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L'apprenti chimiste qui fabrique des lasers trop dangereux pour YouTube

En même temps, il faut bien avouer que les « bazooka laser » DIY de Styropyro ont de quoi inquiéter.

Drake « Styropyro » Anthony a lancé sa chaîne YouTube à seulement 13 ans. C'était en 2006.

« Je ne m’attendais pas à ce que ce soit une grosse chaîne » m’a-t-il expliqué par téléphone. Lorsqu’ils étaient enfants, Anthony et l’un de ses amis s’amusaient à préparer une pâte inflammable en dissolvant du polystyrène dans de l’acétone. Je faisais pareil avec de l’essence et des vieux gobelets de fast food.

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C’est un hobby amusant — et néanmoins dangereux. Exactement le genre de chose qui plaît aux adolescents. Depuis, Anthony a dépassé son surnom de « Styropyro » mais pas son amour de la science et de la chimie. Installé dans la petite ville de Goodfield, dans l’Illinois, il réalise des vidéos de ses expériences scientifiques qu’il diffuse sur YouTube.

La plupart de ces manipulations impliquent des lasers fabriqués à partir de pièces de récupération. Mon préféré, c’est ce « bazooka laser » de 200 watts qu’il a construit en branchant de vieux projecteurs DLP sur des batteries lithium-ion. Un masque de soudure sur le visage, il mesure la puissance du faisceau en le braquant sur des ballons, du bois, des carcasses d’ordinateur. Souvent, il fait jaillir quelques flammes.

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Image : Xavier Aaronson

Les aventures pyrotechniques d’Anthony lui ont valu quelques soucis avec YouTube. La plateforme n’a pas apprécié la série de vidéos dans laquelle il testait les recettes d’un livre de chimie paru en 1933. « Je suis un chimiste », proteste-t-il. « J’ai un diplôme de chimie, je suis qualifié pour ce genre de chose… Et pourtant, si je reçois un nouvel avertissement, je devrais supprimer ma chaîne. Ce genre de vidéos peut déclencher un intérêt scientifique chez les enfants. »

Anthony nourrit un intérêt pour la science et la chimie depuis qu’il est enfant. Cependant, il n’aime rien tant que les lasers.

« Quand j’avais 12 ans, j’ai découvert les lasers en cours de science » se souvient-il. « C’était des termes très, très simples, mais j’ai trouvé ça intéressant. Quand je suis rentré chez moi, j’ai fait des recherches sur Internet. » Anthony a alors commandé son premier pointeur laser. Il s’en est vite désintéressé — pas assez puissant. En démontant l’appareil dans l’espoir de l’améliorer, il l’a cassé.

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Le chimiste ne s'est pas découragé pour autant. Ayant économisé son argent pendant quelques mois, il a commandé un pointeur laser vert. « J’ai réussi à le démonter pour le rendre plus puissant » explique-t-il. « Après ça, j’ai commencé à démonter des graveurs de DVD et des ordinateurs pour trouver des composants. J’ai construit des lasers toujours plus gros et j’ai appris beaucoup de choses grâce à ça. »

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Image : Xavier Aaronson

Le père d’Anthony est entrepreneur et sa mère infirmière, après avoir été institutrice. Quand leur fils était enfant, son intérêt précoce pour la science leur inspirait autant d’admiration que d’inquiétude. « Avant de m’intéresser aux lasers, j’étais plutôt dans la chimie et la pyrotechnie » raconte-t-il. « Ça les angoissait pas mal. » Il faut dire que ses expériences lui servaient surtout à faire exploser ou enflammer ce qui lui tombait sous le main.

Tout a changé quand la mère d’Anthony a rapporté l’énoncé d’un contrôle de chimie à la maison. Aucune de ses questions n’a posé problème au futur Styropyro. « Elle s’est rendue compte que je ne faisais pas mes trucs à l’aveugle, que je me renseignais sur tout et que j’étais très au fait des consignes de sécurité » rapporte-t-il. « Ils s’inquiétaient toujours, mais ils encourageaient mon apprentissage. »

Dans ses vidéos, Anthony utilise des lasers puissants, de l’azote liquide et même des thermites exotiques — mais toujours dans le respect des règles de sécurité. « Je porte systématiquement des lunettes de protection contre les lasers » affirme le jeune homme. « Le plus gros risque avec les lasers, c’est de devenir aveugle. Une erreur et vous dégommez votre oeil à jamais. »

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Image : Xavier Aaronson

Malheureusement, même les mesures de sécurité les plus strictes ne protègent pas de certains imprévus. « J’ai pris quelques rayons sur la main. Je me suis fait des cicatrices et des brûlures en travaillant avec ces machines. C’est bien moins grave que prendre le faisceau dans l’oeil. J’ai eu quelques coups de chaud à mes débuts, c’est clair. Du point de vue des lasers, ce n’est pourtant pas grand-chose » assure Anthony.

Plusieurs vidéos de Styropyro ont fini hors-ligne sur ordre de YouTube. Le jeune homme a protesté et fait annuler ces « content strike ». Reste que les vidéos sont désormais dé-référencées et démonétisées.

« Chez YouTube, nous tenons particulièrement à ce que les internautes du monde entier puissent accéder à du contenu éducatif de qualité » a déclaré un porte-parole de YouTube à Motherboard. « Les vidéos qui représentent des activités pouvant entraîner des blessures graves sont placées derrière un avertissement ou supprimées. Cependant, comme toujours chez nous, le contexte compte beaucoup. Les vidéos dont le contexte éducatif, documentaire ou scientifique est suffisant sont autorisées. Quand les vidéos sont signalées, un modérateur humain les évalue et les supprime si elles transgressent nos règles d’utilisation. Nous permettons aussi aux créateurs de faire appel s’ils pensent qu’une vidéo a été supprimée par erreur. »

Anthony, lui, ne pense qu’à la science. La ville dans laquelle il a grandi compte 700 habitants. Internet est sa fenêtre sur le monde.

Pour lui, sa chaine YouTube est d’abord le moyen de transmettre son amour de la science et de l’apprentissage aux générations futures. « Si je n’avais pas eu Internet quand j’étais enfant, je ne me serais jamais découvert cette passion » estime-t-il aujourd’hui. « J’aurais probablement développé un intérêt pour la science et la chimie quoi qu’il arrive, mais je n’aurais sans doute pas fait toutes ces expériences car la plupart de mes lectures venaient du réseau. Je ne sais même pas ce que je serais en train de faire maintenant. »

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