Un sous-marin chasseur d'extraterrestres est testé en Antarctique

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Un sous-marin chasseur d'extraterrestres est testé en Antarctique

Des chercheurs de l'incroyable mission ARTEMIS en Antarctique nous raconte leur travail de fou et nous offrent quelques photos sublimes.

Quand Donald Trump a dévoilé son budget au début de l'année, les passionnés d'exploration spatiale ont été très déçus de constater qu'aucun financement n'était prévu pour la mission de la NASA visant à envoyer un module sur Europe. Même si elle n'est que l'une des 67 lunes de Jupiter, Europe est unique dans la mesure où l'on pense qu'elle abrite un océan d'eau liquide sous la couche de glace rougeâtre qui couvre sa surface, ce qui en fait probablement la candidate la plus solide du système solaire pour abriter des formes de vie extraterrestre.

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Mais il ne faut pas perdre espoir : la semaine dernière, la NASA et l'Agence spatiale européenne ont dévoilé un nouveau projet de mission commune pour envoyer un module sur Europe.

C'est une excellente nouvelle pour les employés de Stone Aerospace, qui travaillent depuis des années au développement d'ARTEMIS, un sous-marin autonome équipé de technologies novatrices dont on espère qu'elles permettront un jour d'explorer l'océan d'Europe. ARTEMIS a eu droit à son baptême du terrain en 2015 le long des côtes de l'Antarctique, et les résultats de ces premiers essais ont été présentés la semaine dernière à l'occasion d'une conférence de la NASA sur l'astrobiologie. À l'évidence, la mission a été un immense succès.

Le sous-marin, développé par Stone grâce notamment à une bourse de la NASA s'élevant à plusieurs millions de dollars, fait 4,20 mètres de long, pèse environ 1,3 tonnes, et peut parcourir presque 5 kilomètres de façon autonome avant de revenir s'amarrer à son point de départ. Évidemment, un tel engin serait beaucoup trop gros pour une mission spatiale à destination d'Europe. ARTEMIS a été fabriqué grâce à des pièces élémentaires achetées dans le commerce, simplement pour tester la navigation autonome et les systèmes de prélèvement d'échantillons. Le sous-marin qui serait déployé sur Europe devrait être entièrement fait sur mesure pour réduire son volume et son poids.

Les systèmes embarqués à bord d'ARTEMIS ont été conçus en ayant à l'esprit l'environnement particulièrement hostile d'Europe. La lune ne possède pas d'atmosphère, ce qui signifie qu'il est inenvisageable de larguer un appareil à sa surface grâce à des parachutes. La température n'excède jamais -160°C à sa surface, et celle-ci est couverte d'une croûte de glace dont on ignore l'épaisseur (bien que la NASA l'estime entre 17 et 24 kilomètres). Par ailleurs, personne ne connaîtra la composition chimique de l'océan qui se cache sous la glace avant que la mission Europa Clipper ne la survole vers la fin des années 2020.

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Du coup, le premier problème qui se pose à quiconque souhaite envoyer un module dans l'océan d'Europe consiste à trouver un moyen de percer l'épaisse couche de glace qui recouvre sa surface. Pour ce faire, Stone développe actuellement un "cryobot" autonome baptisé SPINDLE. Pour faire simple, le cryobot sera une sorte d'énorme faire à souder fonctionnant à l'énergie nucléaire qui abritera le sous-marin et creusera un tunnel dans la glace jusqu'à l'océan grâce à de puissants lasers.

Jusqu'ici, un premier prototype du cryobot SPINDLE, baptisé VALKYRIE, a réalisé deux tests fructueux de sa technologie sur un glacier de l'Alaska. Selon Evan Clark, roboticien chez Stone, il est " totalement impossible" d'obtenir l'autorisation de lâcher un réacteur nucléaire sur un glacier dans l'Alaska, et le bot VALKYRIE a donc eu recours à un laser d'une puissance de 5 kilowatt pour fondre la glace.

" Sur le plan énergétique, il n'y a qu'une seule façon de percer à traverser la couche de glace d'Europe, et c'est avec le nucléaire, a expliqué Clark lors de la conférence de la NASA. Vous tirez donc l'énergie dont vous avez besoin du nucléaire, mais ensuite, qu'en faites-vous ? Vous pouvez faire fondre la glace en générant de la chaleur au contact de l'appareil, ou alimenter un foret, ou encore, comme on l'a découvert dans le cadre du projet SPINDLE, vous pouvez tout simplement attaquer la glace directement avec un laser."

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Jusqu'ici, le cryobot de Stone a réussi à creuser, au maximum, 22 mètres de glace par heure, mais il ne suffit pas de savoir comment pénétrer à travers la couche de glace qui recouvre Europe. Étant donné les températures à la surface de la lune, le tunnel est voué à se refermer rapidement derrière le SPINDLE à mesure que celui-ci poursuit sa route à travers la croûte. Et comme les ondes électromagnétiques ne se propagent pas bien à travers la glace, il serait dès lors impossible de récupérer les données produites par le sous-marin chasseur d'aliens transporté par le cryobot.

Pour pallier ce problème, Kristof Richmond, le chef du projet ARTEMIS, explique que le cryobot qui sera envoyé sur Europe déposera sans doute des récepteurs radio dans la glace au fur et à mesure de sa descente. Même si les récepteurs sont ensuite pris dans la glace, ils seront suffisamment proches les uns des autres pour permettre aux signaux radio de remonter de récepteur en récepteur jusqu'à atteindre la surface, d'où ils seront transmis vers la Terre via un orbiteur.

Une fois que le cryobot aura atteint l'eau liquide, il y déploiera un sous-marin autonome. Celui-ci devra impérativement être autonome en raison du temps de transmission entre Jupiter et la Terre (entre 30 minutes et une heure) et des difficultés inhérentes au fait de communiquer avec un engin submergé dans l'eau. Du coup, Richmond et ses collègues de Stone développent actuellement un système de guidage autonome très sophistiqué qui permettra à l'appareil de parcourir l'océan situé sous la croûte de glace tout en prélevant des échantillons.

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Comme les ondes radio se propagent mal sous l'eau, le sous-marin autonome déployé sur Europe n'aura pas recours aux méthodes de communication par radio traditionnelles ou à des satellites GPS. Pour surmonter ces contraintes, l'équipe de Stone a développé un système de navigation qui s'appuie sur un gyroscope pour déterminer la direction du sous-marin et un radar Doppler mesurant la vitesse relative de l'engin par rapport à la glace. Cette méthode de navigation fonctionne assez bien, mais en raison de la dérive de l'appareil dans l'océan, de petites erreurs de navigation s'accumulent au cours de son périple, ce qui fait que le sous-marin ne peut pas vraiment s'éloigner de plus d'un kilomètre de son point de départ - ce qui est assez négligeable eu égard à la quantité de glace.

C'est là qu'entre en jeu l'autre partie du système de navigation d'ARTEMIS : une balise acoustique placée sur la station d'amarrage qui permet à l'engin de naviguer à une distance de 6 à 10 mètres autour de la station. Il pourra voir une barre de lumière blanche attachée à la station, y compris dans le noir complet de l'océan souterrain, et utiliser un algorithme de vision par ordinateur pour naviguer grâce à la lumière.

Pour l'heure, l'équipe d'ARTEMIS travaille toujours sur les données issues de la mission en Antarctique qui s'est achevée en décembre 2015. Il y a encore quelques soucis à régler avant d'obtenir un véritable sous-marin prêt à partir dans l'espace, mais ils ont le temps d'y remédier. La dernière mission visant à envoyer un module sur Europe n'a jamais dépassé la phase de planning, donc même si la NASA et l'ESA vont au bout de leur idée de mission conjointe vers la surface du satellite de Jupiter, il y a très peu de chance que celle-ci voie le jour avant la fin des années 2020. Et Richmond espère bien que son sous-marin sera de l'aventure.

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" Nous essayons de faire en sorte que toutes ces choses soient à peu près prêtes en termes de développement et de technologie, m'a expliqué Richmond. Comme ça, dès que nous aurons les informations nécessaires grâce aux missions de survol d'Europe, nous n'aurons plus qu'à appuyer sur le bouton pour tout mettre en marche."

ARTEMIS est ramené à la surface après une mission sous la glace. Image: Peter Kimball/Stone Aerospace