Mon père a inventé les trios McDonald’s
Photo courtoisie:  Angela Dimayuga

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Mon père a inventé les trios McDonald’s

Involontairement, il a changé le monde du fast-food.

L'article original a été publié sur Munchies.

Le fast-food a occupé une grande place dans mon enfance : mon père a travaillé pour McDonald’s pendant environ 17 ans.

Mes parents sont arrivés des Philippines, se sont installés dans la région de la baie de San Francisco, à South San Francisco, où il y avait beaucoup de Philippins, dans un minuscule appartement. Ma mère a travaillé pour IBM pendant de nombreuses années, et mon père pour McDonald’s. Il a travaillé dans plusieurs succursales différentes, mais je me souviens mieux que les autres de celle sur Story Road à San Jose, près de deux autoroutes majeures. Il essayait toujours d’augmenter les ventes au service à l’auto.

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Pendant toute mon enfance, je pouvais avoir du McDonald’s chaque fois que j’en voulais : le rêve de tout enfant. À l’époque, on n’entendait pas dire sans arrêt que le fast-food était mauvais pour la santé ou dégoûtant. Je me sentais très cool d’avoir un père qui travaillait chez McDonald’s. S’il devait passer à l’école, il apportait toujours du McDonald’s pour ma sœur et moi. Je prenais un hamburger avec cornichons en extra, une grande frite pour partager avec mes amis, un Sprite et un lait frappé à la fraise. En plus, il y avait un énorme tiroir de commode rempli de jouets de Joyeux Festins dans notre garage.

Mais le McDonald’s restait occasionnel. On mangeait beaucoup de cuisine philippine à la maison. La fin de semaine, on allait à l’église et, après, on mangeait au restaurant, mais souvent on allait dans un restaurant cantonais ou chez Taco Bell. Comme ma mère travaillait de jour et mon père de nuit, ces moments en famille étaient très importants pour nous. Les repas chez Taco Bell étaient un luxe, car on était huit : mes parents et six enfants. Ce n’était pas du haut de gamme, mais en comparaison d’un bol de soupe et de riz à la maison, c’était somptueux. Je commandais un seul taco souple, et j’adorais ça.

Moi avec un poney devant le McDonald’s où mon père travaillait

J’étais en septième année quand mon père a cessé de travailler pour McDonald’s. Il a subi un accident de travail, un anévrisme, et a été forcé de prendre sa retraite. Ma perception de McDonald’s est alors devenue négative. Mon père s’est penché pour ramasser quelque chose sur le plancher et quelqu’un a laissé une porte de micro-ondes ouverte. Il s’est relevé, s’est cogné la tête sur la porte du micro-ondes et au même moment a éternué très fort, ce qui a causé un anévrisme, un accident cérébral souvent fatal. La dynamique familiale a aussi changé, et ce, pour toujours. Mais, bien que cette blessure ait affecté ses capacités cognitives, ses yeux scintillent toujours quand il raconte des moments passés chez McDonald’s. Ses bons souvenirs avec descriptions sensorielles sont viscéralement ancrés en lui. Il emploie même le jargon d’entreprise : « former une équipe pour accroître l’efficacité, la constance et la valeur pour le client », par exemple.

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Quand je suis devenue chef professionnelle, mon père et moi, on a beaucoup échangé à propos du travail. Et, à partir d’une conversation qu’on a eue il y a six ans, sa carrière chez McDonald est devenue encore plus intéressante pour moi.

Il m’a raconté qu’en 1991, quand il était en compétition contre une succursale de Los Angeles, lui et son rival s’appelaient toutes les heures dans les heures intensives pour comparer leurs chiffres. C’était devenu un jeu de battre les records de l’autre. Mon père avait élaboré une foule de stratégies : il avait élevé les arches dorées pour qu’on les voie depuis l’autoroute ou installé un deuxième tableau avec le menu dans la file d’attente pour le service au volant. (Ça me fascine parce que c’est exactement ce à quoi on réfléchit quand on gère un petit restaurant.) C’est sa succursale qui a fini par gagner leur compétition. Avec l’argent qu’il a gagné, il a emmené ses gérants à Las Vegas pour voir un spectacle de magie. Il a payé l’hôtel, les restaurants. C’était une belle anecdote qui montre sa générosité, mais il ne l’avait pas dit à ma mère parce qu’on aurait pu utiliser cet argent pour la famille. Je pense que mon père se disait qu’il faisait plus d’argent qu’il ne l’aurait jamais imaginé. Il se disait qu’il avait réussi.

Mon père m’a raconté une autre anecdote, la grande anecdote professionnelle de sa vie, par fragments. Il s’est attiré des ennuis avec les cadres régionaux de McDonald en demandant au représentant de Coca-Cola, avec lequel il s’entendait bien, des images de Coke avec différents éléments du menu de McDonald pour les imprimer et les poser aux murs de son restaurant. Avant, si quelqu’un voulait un cheeseburger, une frite et un Coke, il devait commander ces éléments de diverses sections du menu. Il a fait en sorte que l’on puisse commander ces éléments ensemble. Il a numéroté les ensembles de un à six pour que les clients n’aient qu’à dire un numéro : ses employés pouvaient ainsi prendre les commandes beaucoup plus rapidement. Pour Coca-Cola aussi, c’était avantageux : il a dit au représentant que les gens commanderaient un Coke parce que, voyant que c’est ce qu’il y a sur l’image, ils supposeraient que c’est ce qu’il faut prendre.

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Mon père accepte un prix de McDonald's - Photo courtoisie : Angela Dimayuga

Au début, le VP de McDonald dans la région de la baie de San Francisco lui a tapé sur les doigts parce que le tableau du menu était différent de ceux des autres McDonald’s. Mais il a répliqué avec ses rapports de vente. Il a fait valoir qu’à chaque transaction, et il y en a des centaines par jour, son menu avec trios lui permettait d’économiser huit secondes. Ces gains s’accumulaient vite et les ventes augmentaient.

Les cadres ont menacé de retirer les affiches non conformes, mais, un jour, un vice-président national de McDonald’s ayant constaté à quel point ses ventes étaient plus élevées l’a félicité pour son initiative. Il a reçu des prix et il y a eu des mentions dans les journaux. Même s’il n’a reçu aucune récompense financière, il s’est senti valorisé et débordait de joie.

Dans une salle de conférence remplie de responsables du marketing de McDonald’s, il a ensuite été décidé que les trios seraient vendus 15 cents de moins que la somme des éléments du menu. Aujourd’hui, ils sont partout dans le monde du fast-food, y compris chez Taco Bell. Ça a changé l’industrie. Et les clients aussi sont gagnants.

C’était l’histoire. Alors j’ai demandé à mon père s’il avait inventé les trios McDonald’s. « Ouais », m’a-t-il simplement répondu.

Une coupure de journal que la mère de l’auteure a conservée. Photo : Angela Dimayuga

Je lui ai ensuite demandé si on lui avait donné quelque chose en échange de son idée. « Bien sûr que non. » Je connaissais déjà la réponse, mais j’avais tenu à la poser.

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Mon père était un simple et honnête travailleur immigrant. Il travaillait fort et donnait de bonnes idées. J’imagine que le travail et le talent d’immigrants ont énormément contribué à l’industrie du fast-food. Grâce à mon père, McDonald’s a vendu beaucoup plus de frites, beaucoup plus de fromage, beaucoup plus de cornichons et beaucoup plus de Coke. Je ne pense pas qu’il comprenne l’importance de sa contribution, mais il est certainement fier, de sa façon humble et rieuse.

On ne se trempait pas les orteils dans l’océan à la Barbade grâce à son invention. Mais je n’avais pas l’impression qu’on était pauvres, je trouvais même que j’avais une belle enfance. Bien sûr, c’était parce que mes parents travaillaient vraiment fort. La culture américaine représentait la gloire pour eux — ils ont vécu l’occupation américaine dans les Philippines — et ils voulaient en faire partie. Même si mon père travaillait pour McDonald’s, il avait le sentiment d’avoir fait fortune comme jamais il ne l’aurait imaginé.

Cette histoire est très importante pour moi, qui suis chef aujourd’hui. Mon père me l’a racontée juste avant que je commence à travailler pour Mission Chinese Food. J’étais en formation à la succursale de San Francisco et, pendant mes jours de congé, je passais du temps avec ma famille. Je l’ai racontée à mon patron et il en a été complètement renversé. C’était un bon signe : peut-être que, pour lui, j’avais quelque chose de spécial en moi. Après tout, mon père a changé le monde du fast-food.

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