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Sports

Les fans islandais aiment le foot et sont à bloc derrière leur équipe

6 % de la population de l'Islande est en France pour soutenir sa surprenante sélection. Ils chantent formidablement bien et croient en leurs chances.

Pendant l'Euro 2016, VICE Sports s'intéresse en priorité aux supporters venus de toute l'Europe pour soutenir leurs équipes nationales. Chants guerriers, fumis et passion parfois débordante, tout ça, c'est dans notre série Kopland.

Nombreux sont ceux qui sous-estimaient l'Islande avant le début de la compétition, et pourtant, après un parcours admirable en phase de qualifications – les hommes de Lagerbäck ont notamment battu à deux reprises les Pays-Bas – cette toute petite nation nous a déjà surpris. Les Portugais et les Hongrois peuvent en témoigner, eux qui n'ont pas réussi à battre cette supposée petit équipe en phase de groupes. Mais au-delà des performances sur le terrain, c'est l'engouement autour de la Strakarnir okkar qui frappe. Pour preuve, 7,5% de la population islandaise se rend régulièrement au stade et ce ne sont pas les quelques 2 500 km qui la séparent de l'Hexagone qui changeront la donne. Qui sont-ils ? Pourquoi un tel développement et autant d'engouement ? VICE Sports est allé les rencontrer.

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Entre 20 et 25 000 Islandais donc, un nombre considérable que nous explique Kristinn, employé de la plus grande agence de voyage du pays et trésorier du club de supporters Tólfan ("Le douzième homme", ndlr) : « Nous sommes un peuple extrêmement solidaire et fier lorsque nos concitoyens réussissent à l'international. Pouvoir montrer à toute l'Europe ce dont nous sommes capables décuple ce sentiment qui ne fera que nous unir davantage ».

Tómas, lycéen de 17 ans, a une jolie formule pour évoquer cette passion : « On ne va pas au stade pour supporter une équipe, mais pour soutenir notre pays ! »

Photo via uefa.com.

Cette réussite, sportive et populaire, était pourtant loin d'être gagnée. Avec des conditions météo rendant impossible la pratique du football 7 ou 8 mois sur 12, avec aucun stade couvert, rien ne présageait un tel succès à l'orée des années 2000. Depuis, les municipalités ont construit des complexes et des enceintes couvertes. Mieux encore, la fédération a compris que la formation était la base d'une réussite à moyen-long terme et a donc entrepris de former des entraîneurs et des éducateurs.

« Dans la plupart des pays, quand vous emmenez votre enfant de cinq ans au foot, il est pris en charge par un bénévole. En Islande, où que vous habitiez, il y a désormais 95% de chances pour que ce soit un entraîneur diplômé ou salarié », indiquait il y a peu Heimir Halgrimsson, co-sélectionneur, dans le journal L'Equipe. Geir Thorsteinsson, président de la Fédération islandaise de football, explique que « cette mutation a été déterminante. Tout est parti de la construction de stades couverts. Le premier a vu le jour en 2000. Ç_a a permis aux joueurs de s'entraîner tout au long de l'année au lieu de quelques mois par an. Les _coaching diplomas_ ont été fondamentaux également. La qualité des entraîneurs et des entraînements influe forcément sur les joueurs et la formation est primordiale en ce sens. On a vu une progression considérable. Nos joueurs sont aujourd'hui bien plus techniques qu'auparavant, quand on misait davantage sur l'aspect physique. Les clubs nous réclament de plus en plus des entraîneurs diplômés d'ailleurs. »._

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Résultat, des joueurs vaillants et habiles techniquement qui s'exportent dans toute l'Europe. Certes près d'un quart des joueurs professionnels (23 sur 100) a été sélectionné pour le tournoi continental, mais, comme le veut l'adage, ce n'est pas la quantité qui compte, mais la qualité. Parmi les 23, on compte le talentueux meneur Gylfi Sigurdsson, la star de l'équipe, milieu de Swansea. Kristinn confirme : « Gylfi est LE joueur clé. Il arrive toujours à illuminer le jeu, que ce soit en se créant des occasions ou en distribuant de bons ballons ». Il n'est pas le seul à s'être fait une place dans le cœur des fans. Outre l'éternel Gudjohnsen et le capitaine Gunnarsson, Bjarnason trône en bonne position dans le Game. « Il a toujours été au niveau. Lors des qualifications, il a obtenu deux penaltys contre les Pays-Bas. Désormais, il est le premier buteur de notre histoire en compétition officielle, il fait partie de la légende », raconte Marcus, journaliste pour fotbolti.net, particulièrement excité à l'idée de suivre le premier tournoi international de sa carrière.

Ce développement ne concerne pas que les hommes, loin de là. « Il y a un énorme respect pour le sport féminin en Islande. Le football féminin est populaire depuis des années maintenant. Notre équipe est de plus en plus performante, comme en témoignent les participations aux deux derniers Euros. On est proche de se qualifier pour l'Euro 2017 d'ailleurs », explique Freyr Alexandersson, entraîneur de l'équipe féminine de l'Islande.

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Un État et une fédération qui promeuvent le football, une génération de qualité, des résultats qui ne cessent de progresser, il n'en fallait pas plus pour susciter un engouement populaire. Le meilleur exemple reste le club de supporters Tólfan qui a connu une croissance exponentielle, comme le souligne Kristinn : « Tólfan a été créé en 2007 et ne comptait que quelques dizaines de membres à l'origine. On dépassait rarement les 50 personnes les jours de match. Puis, les résultats aidant, le groupe s'est développé. Notre but est de créer une atmosphère électrique dans les tribunes, que nos joueurs ressentent tout le soutien de la nation. En 2013, Tólfan est devenu une entité officielle. C'est à partir de ce moment que je suis devenu son trésorier, par pure passion. Autrement, je suis quelqu'un de tout à fait normal qui a deux magnifiques filles. »

Et ces chants, puissants, sourds, d'où viennent-ils ? « "Eg er Kominn heim", par exemple, est un chant traditionnel islandais, très populaire, qui ne parle pas de football mais de la vie en général », explique Magnus. Freyr poursuit : « J'ai été particulièrement ému quand j'ai entendu ce chant avant le coup d'envoi. L'énergie de nos supporters était surréaliste. Jamais je n'aurais imaginé un tel engouement, y compris dans mes rêves les plus fous ».

À l'image de Tólfan, c'est un pays de passionnés qui voit le jour. Kristinn est un amoureux de football depuis son plus jeune âge : « Je supporte l'Islande depuis que je suis né. Je me suis intéressé au football tout jeune et j'ai eu l'opportunité de me rendre au stade supporter ma sélection pendant ma jeunesse. J'ai de super souvenirs d'une rencontre entre l'Islande et l'Union Soviétique d'ailleurs. Ça s'était terminé sur un match nul 1-1. »

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Même chose du côté de Freyr : « J'ai toujours aimé le football. J'hésitais entre le basket et le foot quand j'étais ado, avant de me tourner définitivement vers le foot. J'y ai joué jusqu'en 2008. Je suis ensuite devenu entraîneur à temps plein. Depuis que j'en ai fait mon métier, le foot est tout pour moi. On peut dire que je mange, dors et respire football. »

Magnus, lui, parle football avec les mots, mais aussi avec les pieds : « J'aime le football depuis que j'ai 6 ans. J'y ai joué toute ma vie. J'ai joué pour Afturelding, le club de ma ville Mosfellsbaer (située à 10 km de la capitale, ndlr), presque toute ma carrière. La saison passée, j'ai rejoint Leyknir Reykjavik, et j'ai eu l'opportunité de disputer des matches en première ligue islandaise. Je suis un passionné. Autant te dire que dès qu'on s'est qualifié, je savais que je me rendrai en France. C'était une évidence. »

Une chose est sûre, les Islandais comptent bien profiter pleinement de leur séjour en France, sans trop faire les cons. « Notre population aime la France, aime y venir. On va profiter de votre superbe pays autant que possible. Pour l'instant, tout se passe à merveille », confie Geir, au plus près de la sélection au quotidien. Magnus poursuit : « J'apprécie beaucoup la France. L'organisation, la sécurité et même la météo sont bonnes. Très honnêtement, je pense qu'il est impensable de voir un quelconque type de violence avec les Islandais. On souhaite juste chanter et s'amuser. La nourriture est excellente aussi. J'espère pouvoir goûter quelques bières de plus dans les prochains jours. »

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Kristinn a déjà eu l'occasion de goûter le made in France : « Je me suis rendu plusieurs fois en France. J'ai de bons amis ici et ai même eu une petite amie française à l'université. Je suis particulièrement heureux d'être ici. »

L'image de la France n'est pas aussi angélique pour tous. Tomas est plus critique : « La France est un pays très sophistiqué avec une culture incroyable. En Islande, on considère le Français comme snob, râleur, peu travailleur et souvent en grève. On craint également des attentats. Certains sont même venus avec des vigiles… »

Un match nul prometteur face au favori du Portugal (1-1), un autre face à la Hongrie (1-1). Suffisant pour voir plus loin ? Quel que soit le résultat, l'objectif a toujours été le même, comme nous le confirme Magnus : « J'espère que nous allons réussir à sortir du groupe. C'était notre rêve avant le début du tournoi, je pense que nous en sommes rapprochés. » L'optimisme est de mise chez Freyr qui ne « serait pas surpris si l'Islande atteignait les quarts de finale. L'équipe va s'améliorer et devrait en surprendre plus d'un. »

Une chose est sûre, la sélection lusitanienne et Cristiano Ronaldo n'ont pas laissé un souvenir impérissable aux Islandais : « Les Portugais avaient la rage, tance Tomas. Ils ne nous prenaient pas au sérieux et avaient les nerfs de ne pas nous avoir battus. Ronaldo a un plus gros salaire que tous les Islandais réunis et il ose critiquer notre état d'esprit. Il a pris la grosse tête. J'ai rarement vu une sélection avec autant de mépris ».

Cette culture, héritée de l'époque Viking, et cette cocasserie n'ont pas échappé aux scénaristes de Game of Thrones. Outre le mythique personnage The Mountain, l'homme le plus fort du monde, dont les menaces envers Cristiano semblent avoir fonctionné, le lieu où se tournent les scènes relatives au Wall est également à retrouver du côté de l'Islande. Mais qui est le plus solide ? « Difficile de trancher tant ils sont tous impressionnants. Je connais personnellement The Mountain et je peux te dire que c'est un sacré morceau », confie Tomas. Freyr vote pour sa sélection : « Notre équipe est sans doute la plus solide. Je suis sur que The Mountain lui transmet sa force. Nous ne faisons qu'un ».