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Un troll provoque une crise d'épilepsie à un journaliste via Twitter

Sachant que Kurt Eichenwald souffrait d’épilepsie, un troll lui a envoyé un tweet contenant un gif stroboscopique pour lui provoquer une crise. Ça a fonctionné, et c'est inédit.

La nuit, lorsque les trolls sont endormis, ils rêvent probablement d'un système capable d'infliger à distance une douleur physique à la personne visée, sans autre arme qu'un clavier d'ordinateur et une connexion Internet. Certaines, comme la fameuse « Brown Note », la fréquence qui fait vomir, sont plus ou moins avérées (pour info, elle se trouverait du côté des infrabasses, inférieures à 20Khz) et certains charlatans vendent même de soi-disant machines à faire vomir vos potes - chacun ses passe-temps, après tout - tandis que d'autres, comme le son qui tue, relèvent largement de la fiction. Pourtant, ce que vient de vivre Kurt Eichenwald, journaliste à Newsweek et Vanity Fair, tient bien d'une attaque à distance. Une attaque potentiellement dévastatrice, même. Déclenchée par un tweet.

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Le 16 décembre dernier, Eichenwald raconte son « agression » (comment appeler ça autrement?) dans une série de messages de 140 caractères, expliquant en détail ce qui lui est arrivé : « La nuit dernière, pour la seconde fois, un individu déplorable et au courant de mon épilepsie m'a tweeté un stroboscope avec la mention « tu mérites une crise »… et ça a fonctionné. Ca n'arrivera plus. Ma femme est terrifiée. Je suis… écœuré. » Dans la foulée, le journaliste a annoncé qu'il se tiendrait éloigné de Twitter à l'avenir, le temps de poursuivre en justice l'auteur de l'attaque, qui utilisait l'adresse « @jew_goldstein » et le pseudonyme « (((Ari Goldstein))) » - les trois parenthèses étant utilisées comme signe de reconnaissance par la fachosphère anglo-saxonne. Selon la photo obtenue par Mediaite, le tweet incriminé serait donc un gif représentant une étoile jaune sur fond rouge, clignotant de manière spasmodique.

Le meurtre via tweet est-il possible ?

Connu pour ses articles anti-Trump publiés tout au long de la campagne (c'en est presque une fixette, d'ailleurs), Kurt Eichenwald n'en est même pas à sa première tentative d'agression par tweet. En octobre dernier, après un article sur la manière dont Trump prioriserait ses intérêts économiques personnels au détriment de la stabilité diplomatique mondiale, le journaliste avait reçu un tweet du même genre, représentant cette fois-ci Pepe the Frog, un mème devenu icône religieuse dans les recoins sectaires de l'alt-right dévouée au Donald. Cette fois-ci, cependant, Eichenwald avait eu le temps de lâcher son iPad avant de faire une crise d'épilepsie. La seconde fois aura été la bonne.

Est-il vraiment possible d'induire aussi facilement des crises d'épilepsie ? Oui et non. Comme l'explique Ars Technica (et Kurt Eichenwald lui-même), l'épilepsie est un symptôme protéiforme, et seuls 3 % des malades sont atteints de sa forme photosensible, la plus ancrée dans l'imaginaire collectif. Dans leur cas, une simple fréquence d'image (selon le site Epilepsy Matters, un clignotement de 15 à 20 images par seconde) peut devenir un facteur épileptogénique et provoquer une crise, parfois sérieuse - si vous voulez vous tester, Giphy a toute une section dédiée, n'hésitez pas. Pour les autres malades, cependant, les lumières clignotantes n'auront aucun effet. Si l'envoi d'un GIF malveillant tel que celui-ci est rarissime, même pour un endroit aussi mal famé qu'Internet, Kurt Eichenwald n'a pas le mérite d'être la première victime de ce type d'attaque. En 2008, bien avant que Trump ne devienne président des Etats-Unis, une autre équipe de trolls, liée aux Anonymous encore protozoaires, s'était « amusée » à bombarder la page de l'Epilepsy Foundation de GIFs malveillants, provoquant des crises aux malades qui consultaient le site. A l'époque, Wired avait couvert l'attaque en la décrivant comme « probablement la première attaque informatique infligeant des dommages physiques aux victimes ». Au point de rendre ses auteurs responsables pénalement ? La jurisprudence décidera, puisque Kurt Eichenwald, comme prévu, vient de déposer plainte. Selon plusieurs témoignages de juristes compilés dans un post de blog de l'avocat Keith Lee, l'agression (voire la tentative de meurtre) via GIF malveillant possède toutes les caractéristiques pour être comparée à une bonne vieille agression armée IRL. Et son auteur pourrait donc se retrouver face à la justice, dans ce qui s'annonce comme une décision totalement inédite. Et le GIF deviendrait officiellement une arme. Bienvenue dans le présent.