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L'intelligence artificielle qui observe les exoplanètes

L’intelligence artificielle permet d’automatiser l’étude de l’atmosphère des exoplanètes, nous renseignant sur notre propre système solaire et facilitant la recherche d’écosystèmes susceptibles d’abriter la vie.
Représentation de l'exoplanète Kepler-22 b. Image : NASA

La recherche et l'exploration spatiale ont de nouveau la cote. En septembre dernier, Elon Musk, CEO et créateur de Space X, a suscité une vague d'enthousiasme et de débats dans le monde entier en dévoilant son plan pour coloniser Mars. L'an passé, le milliardaire russe Yuri Milner, installé dans la Silicon Valley, a de son côté financé, à hauteur de 100 millions de dollars, un ambitieux programme baptisé Breakthrough Listen, soutenu par Stephen Hawking et dirigé par l'astrophysicien Frank Drake. L'objectif : sonder la galaxie à la recherche d'ondes radio et de signaux lasers témoignant de l'existence d'autres formes de vie intelligentes… La mise en place du télescope spatial James Webb, prévue pour 2018, permettra quant à elle de rassembler des informations inédites sur une partie des 3 545 exoplanètes (situées en dehors de notre système solaire) répertoriées, nous offrant ainsi un regard plus aiguisé que jamais sur la galaxie. Problème : les données rassemblées risquent d'être tellement conséquentes qu'il sera impossible, pour le corps scientifique, de les traiter à la main.

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RobERt ou le deep learning au secours de l'astrophysique

C'est ici que l'intelligence artificielle intervient, sous la forme du programme RobERt (pour Robotic Exoplanet Recognition). Développé par de jeunes chercheurs de l'University College London, ce projet utilise le deep learning, une sous-catégorie du machine learning qui emploie des réseaux de neurones, inspirés du fonctionnement du cerveau humain, pour traiter une large quantité de données et obtenir des logiciels capables de s'entraîner et s'améliorer tout seuls. À l'aide de cette méthode, l'équipe de chercheurs compte déterminer la composition de l'atmosphère des exoplanètes à partir de larges bases de données non structurées recueillies par les instruments de mesure. En effet, chaque planète reflète une petite partie de la lumière projetée par les étoiles environnantes. Or, cette lumière est plus ou moins absorbée par l'action des différents gaz qui composent l'atmosphère, ce qui confère à chaque planète un spectre de lumière différent. L'analyse de ce spectre permet aux scientifiques de déterminer les différentes molécules chimiques qui composent l'atmosphère. Un processus qui requiert toutefois beaucoup de temps, et que le programme RobERt ambitionne d'accélérer.

Décrypter la lumière

Ingo Waldmann, chef de l'équipe de recherche, nous livre quelques explications : « Nous élaborons un algorithme capable d'automatiser la reconnaissance qualitative de l'atmosphère d'une planète, et le deep learning est parfait pour cela. RobERt peut automatiquement classifier les différentes molécules mises en évidence dans un spectre de lumière avec une précision de plus de 98%. Cela nous permet de brasser très vite une large quantité de données, et de construire un graphe décrivant la composition de l'atmosphère de chaque planète : eau, dioxyde et monoxyde de carbone, ammonium, titane, etc. Construire un modèle à la main répertoriant toutes ces composantes demande beaucoup de temps et d'énormes capacités informatiques. Un réseau de neurones peut apprendre le modèle par lui-même, travailler ainsi tout seul et fournir un résultat très précis. » Pour parvenir à ce résultat, les chercheurs ont entraîné RobERt sur plus de 85 000 spectres de lumière simulés. À chaque nouvel exercice, RobERt améliore légèrement ses performances.

À la recherche d'autres formes de vie

Pour l'équipe d'Ingo Waldmann, l'objectif est double : il s'agit d'une part de mieux comprendre certaines planètes, et d'autre part d'en apprendre davantage sur l'histoire de notre système solaire. « Aujourd'hui, les planètes très chaudes, de 2 000 degrés et plus, demeurent assez obscures : nous ne comprenons pas comment la chimie fonctionne sur des gaz d'une telle chaleur, car nous ne pouvons les observer en laboratoire, explique-t-il. L'observation des exoplanètes permet également, en effectuant des comparaisons avec notre propre système solaire, de mieux comprendre l'histoire et le fonctionnement de celui-ci. Nous pourrions par exemple comprendre pourquoi Jupiter n'a pas migré plus près du soleil, comme ce fut le cas pour de nombreuses planètes aux caractéristiques similaires situées dans d'autres systèmes. Nous pourrons bientôt mettre notre système solaire en perspective des autres ». À terme, les données traitées par RobERt pourraient également permettre d'améliorer le calibrage des instruments : « Aujourd'hui, les réglages se font à la main, ce qui entraîne un biais énorme dans l'analyse de données. »

Enfin, dans un futur plus lointain, RobERt pourrait répondre à l'un des plus grands rêves de l'humanité : découvrir qu'elle n'est pas seule dans l'univers : « Nous pourrons rechercher des indices de vie, comme la présence d'ozone ou d'oxygène, quelque chose qui laisse à penser que la photosynthèse a lieu sur telle ou telle planète. Aujourd'hui, nous connaissons environ cinq planètes susceptibles d'abriter la vie. À l'avenir, des télescopes plus perfectionnés nous permettront de porter le regard plus loin. » Avec, à la clef, la possibilité de tomber sur une autre forme de vie, ou sur une planète susceptible d'être colonisée par l'homme.