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Sports

J'ai lâché la fac de droit pour devenir entraîneur de rugby

Il jouait au rugby mais se morfondait sur les bancs de l'université. Il a finalement décidé de tout lâcher pour devenir coach.
Photo Laurent Cottereau

J'ai commencé le rugby à l'âge de 12 ans au Rugby club de Vincennes (RCV). A cette époque, je m'imaginais en avocat d'affaires ou au pénal. En tant que joueur, je n'ai jamais été "bon" au sens technique du terme, mais j'ai tout de suite accroché à l'état d'esprit, à l'ambiance régnant dans un vestiaire et sur un terrain, inhérente aux sports collectifs, et en particulier au rugby.

Je venais d'un club de foot dans lequel les joueurs de l'équipe 1 ne parlaient jamais aux joueurs de l'équipe 6 (oui, 6 six équipes par catégories). Au rugby, c'était l'inverse : deux équipes et, mis à part le niveau, rien ne séparait les joueurs. J'ai découvert une unité, un sens du partage et de la vie en collectivité dont je ne soupçonnais pas l'existence jusque-là.

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J'ai été extrêmement marqué par les différents entraîneurs que j'ai eus, majoritairement des jeunes joueurs de l'équipe première du club. Au-delà des compétences techniques qu'ils apportaient, la bonne humeur venait d'eux, ils étaient heureux d'être là, heureux de nous entraîner, et ça se voyait. Du coup, nous les joueurs, étions contents de venir nous entraîner. Ils savaient nous encourager, nous réconforter, nous vexer, nous punir, nous faire rire. Ils étaient à la fois des amis, des grands frères, des pères, des modèles, des tortionnaires. Mais jamais des profs et c'est peut être ça qui a fait toute la différence.

Quand en rentrant en juniors, la catégorie des moins de 19 ans, je me suis proposé pour entraîner une équipe de jeunes, ma seule intention était d'être utile à mon club, de transmettre ce qu'on m'a appris. J'ai très rapidement passé mes brevets fédéraux et plus je passais de temps avec les jeunes de l'école de rugby, moins je mettais les pieds à la fac.

Après avoir entraîné une année, j'ai profité du fait d'être devenu majeur pour m'inscrire aux formations fédérales, désireux de mieux comprendre un sport que j'ai commencé assez tard et dont je n'avais, donc, pas toutes les bases. J'ai beaucoup apprécié ces moments d'échanges avec les éducateurs des clubs voisins et des formateurs passionnés, même si je n'étais peut-être pas assez mûr pour en récolter tous les fruits de manière immédiate. Mais c'est peut-être ce manque de maturité qui m'a poussé à vouloir en faire plus et à passer mes brevets les uns après les autres.

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Raphaël, deuxième en partant de la gauche, debout. Il entraînait la saison dernière les juniors du SCUF.

Alors que je piétinais encore un petit peu plus en fac de droit, j'avais déjà envie d'approfondir mes connaissances en rugby et de continuer à progresser en tant qu'entraîneur, mélange de rêve et d'ambition débordante. Mais pour cela, je devais d'abord finir mes études, à minima ma licence. Ayant une famille accordant énormément d'importance aux études, il était impensable que je me lance dans le monde du rugby sans bagage scolaire solide. J'ai donc continué à aller à l'université même si au fil du temps, ma motivation déclinait. Je m'épanouissais plus sur un terrain de rugby que sur les bancs des amphithéâtres car j'avais enfin trouvé une forme d'utilité sociale.

Le rugby n'est parfois qu'un prétexte : un prétexte pour apprendre à ces jeunes la vie en collectivité, le respect des règles et des autres. Un prétexte se questionner, se remettre en question, apprécier la victoire et accepter la défaite.

C'est en 2014 que je me suis lancé : je redoublais ma deuxième année de droit et je n'avais pas d'idée de métier en tête. Par curiosité, je me suis intéressé au diplôme d'Etat, formation professionnalisant dispensée à Marcoussis au Centre national du rugby. A partir du moment ou j'ai réalisé que je remplissais les conditions pour postuler, tout est allé très vite. En deux semaines, j'avais arrêté la fac et convaincu mes parents de me laisser préparer les tests d'entrée (un dossier à constituer, une analyse vidéo et un entretien avec un jury).

Ça n'a d'ailleurs pas été simple de les convaincre, j'ai dû y aller étape par étape. Dans un premier temps, leur faire réaliser que je ne m'épanouissais pas à la fac et que je ne voyais aucune perspective d'avenir derrière des études de droit. Ensuite, la partie la plus compliquée a été de leur faire accepter que je ne plongeais pas dans l'inconnu, que la formation dispensée par la fédération était reconnue, cohérente, qu'elle était l'aboutissement d'une remise en question, qu'elle pouvait me permettre de basculer par la suite sur un cursus universitaire, mais surtout qu'elle me donnerait des compétences pouvant m'amener vers un emploi et une situation professionnelle stables. La dernière étape pour finir de les convaincre ne dépendait que de moi : réussir les tests d'entrée. Ce fut chose faite.

La formation a été intense, pleine de doutes, d'échanges, de débriefings salés, de fous rires, de chants. Comme une saison de rugby finalement. Nous nous retrouvions une fois par mois, du lundi matin au jeudi soir, avec les autres stagiaires venus de toute la France. Nous avions tous des profils différents : des joueurs ou anciens joueurs pros, des gens en reconversion professionnelle, des salariés de clubs. Durant la formation, nous avions différents cours et autres ateliers : des échanges avec des intervenants extérieurs (des cadres techniques salariés de la Fédération française de rugby, ou des entraîneurs d'équipes espoirs ou de centre de formation), des travaux en groupes réduits sur des thèmes bien précis concernant le jeu et ayant pour but de construire notre philosophie d'entraîneur. Enfin, nous entraînions également des équipes de jeunes. A chaque fois, nos formateurs nous évaluaient. Ils étaient attentifs à nos connaissances rugbystiques bien sûr, mais aussi à la manière de nous adresser à notre public, notre manière de transmettre et même d'évaluer.

Chaque séance terrain était ensuite débriefée par les cadres techniques qui savaient également animer également des séances d'échanges sur le jeu et orchestrer des moments de travaux en groupe. La formation a été enrichie par la venue de spécialistes qui, le temps d'une ou plusieurs matinées nous éclairaient sur des thèmes comme la préparation physique, l'analyse vidéo, la communication verbale, le management d'une équipe sportive de haut niveau ou de ressources humaines associatives.

Je pense vraiment avoir trouvé ma voie, même si mes parents ont pu être déçu de mon choix au départ. Mais ils voient bien que je suis épanoui, heureux dans ce que je fais, j'ai un chemin qui se profile devant moi, des perspectives de métiers excitantes, choses que je n'arrivais pas à trouver dans le droit. C'est sûrement ça le plus important, même si j'ai arrêté la fac.