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Derniers remparts

La folle histoire des gardiens de but du Red Star

Inventaire non exhaustif et volontairement subjectif d'un poste qui continue de faire le club de Saint-Ouen.
Photo : redstar.fr

VICE et le Red Star se sont associés pour vous faire vivre de l’intérieur la saison des Vert et Blanc de Saint-Ouen. Nous serons présents sur les terrains et dans les vestiaires, auprès des joueurs, du staff, des supporters et de tous ceux qui gravitent autour de ce club historique du foot français. Aujourd'hui, on passe en revue certains des derniers remparts qui ont joué, et jouent encore, pour le club audonien.

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Des portiers qui arrêtent et marquent des penaltys. Qui positionnent attentivement leur mur sur les coups francs adverses et jouent les héros en les tirant eux-mêmes – avec succès – à plus de 50 mètres de distance. Des révolutionnaires, avec leurs plongeons et autres sorties loin de leur but pour couper le jeu. Le Red Star, c’est aussi cela : un marqueur de l’histoire et un témoin privilégié de l’évolution du poste de gardien de but.

Se replonger dans un siècle d'anecdotes des goals de l’Étoile rouge, c’est raconter à la surface le passé. Le statut amateur, l’équipe de France militaire, les tactiques en « W-M » ou « 3–2–2–3 » pour contrer les hors-jeux de moins en moins sifflés… Le football a bien changé en plus de 100 ans. Le rôle des gardiens aussi. Inventaire non exhaustif et volontairement subjectif d'un poste qui continue de faire le Red Star.

Les précurseurs

Pierre Chayriguès (1912-1925)

« De Chayriguès, je vous dirai qu’il fut le meilleur de tous les gardiens. “Pierrot” était costaud et solide à la fois. Et quelles mains ! » Venant de la part de Lucien Gamblin, capitaine emblématique du Red Star, le compliment publié dans les colonnes de Football magazine en 1962 permet de prendre la mesure d’un joueur hors normes. Pierre Chayriguès a été l’une des premières idoles du football après la Première Guerre mondiale. Débarqué de Levallois en 1912, l’Auvergnat est l’inventeur des sorties en anticipation et des plongeons, qui lui ont valu de nombreuses blessures. Le premier gardien relanceur de l’histoire, c’était lui. Ses mains gigantesques ont plus d’une fois servi à dégager aux poings les ballons dangereux dans sa surface. L’heure n’était pas encore à parler blocage. Jamais fixé sur sa ligne de but, Chayriguès aimait provoquer le shoot de l’adversaire en s’avançant sur lui, réduisant au minimum les angles de tir.

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« Pierre Chayriguès a sorti la corporation des gardiens de but du Moyen-Âge. Inspirateur de Julien Darui et René Vignal, il a très tôt voulu donner des ailes aux “pingouins des surfaces”» , écrivaient Pierre Laporte et Gilles Saillant dans Histoires d’un siècle. Rien n’a été facile pour autant pour le petit portier (1,70m), sélectionné en équipe de France à 21 reprises. Au début, il essuie les sifflets de la foule pour ses initiatives, inhabituelles à l’époque. Et assez risquées. En finale des Jeux Interalliés 1919, il a subi une grosse fracture qui l’éloigne des terrains pendant deux ans. Il s’entraînait dans l’ombre et revenait pour la finale de la Coupe de France en 1921. En arrêtant le penalty de Jules Devaquez, il a contribué à offrir au club de Saint-Ouen la première de ses trois coupes d’affilée.

Alex Thépot (1928–1935)

Affecté comme douanier à Paris, il a passé une saison au Football Étoile Club de Levallois avant de rejoindre le premier club français de l’époque. « Athlétique, grand, imposant, puissant mais sans excès, sobre de gestes, doué d’un coup d’oeil juste et d’une main “exacte” dans l’arrêt, il faisait autorité devant sa cage », rapporte l’Encyclopédie des sports modernes datée de 1954. Sélectionné 31 fois avec les Bleus, Thépot n’était pas forcément de la même école que son prédécesseur. En 1930, il est du voyage en Uruguay pour la première Coupe du monde de l’histoire, en compagnie de Jules Rimet. Si l’aventure française a pris fin après deux défaites contre le Chili et l’Argentine, Alex Thépot a tout de même été désigné gardien de la compétition après ses prouesses dans les buts.

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Julien Darui (1940–1942)

Julien Darui. Photo : archives de Gilles Saillant.

Le gardien français du XXe siècle pour L’Equipe. Élu en 1999 par un parterre de journalistes du groupe dont Jean-Philippe Rethacker, celui-ci expliquait ce choix de la façon suivante : « Chaque génération a connu de grands gardiens. Mais choisir entre Darui, Vignal, Bats, Barthez… On pourrait peut-être s’en sortir en optant pour le plus novateur d’entre eux. Malgré toutes les qualités de Barthez, je pense à Darui. Il a été le premier gardien moderne de l’histoire de notre football. Un joueur à la forte personnalité, le premier à commander sa défense, à sortir hors de sa zone et dont le dégagement, donc la première relance dans le jeu, était d’une grande précision… »

Pas très grand (1,69m), le portier du Red Star Olympique pendant trois saisons a su compenser ce désavantage par son autorité dans sa surface, notamment dans la conquête d’une nouvelle coupe de France en 1942 contre Sète (2–0). Auréolé de 21 sélections en équipe de France et cinq fois capitaine des Bleus, l’autre héritier de Chayriguès voulait « être le premier des gardiens actifs », expliquait-il dans les gazettes de l’époque. Premier attaquant de son équipe, Julien Darui se plaçait le plus en avant possible de ses buts. Tout dégagement au pied ou à la main devait avoir l’objectif de porter le danger dans le camp adverse. Darui a inventé l'entraînement spécifique du gardien – avec une répétition des gammes une heure après la fin de l’entraînement – et a été le premier à parler de formation pour les gardiens de but, revoyait les buts qu’il avait concédés… Avec lui, c’est toute une phase de professionnalisation du football qui s’est amorcée.

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Marcel Dantheny (1963–1967)

En 1965, le Miroir des Sports titrait : « Marcel Dantheny, l’art d’être brillant en encaissant beaucoup de buts ». Ce n’est pas le nombre de clean sheets qui a fait la renommée de l’ancien international espoirs et champion du monde militaire en 1956. Dans des défenses perméables à l’époque, il savait tout de même briller grâce à des qualités indéniables : coup d’oeil, vitesse d’exécution et surtout une détente qui lui permettait de n’être que rarement pris en défaut sur les balles hautes.

Premier gardien français à avoir disputé un match de Coupe d’Europe des clubs champions avec le Stade de Reims en 1956, Dantheny était un gagneur, un téméraire qui n’avait peur de rien lorsqu’il décollait pour se frotter au jeu de tête des attaquants adverses. Après un séjour dans l’Aube à Troyes, il arrive au Red Star Olympique Audonien en 1963 et sera l’un des grands artisans de la remontée du club en division 1 en 1964–1965.

Christian Laudu (1968–1974)

Christian Laudu. Photo : archives de Gilles Saillant.

Il était l’un des joueurs les plus populaires à Saint-Ouen dans les années 1970 et savait manier l’auto-dérision quand il encaissait, lui aussi, pas mal de buts. « Mon record dans le genre, si je me souviens bien, c’est 67 buts en 1969–1970, expliquait-il dans Histoires d’un siècle. Mais là on n’est pas descendu. Dans ce contexte, vous comprenez pourquoi j’avais intérêt à prendre du bon côté ce genre de quolibets. C’était ça l’ambiance d’un club populaire dans la banlieue. On se disait les choses et puis voilà, on se retrouvait à discuter à la fin du match avec ceux qui, le dimanche d’avant, nous avaient un peu taillés. J’avais un côté frondeur, grande gueule, mais pas méchant. Les gens aimaient. Et puis, ils étaient indulgents. J’encaissais beaucoup de buts, ils ne voulaient peut-être pas rajouter à ma peine. »

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Meilleur joueur de première division en 1970, international espoirs en 1972, Christian Laudu était un homme de spectacle et, surtout, un spécialiste des penaltys. Il officiait notamment dans les cages lors d’un match épique entre le Red Star et l’OM en 1971–1972 où il stoppa un tir de Skoblar, frappé depuis le point des onze mètres. La même saison, Laudu fait sensation lorsque son peno trouve le chemin des filets contre Bordeaux.

Les successeurs

Charles Itandje (2000–2001)

Charles Itandje, sous les couleurs de Liverpool. Photo : Scott Heavey/Action Images/Reuters

De Charles Itandje, ancien gardien du RC Lens et de Liverpool passé par Saint-Ouen, les supporters du Red Star se souviendront surtout du 11 mars 2000. Lors d’un match contre Chaumont en CFA2, le portier camerounais a frappé un coup franc de plus de 50 mètres. Le ballon s’est envolé, avant de redescendre pour terminer sa course dans les filets adverses. Un exploit fou qui en dit déjà long sur le talent de celui qui finissait tout juste sa formation au Red Star. « Quand on s’est rencontrés en National il était un jeune gardien, il devait avoir 18 ans, très longiligne, très grand, détaille Faouzi Amzal, l’actuel entraîneur des gardiens du club audonien. Il avait une vraie présence. On sentait chez lui un potentiel très intéressant. Il était grand mais aussi à l’aise sur des ballons proches du sol. C’est pas anodin d’avoir un gardien de 18 ans en National, c’est quelque chose de très rare. »

Mathieu Gorgelin (2011–2012)

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Prêté lors de la saison 2011–2012 par l’Olympique Lyonnais, Mathieu Gorgelin a découvert un groupe avec une moyenne d’âge bien supérieure à celle qu’il connaissait jusqu’alors en CFA. Bon techniquement, il s’est aguerri mentalement en National après des débuts compliqués. Cette expérience l'a fait grandir et lui a permis d’intégrer le monde professionnel. Le 7 janvier 2012 au stade de France pour les 32es de finale de la Coupe hexagonale, c’est lui qui gardait les buts de l’Étoile Rouge. Une défaite lourde, 5–0, qui lui a coûté aussi la fissure d’une côte intervenue pendant le match. Ses 15 rencontres disputées avec le club lui permettront de revenir à Lyon avec davantage de confiance et d’enchaîner les contrats pro. Jusqu’à devenir la doublure d’Anthony Lopes.

Vincent Planté (2013–2016)

Vincent Planté, au moment de sa signature au Red Star. Photo : Facebook

Vincent Planté a apporté pendant trois saisons toute son expérience au club de la petite couronne. Fort de son vécu en Ligue 1 avec Caen et Arles-Avignon, le gardien originaire de Lille a été déterminant dans la remontée du Red Star en Ligue 2 pour sa deuxième saison. Il est même désigné meilleur portier lors des trophées du National en 2014–2015. Pour beaucoup de supporters comme de membres du staff, ce sont ses bonds sur la ligne qui sont restés dans les mémoires. « Il a emmené beaucoup de choses lors de son passage au club, reconnaît Faouzi Amzal. C’était un gardien très spectaculaire dans ses arrêts, exceptionnel sur sa ligne. Il avait un fort caractère, c’était un vrai compétiteur. » Le capitaine d’alors était également un homme apprécié à Saint-Ouen. Lors de sa dernière année, il est mis en concurrence avec Arnaud Balijon qui finit par s’imposer dans les buts.

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Arnaud Balijon (depuis 2015)

Arnaud Balijon. Photo : redstar.fr

Tonique, vif, doté d’un jeu au pied hors normes… Les qualificatifs ne manquent pas pour définir le plus ancien des trois gardiens de l’équipe pro. Arnaud Balijon, passé par la Ligue 2 avec Reims, le Stade Lavallois, Istres ou Orléans, espère bien y regoûter dès la saison prochaine.

Après un premier acte exceptionnel en 2015–2016, où il figurait parmi les meilleurs gardiens du championnat, il s'est blessé gravement et est resté éloigné des terrains pendant 16 mois. De retour en Coupe de la Ligue fin août dernier, le portier audonien a retrouvé ses sensations et enchaîne les belles prestations. Depuis désormais quelques matches, il a même récupéré la place de titulaire dans les buts. « Il sait gérer très intelligemment, de par son expérience, les situations, explique Faouzi Amzal. Arnaud est pas un mec hyper expressif, il est chirurgical dans ses prises de paroles. Mais quand il le fait, il va à l’essentiel. »

Alexis Sauvage (depuis janvier 2017)

Alexis Sauvage. Photo : redstar.fr

Le gardien de 25 ans a signé en janvier dernier son premier contrat professionnel avec le Red Star. Formé au Stade de Reims et passé par Boulogne-sur-mer, c’est avec Marseille-Consolat qu’Alexis Sauvage s'est révélé. À deux doigts de la montée en Ligue 2 lors de la saison 2015–2016, il a enchaîné les perfs majuscules. Portier de tempérament, techniquement très discipliné, le numéro 30 de l’Étoile Rouge « envoie une force, une énergie incroyable », témoigne le coach des gardiens Faouzi Amzal. « C’est une boule d’explosivité, un peu comme pouvait l’être Jean-Christophe Bouet. Il fait partie de ces gardiens très toniques, qui vont vite au sol, qui vivent dans leur surface. »

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Sébastien Renot (depuis juin 2017)

Sébastien Renot. Photo : restar.fr

Il est le dernier des trois gardiens de l’effectif actuel à avoir posé ses valises à Saint-Ouen. C’était cet été. Sébastien Renot débarquait en provenance de Poissy (National 2) pour venir combler les blessures de ses deux compères. Titulaire en début de saison, il a enchaîné les belles prestations. Garçon posé et ambitieux, il parvient à imposer ses qualités au regard de tous. « C’était un portier que je suivais, détaille Faouzi Amzal. Je l’avais rencontré quand je jouais avec Boulogne. Quand s’est posée la question d’avoir un troisième gardien pour pallier les indisponibilités, j’ai pensé à lui et en ai fait part à la direction et au staff. Il est complet, assez bon dans tous les domaines. Surtout c’est un bosseur, il a envie de réussir. C’était déjà un bon gardien en CFA, il s’est affirmé en National et a encore une belle marge de progression devant lui. »

Ce onze-type des gardiens est bien sûr subjectif. Combien ont été oubliés? Pierre Bernard (1967–1969), Georges Hatz (1936–1945), Jean-Christophe Bouet (2011–2013), François Lemasson (1984–1986), Xavier Pérez (1976–1987), son neveu Bobby Allain (2011–2016) et bien d’autres encore…

Quoi qu’il en soit, mettre en avant l’Étoile rouge et ses portiers n’est pas qu’une formule. Il suffit de regarder dans le rétro pour constater l’évidence : à Saint-Ouen, on a toujours su porter les gants. Tout comme bousculer les évidences, sortir de son pré carré, participer au jeu… Bref, renouveler le poste.

Clément Pons est sur Twitter.

Article rédigé avec l'aide précieuse de Gilles Saillant.