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Au cœur du processus de sélection des futurs astronautes

Pouvez-vous effectuer une course d’obstacles aquatique à vitesse grand V tout en apprenant par coeur une série de chiffres inscrits au fond d'une piscine ?

Chaque aspect du processus de sélection renforce l'idée selon laquelle l'espace est un endroit exigeant, dangereux et inhospitalier pour l'humain.

Le Canada est actuellement en plein processus de recrutement d'astronautes. Bientôt, deux Canadiens hautement qualifiés et extrêmement chanceux pourront entamer la seule carrière au monde qui permet de quitter la planète Terre. Après avoir été sélectionnés parmi 3000 candidats, 71 aspirants astronautes sont désormais en lice dans la course à l'espace. J'ai la joie d'être l'un d'entre eux. Laissez-moi vous raconter ce que c'est que de passer des mois et des mois de tests épuisants pour décrocher l'un des jobs les plus difficiles au monde.

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Ici, tous les finalistes sont des individus brillants et hautement qualifiés. Certains ont suivi une formation scientifique, d'autres sont médecins ou pilotes de chasse. Quant à moi, je suis passionné par l'espace depuis tout gamin et possède un doctorat en ingénierie aérospatiale. Mon ambition est de contribuer aux progrès qui permettront d'exploration et de colonisation l'espace, tout en étant au cœur des événements. C'est la raison pour laquelle j'ai présenté ma candidature.

Comment devient-on astronaute, concrètement ? Tout d'abord, il faut déposer un dossier extrêmement détaillé, l'un des plus épais que j'aie jamais constitué dans ma vie. Imprimé, le mien fait une bonne trentaine de pages, et décrit par le menu toutes mes compétences académiques, professionnelles, ainsi que mes capacités physiques.

Les candidats lors de la première série de tests d'aptitude. Image : Canadian Space Agency

Ensuite, il faut se plier à un bilan médical extrêmement détaillé qui s'attarde sur des organes et des caractéristiques de votre corps dont vous ne connaissiez même pas l'existence. Êtes-vous allergique aux noix de cajou ? Pouvez-vous décrire précisément toutes les fois où vous avez eu telle ou telle sensation ? À chaque candidat son médecin, et il ne s'agit encore que d'un examen préliminaire. Plus tard, vous serez entièrement analysé, sondé et drogué (sans doute pour vous préparer au risque important d'abduction extraterrestre lié à la profession).

Les médecins s'acharneront alors à mesurer toutes les parties de votre corps, qui doit être parfaitement à l'aise dans sa future combinaison spatiale. Ils évalueront comment vos muscles, vos articulations et vos os se dégraderont lors d'un séjour prolongé en microgravité – pour cela, il faut participer à des simulations exigeantes dans une piscine de la NASA. Ces tests physiques très intenses, où l'apnée tient une place prépondérante, constituent également une première approche du périlleux exercice de sortie dans l'espace.

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En bref, chaque aspect du processus de sélection renforce l'idée selon laquelle l'espace est un endroit dangereux, inhospitalier, voire impitoyable pour l'humain.

Si vous réussissez ces tests préliminaires (comme 2% des candidats), vous passerez alors par l'étape du « dépistage », qui dure trois jours. Je l'ai subi il y a quelques semaines à peine, et je ne savais vraiment pas à quoi m'attendre. Peut-être un interrogatoire très, très long au cours duquel on me poserait des questions un peu stupides telles que « Pouvez-vous décrire vos plus grandes forces et faiblesses ? » ou « Pouvez-vous donner un exemple d'une stratégie de coopération pour résoudre un problème complexe » ?

Je m'étais complètement planté. On m'a embarqué dans une sorte de boot camp de l'enfer où je devais porter un uniforme, dormir dans des baraques, me réveiller à 5h30 du matin, marcher au pas et plus généralement, lutter contre l'épuisement physique et mental.

Les candidats lors de la première série de tests d'aptitude. Image : Canadian Space Agency

L'idée était d'éprouver nos capacités physiques au maximum afin d'éliminer les plus faibles. Je suis en bonne forme physique et je fais du sport une fois par semaine au grand minimum, mais j'étais totalement ridicule à côté des autres candidats, très. De cette expérience, j'aurai retenu cette phrase de l'un de mes tortionnaires : « Le prochain astronaute canadien sera un BG, c'est moi qui vous l'dis. »

Nager, courir, grimper, hisser, traverser, porter des charges : on n'arrêtait pas. Puis-je effectuer une course d'obstacles aquatique à vitesse grand V tout en retenant une suite de chiffres inscrits au fond de la piscine ? Apparemment, oui.

Au moment où on n'en pouvait plus, où on était au bord de la rupture, on nous collait un exercice de mathématiques, logique, mémoire, coordination ou orientation spatiale sous le nez. Parfois même, une activité de groupe où il fallait résoudre un problème difficile, ou encore un test psychologique. Je suis à peu près sûr que certaines des questions posées n'avaient aucune solution, et étaient simplement destinées à évaluer notre résistance et notre persévérance face à l'échec.

Les interactions sociales, dans un contexte d'épuisement physique et mental, sont particulièrement difficiles, surtout lorsque la frustration entre en ligne de compte. Or, dans l'espace, avoir des relations apaisées dans une situation de stress intense est absolument indispensable et requiert un tempérament spécifique.

Les candidats lors de la première série de tests d'aptitude. Image : Canadian Space Agency