Nous allons frôler le Soleil grâce au vaisseau spatial le plus rapide de tous les temps

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Nous allons frôler le Soleil grâce au vaisseau spatial le plus rapide de tous les temps

La NASA lancera en 2018 sa mission la plus ambitieuse à ce jour.

Si le culte solaire est un motif récurrent de l'histoire religieuse de l'humanité, ce n'est pas par hasard. Notre étoile, une naine jaune de très belle conformation, est le corps céleste le plus influent et le plus massif de notre voisinage cosmique. C'est aussi la grande couveuse de la vie terrestre, sans qui micro-organismes, plantes, animaux, champignons n'auraient jamais pu évoluer. Notre étoile rythme nos jours, nos nuits, impose sa cadence aux sociétés humaines.

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Pourtant, le Soleil reste l'un des objets du système solaire que l'on connaît le moins. Il faut dire qu'étudier une sorte de réacteur à fusion géant capable de carboniser vos rétines si vous le regardez en face n'est pas des plus commodes. Jusque-là, les agences spatiales ne souhaitaient pas prendre le risque de bousiller une sonde à plusieurs dizaines de millions de dollars en l'envoyant braver l'enfer à proximité de la surface bouillonnante de notre étoile.

Pourtant, la NASA a finalement décidé de mettre une mission solaire sur pied. Il s'agit de Solar Probe Plus (SPP), développée au sein du Laboratoire de physique appliquée de la Johns Hopkins University. Elle consiste à envoyer un petit explorateur robotique s'aventurer plus près du Soleil que toute autre sonde avant lui, avant de traverser sa couronne – c'est-à-dire l'atmosphère brûlante entourant l'étoile. Le robot devra braver des températures glaciales puis des températures infernales en voyageant à une vitesse encore jamais vue. Ainsi, il nous fournira des observations extrêmement précises de notre étoile, et étudiera au passage les forts vents solaires qu'elle émet en permanence.

Prévue pour un lancement à l'été 2018, la mission constitue un objectif majeur du département de sciences de l'espace de la NASA depuis des décennies, selon le scientifique Nicola Fox.

« Nous avons attendu des lustres avant d'avoir les capacités scientifiques et techniques de nous approcher du Soleil, » m'explique Fox au téléphone. « C'est la dernière grande région du système solaire qui n'a jamais connu la visite d'un engin spatial. Pourtant, elle est essentielle : le Soleil constitue le centre du système solaire, et notre vie en dépend. Toutes les planètes sont influencées par lui d'une façon ou d'une autre. »

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La mission SPP est conçu pour descendre en piqué dans la couronne solaire externe, à une altitude de 8,5 rayons solaires (5,9 millions de kilomètres) au-dessus de la « surface » du Soleil, appelée photosphère. La sonde battra ainsi le record détenu par Helios 2 en 1976, qui s'était approchée à 43 millions de kilomètres du Soleil seulement.

Si tout se passe comme prévu, le robot deviendra également l'objet le plus rapide jamais fabriqué par l'homme, puisqu'il devrait atteindre une vitesse orbitale de plus de 725 000 km/h, le triple du record détenu par l'orbiteur Juno de la NASA, qui avait atteint les 265 000 km/h. Ces vitesses étant un peu abstraites pour nous autres, pauvres Terriens, grisés dès que notre Twingo atteint les 150km/h en vibrant très fort sur l'autoroute, tâchons de mettre ces chiffres en perspective. Si vous deviez atteindre la vitesse vertigineuse de la sonde SPP, vous pourriez effectuer le trajet Paris-Caen en une seconde. C'est plutôt rapide.

(À la vitesse de la lumière, vous pourriez faire 8 fois le tour de la planète en une seconde, mais nous ne vivons pas encore dans l'univers de Star Trek.)

La sonde modèrera sa vitesse en survolant l'énorme masse Vénus à sept reprises, en sept ans. L'attraction de l'énorme planète permettra d'ajuster la trajectoire de la sonde sur une orbite de plus en plus serrée autour du Soleil.

« C'est comme si notre sonde naviguait autour du Soleil comme un surfeur sur une vague », a déclaré Fox. « Tant que le surfeur va suffisamment vite, il ne sombre pas au fond de l'océan. Ici, nous faisons à peu près la même chose. Nous survolons Vénus pour nous ralentir, et relâcher un peu d'énergie. Ainsi, nous nous rapprocherons progressivement du Soleil en sept étapes successives. »

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Les plongées répétées dans la couronne solaire exposeront SPP à des températures avoisinant les 1 377 degrés, ce qui, en temps normal, aurait fait fondre les composants électroniques et le reste de l'équipement de la sonde.

C'est là que le système de protection thermique de la sonde (TPS) intervient. Mesurant 2,5 mètres de diamètre et 11 centimètres de profondeur, ce bouclier thermique solaire est construit à partir de mousse de carbone ultra légère coincée entre deux couches de protection.

Animation de l'approche de SPP. Video: JHU Applied Physics Laboratory/YouTube

« Nous avons effectué de nombreux tests chauds/froids », explique Congdon. « À cause des survols de Vénus, la sonde subira de nombreux cycles chaud-froid, 24 au total. Elle devra résister à des températures de -130°C au plus bas. »

Si tout va bien, la collection d'instruments scientifiques embarqués sur la sonde ne souffriront pas de ces conditions extrêmement rudes, ce qui leur permettra de mesurer et d'observer des champs magnétiques, le plasma, les particules énergétiques solaires et la dynamique des vents solaires.

Parce que la sonde va pénétrer dans un territoire inconnu, la mission pourra peut-être résoudre l'énigme de la persistance des vents solaires. La météo spatiale, les aurores boréales, la queue des comètes, la vie sur Terre, et même les performances de nos machines sont profondément affectés par les vents solaires. Il est donc impératif d'en comprendre la dynamique, si nous voulons un jour être en mesure de faire des prédictions à leur sujet.

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« De nombreux mystères entourent le Soleil et les vents solaires, » m'explique Fox. « Le premier concerne la couronne – c'est-à-dire l'atmosphère solaire que l'on peut observer pendant une éclipse solaire. Malgré ce que l'on pourrait croire, elle est plus chaude que la surface du Soleil. Cela défie plusieurs lois de la physique. Normalement, c'est impossible. »

C'est aussi au cœur de cette région anormalement chaude que les vents solaires s'agitent au point de se libérer de la force gravitationnelle du Soleil. Une seconde énigme, non résolue elle aussi.

« C'est comme si les vents solaires étaient défoncés à la caféine. Ils sont intenables, et se détachent du Soleil, comme mus par une force mystérieuse, » explique Fox. « Nous connaissons ces deux problèmes, sans pouvoir les expliquer, depuis plus de 100 ans – depuis la découverte des vents solaires. »

On espère que Solar Probe Plus nous permettra de mieux comprendre notre étoile et ses caprices. « Nous allons dans une région que nous ne connaissons pas du tout, » ajoute Fox.

« Là-bas, il se passe quelque chose de magique. »