combat, j’ai suivi la nouvelle génération de satellites Iridium, de leur naissance dans un hangar d’Arizona à leur arrivée à 800 kilomètres d’altitude.

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En octobre dernier, j’ai retrouvé Desch, qui dirige Iridium depuis presque douze ans, pour prendre un petit-déjeuner dans un restaurant de Solvang, en Californie. Nous venions tout juste d’assister à la mise en orbite de la troisième escadrille de dix satellites Iridium ; la fusée SpaceX Falcon 9 qui les embarquait avait été lancée de la Vandenberg Air Force Base, à quelques minutes de là. Malgré l’heure matinale, nous étions éveillés depuis un bon moment.

Une fusée SpaceX transportant la troisième cargaison de satellites Iridium décolle de la Vandenberg Air Force Base, le 9 octobre 2017. Image : Daniel Oberhaus/Motherboard

Des ingénieurs d’Iridium basés sur la côte est s’affairaient à placer les satellites sur leur plan orbital pendant que nous dévorions nos tartines à l’avocat. Entre deux bouchées, Desch m’a expliqué pourquoi SpaceX et son entreprise étaient des partenaires idéaux.

“De bien des façons, la Falcon 9 a été conçue autour de la charge utile d’Iridium parce que nous avons été les premiers à travailler avec SpaceX, a-t-il affirmé. Le lancement représente près d’un tiers de nos dépenses. Si SpaceX n’était pas là, je ne pourrais tout simplement pas me le permettre.”

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D’un autre côté, Iridium, qui est en effet le premier client de SpaceX, constitue une source de revenus inégalée pour l’entreprise d’Elon Musk : aucun autre acteur du secteur commercial ne pourrait lui verser autant d’argent. Desch l'affirme sans fard : “Personne n'ose lancer 75 satellites, sauf nous.”

Desch a fait confiance aux fusées d’Elon Musk pendant des années. En septembre 2016, quand une Falcon 9 a explosé sur sa zone de lancement, il a tout de même été impressionné : les dix premiers satellite Iridium devaient être mis en orbite quelques semaines plus tard. Après l’explosion, le déploiement a été repoussé au mois de janvier 2017.

Space X aime à répéter que ses fusées “flight proven” – c’est-à-dire déjà lancées – sont un bon moyen de faire des économies. Reste qu’utiliser un lanceur qui a déjà fait un tour dans l’espace comporte un vrai risque, reconnu par Iridium lorsqu’elle a demandé à ce que son chargement ne soit jamais embarqué dans une Falcon 9 “usée”, dans son contrat d'origine avec SpaceX. Il est toujours bon de rappeler que ces exigences ne sont rien face aux aléas de la conquête spatiale : la fusée qui a emporté un satellite Facebook dans son explosion en septembre 2016 était flambant neuve.

Partir pour l’espace avec un engin de seconde main, c’est faire des économies au prix d’un risque non mesurable. Chacun des chargements d’Iridium vaut 250 millions de dollars. La perte d’un seul d’entre eux serait un désastre. Après de longues discussions avec SpaceX et ses assureurs, Desch a tout de même décidé de confier ses quatrième et cinquième escadrilles de satellites à des fusées “flight proven”. Un choix qui révèle la toute-confiance qu’il porte à l’entreprise d’Elon Musk.

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Le 22 décembre 2017, une fusée SpaceX déjà lancée a emporté dix satellites Iridium dans l’espace. Toutes les inquiétudes de Desch ont été balayées : le lancement s’est déroulé sans le moindre incident.

Comment construire un satellite

L’aventure spatiale d’Iridium commence dans un bâtiment banal de Gilbert, une ville de la banlieue de Phoenix, dans l’Arizona. C’est là que se trouve Orbital ATK, l’entreprise d’aérospatiale qui a été chargée de construire la constellation Iridium Next. De l’autre côté de la rue, des vaches mâchent tranquillement leur foin dans une ferme. Les corridors stériles d’Orbital ATK sont comme les galeries d’une grotte. Les portes sont couvertes d’avertissements : les pièces qu’elles ferment contiennent des “matériaux contrôlés”.

Du fait de la Réglementation américaine sur le trafic d'armes au niveau international (ITAR), de nombreux éléments constitutifs des satellites doivent être traités avec la même rigueur que les tanks et les grenades à main. Ces technologies ne doivent pas être vues par des civils ou partagées avec des gouvernements étrangers. Or, ces règles constituent une énorme épine dans le pied de l’industrie aérospatiale depuis des années. En tant que journaliste, elles m’ont surtout interdit de visiter Orbital ATK caméra à la main.

L’usine est découpée en cinq salles énormes dans lesquelles les satellites sont entreposés et assemblés. Orbital ATK les a toutes déclarées Foreign Trade Zone (FTZ), l’équivalent industriel des zones de duty free des aéroports. Grâce à cette distinction légale, l’entreprise s’épargne les taxes sur l’importation de matériel. La plus grande FTZ du bâtiment est réservée à la construction des satellites ; divisée en 18 postes de travail, elle accueille des techniciens en tenue de travail pour salle blanche 24 heures sur 24.

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La plupart des satellites sont uniques. Leur production est un processus long et difficile qui peut durer plusieurs années. Iridium ne pouvait pas se permettre d'attendre si longtemps : l’entreprise devait produire 81 satellites (75 pour mise en orbite, six pour remplacement en cas de problème) aussi rapidement que si elle en avait produit un seul en suivant la méthode habituelle. En clair, Iridium a demandé à Orbital ATK de devenir le Henry Ford de l’aérospatiale.

Cette tâche pouvait se révéler difficile pour une petite entreprise, mais Orbital ATK avait quand même l’avantage de l’expérience : dans les années 90, c’est elle qui avait géré la construction de la première série de satellites Iridium. La production en chaîne de satellites était alors inédite, et perçue comme parfaitement impossible.

Bon nombre d’ingénieurs ayant participé à la construction de la première génération de satellites font toujours partie d’Orbital ATK. Cette fois, cependant, la conception des satellites Next a été confiée à l’entreprise d’aérospatiale française Thales.

Thales disposait déjà d’un modèle de satellite qu’elle a adapté au cachier des charges d’Iridium. Les ingénieurs d’Orbital ATK et Iridium avec lesquels j’ai pu discuter ont regretté que ce processus de collaboration ait été ralenti par les règles de l’ITAR. Exemple classique en trois volets : Thales fait parvenir des plans préliminaires à Orbital ATK. Orbital ATK renvoie les plans à Thales avec des demandes d’ajustement. La nature des corrections à apporter est alors obscurcie par les règles de l’ITAR sur le partage des plans de composants.

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Les plans du satellite sont parvenus à Orbital ATK au terme d’un processus émaillé de problèmes de ce genre. L’entreprise a alors lancé la production de sept des 81 satellites commandés. Ces sept engins ont été les seuls à subir une large gamme de tests : ils ont été soumis à des vibrations intenses, à des interférences électromagnétiques et à des agressions acoustiques que Michael Pickette, le directeur des services de gestion d’Orbital ATK, m’a décrit comme “exposer le satellite aux plus gros amplis de concert de rock que vous puissiez imaginer.”

Le but de ces tests était de valider la chaîne de production. Selon toute logique, si les membres du septet subissaient cette torture mécanique sans encombre, leurs frères sortis de la même ligne d’assemblage devraient fonctionner sans problème.

Une fois les tests finis, Orbital ATK a lancé la production des satellites. Jusqu’à ce que le dernier soit terminé (ce qui devrait arriver dans les semaines à venir), sa chaîne d’assemblage complètera cinq à six engins par mois. Le procédé commence par le montage des différentes parties du corps du satellite, le “bus”. Une fois le bus achevé, les techniciens d’Orbital ATK s’assurent que ses composants électroniques, ses modules de communication, son antenne et son isolation sont conformes.

Vers la fin de la chaîne, chaque satellite est placé dans une chambre thermique. Là, il est exposé à des températures extrêmement hautes et basses pendant 12 jours. Le but est de s’assurer qu’il est apte à survivre dans l’espace. S’il tient le coup, il est acheminé jusqu’à la station de travail numéro 15, où il est équipé d’un suiveur stellaire, l’instrument de navigation utilisé pour suivre sa position depuis le sol. La station 15 a aussi une grande valeur émotionnelle pour les ingénieurs d’Orbital ATK : c'est là qu'une plaque dédiée à un employé ou un investisseur est installée sur l'engin spatial.

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Dix satellites Iridium sont installés dans une capsule spéciale qui sera placée au sommet d'une fusée SpaceX Falcon 9. Image : Iridium

Ensuite, le satellite est installé dans une tente remplie d’azote après que ses réservoirs ont été remplis d’hélium. La différence de taille entre les deux molécules permet aux ingénieurs de repérer la moindre fuite.

À la toute fin, les panneaux solaires qui apporteront l’énergie nécessaire au fonctionnement du satellite sont installés. Une fois cette étape bouclée, l’appareil pourrait être envoyé en orbite dans le quart d’heure. Aux ingénieurs d’Orbital ATK de décider s’il fera partie de la prochaine escadrille embarquée sur une Falcon 9, ou s’il rejoindra quelques dizaines de congénères dans un entrepôt en attendant son départ.

Si un satellite décroche sa place pour le prochain vol, ses batteries sont extraites de la chambre froide dans laquelle elles sont entreposées et installées lors d’un passage sur la station de travail 18, au cours duquel l’appareil reçoit également son programme informatique.

Les techniciens d’Iridium qui travaillent au Satellite Network Operations Center de Virginie établissent alors le contact avec le satellite pour s’assurer qu’ils seront bien capables de communiquer avec lui après le lancement. Cette vérification effectuée, le satellite est chargé dans un conteneur spécial et envoyé vers sa dernière résidence terrestre, la Vandenberg Air Force Base, en Californie.

Après le lancement, le réseau de techniciens global d’Iridium prend le contrôle des opérations. Leur travail consiste d’abord à vérifier que les satellites émettent et reçoivent correctement les communications, tant avec leurs semblables qu’avec les stations de contrôle terrestres. L’ensemble de la procédure peut prendre un mois. Une fois placés sur l’orbite qui leur a été attribuée, les satellites ne se contenteront pas de communiquer entre eux et avec leurs opérateurs : ils échangeront aussi avec trois centres terriens qui les relieront à l’infrastructure de télécommunications que nous utilisons au quotidien.

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Quand j’ai visité le centre principal d’Iridium à Tempe, dans l’Arizona, l’endroit grouillait d’activité. Les deux autres centres sont réservés au département de la Défense des États-Unis et à la Russie, respectivement. Les techniciens de l’entreprise étaient assis dans l’obscurité, les yeux rivés sur un écran sur lequel apparaissait la position des satellites déjà lancés. En même temps, ils s’assuraient que les appels qui transitaient par le réseau n’étaient victimes d’aucune erreur.

La salle de contrôle principale du réseau Iridium, en Viriginie. Image : Iridium

Stuart Fankheuser, le vice-président de la gestion du réseau d’Iridium, m’a affirmé que la grande salle de contrôle était presque un no man’s land à l’époque où l’entreprise était en faillite.

“J’étais l’un des derniers gars présents, m’a-t-il lancé. J’étais avec quatre autres personnes, on faisait tout tourner. C’était très silencieux, très étrange.”

Iridium a été lancé comme une filiale de Motorola à la fin des années 90. Sa première génération de satellites devait coûter 3,5 milliards de dollars. Au final, le projet révolutionnaire a coûté presque deux fois plus à la multinationale des télécommunications.

Pour ne rien arranger, les clients potentiels pour un service de téléphone par satellite – la raison d’être du réseau d’Iridium – étaient rares au début des années 90. Le téléphone nécessaire était tellement gros qu’il était surnommé “la brique”. Après avoir déboursé plusieurs milliers de dollars pour se le procurer, il fallait payer sept dollars pour chaque minute de communication. À l’aube de sa mise en faillite, Iridium comptait à peu près 60 000 clients. Malheureusement pour l’entreprise, la progression de la couverture mobile aux États-Unis et en Europe a peu à peu rendu son service inutile.

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En août 1999, Motorola a décidé de mettre un terme au projet. Iridium s’est déclaré en faillite neuf mois après la mise en ligne de son réseau satellitaire. À moins qu’une entreprise tierce ne décide de l’acquérir (et en 1999, aucun investisseur sain d’esprit n’aurait osé mettre son argent sur pareil Icare spatial), l’entreprise était condamnée.

C’était sans compter sur Dan Colussy, l’ancien président de la compagnie aérienne Pan American. Après avoir suivi les soucis d’Iridium avec un grand intérêt, Dan Colussy s’est engagé dans des négociations avec le département de la Défense, des financiers saoudiens et des cadres de Motorola ; quelques heures avant le lancement du processus de désorbitation, il est devenu le nouveau propriétaire d’Iridium moyennant 35 millions de dollars. Une affaire, si on veut.

Walts Everetts, vice-président des opérations satellitaires et du développement au sol, devant l'un des satellites de test à Tempe, en Arizona. Image : Daniel

Dans le livre qu’il a consacré à l’épopée d’Iridium, Eccentric Orbits, le journaliste John Bloom explique que Colussy avait senti que le réseau de satellites pouvait servir à quelque chose, sans pouvoir déterminer exactement à quoi. Iridium avait réalisé une percée technologique inédite qui lui semblait trop précieuse pour être condamnée à brûler dans l’atmosphère. Seize ans plus tard, l’intuition de l’homme d’affaires s’est révélée correcte. Les employés de l’entreprise m’ont affirmé qu’il avait fallu se battre pour en arriver là.

“On a dû se montrer teigneux, a raconté Fankhauser pendant que nous marchions dans le centre Iridium de Tempe. On dépensait l’argent de nos investisseurs à tout vitesse, on s’est retrouvé à acheter notre matériel sur eBay et auprès de liquidateurs de dotcoms ruinés. Ça nous a appris l’humilité.”

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Le centre ne représente que la moitié des activités de back-end d’Iridium. L’autre moitié, une installation d’essais posée à quelques centaines de mètres de là, contrôle le réseau en permanence pour s’assurer qu’il ne souffre d’aucune vulnérabilité et optimise les services d’Iridium. À l’intérieur du bâtiment, on trouve deux grandes cages de Faraday remplies de téléphones et d’appareils reliés au réseau Iridium. Le jour de ma visite, les ingénieurs ont réussi à effectuer 1 700 appels simultanés à l’aide d’un seul satellite, un record d’entreprise.

Walt Everetts, le vice-président des opérations satellitaires et du développement au sol, est chargé de veiller au bon déroulement des activités quotidiennes du centre d’essais. C’est lui qui m’a montré la grande carte interactive qui trône dans le lobby du bâtiment. Grâce à elle, les visiteurs peuvent suivre les communications qui transitent par le réseau de satellites. Des petits points de couleur variable indiquent le type de service utilisé : un appel de Dubaï pour la Chine, un marin qui consulte ses mails au beau milieu de l’Atlantique. La majorité des points signalaient toutefois des machines communiquant avec d’autres machines.

Des satellites Iridium attendent leur chargement dans une fusée Falcon 9. La boîte blanche sur leur partie supérieure est détenue par Aireon ; elle permettra de suivre les avions en transit dans des zones non couvertes par radar. Image : Iridium

Everetts et Desh m’ont affirmé que la croissance de l’Internet des objets leur donnait foi en l’avenir économique d’Iridium. Faciliter les communications entre être humains est toujours au coeur des activités de l’entreprise, mais la plus grande partie du réseau est destinée aux machines, aux bouées de détection des tsunamis et aux puces utilisées pour suivre les espèces menacées. Desch m’a confié que plus de la moitié du petit million de souscriptions déjà récoltées par Iridium avaient été contractées par des entreprises cherchant à connecter leurs appareils.

La fin d’une ère

Avec SpaceX, Iridium est l’une des rares entreprises d’aérospatiale à pouvoir revendiquer un genre de fan club. Un certain nombre d’astroheads venus du monde entier scrutent le ciel nocturne à la recherche d’un phénomène baptisé Iridium flares. Les satellites originaux ont été dotés d’une grande surface réfléchissante qui les fait briller dans les rayons du soleil, tant et si bien qu’ils peuvent être repérés à l’oeil nu même dans la pollution lumineuse.

Plusieurs techniciens Iridium auxquels j’ai adressé la parole ont manifesté une passion similaire. Certains d’entre eux parlaient des satellites comme des parents parlent de leur enfant. Bien sûr, chacun de ces engins a un nom bien à lui. Everetts est allé jusqu’à donner le prénom de ses fils à deux d’entre eux, ce qui donne un cachet plutôt dramatique à leur future désorbitation. En fonction des réserves de carburant du satellite, le procédé peut prendre quelques jours ou plusieurs mois. Au moment de l’écriture de cet article, six des satellites Iridium originaux avaient été jetés dans l’atmosphère. Plusieurs autres affronteront leur destin d’ici à la fin de l’année.

La fin du pemier réseau Iridium est aussi le début d’une nouvelle ère, pour l’entreprise comme pour la conquête spatiale elle-même.

À l’heure actuelle, des entreprises comme OneWeb, Boeing et SpaceX s’affrontent pour la création d’un réseau de communication de plusieurs centaines de satellites. Iridium ne s’en inquiète guère : la plupart de ces constellations artificielles seront destinées aux particuliers. Mieux : aucune de ces entreprises n’a jamais été à même de faire décoller ces projets.

La course à la mise en orbite d’Internet ravive le souvenir d’entreprises de télécommunications par satellite au destin tragique. Dans les années 90, Teledesic et Globalstar se sont effondrées après qu’Iridium a montré par sa faillite que le marché de la téléphonie par satellite n’existait pas vraiment. Beaucoup d’entreprises surveillent les progrès du nouvel Iridium, c’est certain. Comme dans les années 90, ces challengers aspirants attendent le succès ou l’échec du projet. Pour le moment, tout se passe sans le moindre problème.

Ceci dit, 35 satellites doivent encore être lancés. Iridium peut encore être victime du sort. Le pari est énorme, la récompense aussi. Devenir la première entreprise a pouvoir gérer des communications sur chaque recoin de la planète n’est pas rien.

“Nous sommes la seule entreprise à avoir lancé autant de satellites et nous continuons notre chemin, m’a déclaré Desch. Notre succès a donné vie à une toute nouvelle industrie : nous entrons dans l’ère des mégaconstellations de satellites en orbite basse.”