Les tendances mode qui ont fait de 2017 une année pas comme les autres

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Les tendances mode qui ont fait de 2017 une année pas comme les autres

Parce que chaque année a son lot de surprises, i-D revient en dix points sur les tendances qui nous ont (parfois agréablement) étonné en 2017, des claquettes chaussettes au coup de force de Versace.

Le Gorpcore

Il paraît que c’est le nouveau normcore, mais à la vitesse où vont les « -core » ces temps-ci, on est convaincus que c’est déjà l’ancêtre d’une tendance de 2018. Apparemment, les normcore en ont eu marre du t-shirt blanc, du jean droit, des All Stars/Air Force/Stan Smith/New Balance et du hoodie gris. Oui, la nouvelle tendance est aux fringues de trekking. Comprenez polaires, parkas résistantes au vent, à l’eau, au feu et fashion weeks et chaussures de marche. Comprenez des labels techniques que vous aviez l’habitude de voir en sponsor de vos émissions préférées surPlanète : Quechua, North Face, Patagonia, Columbia, Napapijri… L’attirail Décathlon, parangon du confort, de la précision et surtout de la fonctionnalité. Le gorpcore, c’est un peu l’uniforme montagnard-chic. Mais cette « tendance » est peut-être plus subtile et plus intéressante à analyser qu’elle en a l’air. Car elle apparait comme la traduction vestimentaire d’un ras-le-bol de l’urbain, d’une envie de nature de plus en plus prégnante chez les jeunes citadins. Ou alors ce n’est simplement qu’une nouvelle manière de renier avec le vortex inamovible des années 1990, comme nous le rappelait avec talent la collection capsule entre Martine Rose et Napapijri. Parce que finalement, le gorpcore c’est d’abord l’uniforme de nos papas, décrit en septembre dans GQ Style comme le fait de « s’habiller comme nos pères le faisait pour aller marcher en forêt dans les années 1990. » Ressortez l’album photo familial, l’inspiration s’y trouve.

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Les crocs à plateforme de Balenciaga

Un défilé Balenciaga par Demna n’en est pas vraiment un sans son lot de polémiques virtuelles enflammées et – bien heureusement – inoffensives. En octobre dernier le designer présentait à Paris sa dixième collection pour Balenciaga, et perdues entre les stilettos à piques de 5 centimètres et les boucles d’oreilles en matériaux recyclés, on trouvait des Crocs. Pas n’importe quelles Crocs, s’il vous plaît. Des Crocs à plateforme de 10 centimètres qui ont divisé Twitter et le reste. À Vogue à l’époque, Demna avouait trouver la chaussure « très innovante. C’est léger, moulé en une seule pièce avec de la mousse, et pour moi, ces techniques et le travail de ce matériel sont très Balenciaga. » De leur côté, Crocs assurait via sa directrice du marketing que « travailler avec Balenciaga a été très plaisant pour notre équipe. Quand Balenciaga nous a contactés, continuait-elle, nous avons vu en cette proposition l’occasion de repenser notre design traditionnel et nos techniques de moulage. » Un mariage béni des dieux. Pas sûr que les beaux pin’s ajoutés par le créateur ne suffisent à faire chavirer nos cœurs à nous, mais c’était en tout cas une bien belle façon de réhabiliter la fashion credibility de Roselyne Bachelot.

Le workwear des années 1980

On parle encore des années 1990 – elles sont un peu devenues le scotch du capitaine Haddock – mais cette année la décennie de Parker Lewis a clairement dû faire un pas de côté pour laisser place à celle de son grand frère Ferris Bueller. On ne reviendra pas sur l’immense succès de la saison 2 de Stranger Things. On était rodés la première fois, et pourtant il y a des vagues de hype qu’on se prend en pleine tête, même bien accrochés. En France, la fièvre des années 1980 se traduit par la récente sortie de Stars 80, la suite, et heureusement qu’il y a la mode pour explorer la décennie de manière autrement plus subtile, mais pas forcément moins étrange. C’est du côté de la tenue féminine de travail, de bureau, des années 1980 que certains designers ont jeté leur dévolu. Le costard qui a certes longtemps été l’objet d’expérimentations dans la mode, revient discrètement mais sûrement cette année, du côté de Céline, Calvin Klein, Palmer//Harding ou Monse. Une revisite de ce qui fait (ou faisait) la tenue d’une femme de pouvoir, qui, eighties obligent, est passée cette année par un usage répété et souvent bienvenu des épaulières. Un style souvent rattaché à l’idée que les femmes au travail sont contraintes d’intimider, et que cela passe forcément par l’allure, le vêtement. Une problématique qui aura fait écho à la triste fin d’année, rongée par les affaires de harcèlement sexuel, et dont on imagine qu’elle sera encore plus développée dans les saisons à venir de la mode.

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Les claquettes-chaussettes

Honte sur nous. Honte sur nous qui nous sommes moqués des années durant des Allemands qui croisaient nos vacances – même quand ils n’étaient probablement pas allemands. Nous qui avons fait toutes les blagues possibles et imaginables sur Birkenstock. Honte à nous qui nous débattons aujourd’hui avec nos propres tendances estivales, dont la plus marquante reste sans équivoque les claquettes chaussettes trop longtemps raillées dans nos contrées françaises. Vous allez dire « ce n’est pas 2017, c’est 2016, voire avant ! » Oui, mais on ne voyait pas la chose durer jusqu’en 2017, alors ça vaut bien une mention. Aux États-Unis, ça fait longtemps que les claquettes chaussettes émaillent les quartiers les plus chauds et qu’Adidas, Nike et consort ont décidé d’élargir leur offre en la matière. Il aura véritablement fallu attendre cet été en France pour qu’elles deviennent le sésame de toute une génération, sans se départir de la rapide connotation « ghetto » américaine. On aura rarement vu un tel revirement de tendance, du totem beauf à l’emblème cool adoubé par Vuitton lors de la Fashion Week parisienne de juin dernier. Et même si la tendance résiste encore à beaucoup d’yeux choqués par tant d’audace ou d’inconscience esthétique, on n’en a pas trouvé d’autre cette année ayant été en partie popularisée par un clip de rap à 15 millions de vues et s’étant répandue dans les cours des collèges et lycées de manière aussi affolante que Pokémon Go à l’été 2016. Et ça, c’est la classe.

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L’espace

C’est un peu la caution « futur » de cette liste non-exhaustive, dont on s’est rendu compte qu’elle allait souvent chercher dans le passé. Et loin de nous l’idée de pointer une mode passéiste, qui a aussi su cette année s’adonner à la prospection étoilée. Parce que si l’on ne cesse de se retourner sur les sœurs 1990 et 1980, à s’amuser à retravailler et revisiter ce qu’elles s’imaginaient de leur futur et donc de nous, il est aussi amusant de construire ce que les décennies futures verront de ce que nous projetions sur elles. Et cette année, le futur était assez futuriste, en ce qu’il reprenait l’esthétique argenté, étincelante, tout en combinaisons, en laminé et courbes près du corps. Paco Rabanne a ressorti de son beau placard les robes métalliques qui faisaient le succès de la marque il n’y a pas si longtemps, et l’un des totems historiques du futurisme dans la mode a fait son retour sur les podiums, notamment de Balenciaga : les bottines blanches. C’est sans parler de la fusée de Chanel posée au milieu du Grand Palais, des imprimés explicitement cosmiques de Christopher Kane ou des créations de Thierry Mugler pour la sortie du film de SF de l’année (en attendant Star Wars), Valérian . Réussies ou non, les explorations futuristes de 2017 nous ont rappelé le rôle de la mode : nous amener ailleurs, à penser puis repenser, remâcher puis réinventer l’avenir.

Les baskets « moches »

En août dernier dans i-D, on tentait de comprendre l’obsession grimpante de la mode pour les baskets « moches ». Moches étant ici entre guillemets, parce que les goûts ne se discutent pas, que le terme est totalement subjectif mais qu’il en faut bien un pour regrouper les expérimentations pour le moins étonnantes de 2017 en matière de sneakers. Comme le résumait très bien Douglas Greenwood dans cet article, « aujourd’hui, les baskets les plus prisées sont celles que vous aviez repérées du coin de l’œil il y a dix ans, jetées au tréfonds d’une fripe, n’attendant plus que d’être achetées par votre grand-mère pour soulager sa sciatique et ses cors aux pieds. » Des modèles aux lignes dures, aux semelles quadruplement compensées, aux couleurs un peu randoms ou aux lacets fluo. Des modèles représentés cette année par la Triple S de Balenciaga, la Cloudburst de Prada ou encore l’Insta Pump Fury de Vetements et Reebok. Alors on peut y lire – encore une fois – un clin d’œil à nos années 1990 décidément jamais asséchées, quand les Buffalo et les Jungle Boots étaient encore des moyens d’expressions pertinents pour les ravers et les goths. Une tendance qui trouvait un certain apex en 2017 mais dont on doit les prémisses à l’éternel médium de la mode Raf Simons et sa revisite à succès du modèle Ozweego pour son automne/hiver 2013. Il aura fallu ces quelques années pour qu’à la fois la mode se cherche de plus en plus dans des niches jusque-là insoupçonnées, et que la démocratisation de la mode et du sportswear dans la mode habitue les consommateurs à faire évoluer leurs goûts au gré des essais les plus fous de leurs designers favoris. Bref, si vous avez gardé les chaussures soigneusement choisies par votre maman il y a dix ans, c’est maintenant ou jamais, parce que pas sûr que ça dure cette affaire.

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Les baguettes Supreme

Une liste de tendances n’en serait pas une sans l’objet Supreme de l’année. Quoi qu’on en pense, quoi qu’on en dise, il faut reconnaître que la marque parvient chaque année à faire son bruit en sortant une nouvelle bizarrerie de son cabinet (cool) des curiosités (cool). Et elle a matière à se surpasser à chaque fois. Après le marteau, les gants de boxe, la batte et les gants de base-ball, l’extincteur, le papier à rouler, le cutter, la boussole, la pince-monseigneur, le sablier, le duvet, le réveil, la gamelle pour chiens, la gourde, le pied de biche, le nunchaku, le cendrier, le briquet, les allumettes, l’encens, le crucifix, le ballon de basket ou la calculatrice, la marque aux files d’attente plus longues qu’un concert de Chilly Gonzales sortait cette année des baguettes. Pour manger. Chaque année, c’est aussi une manière de rappeler que Supreme n’a qu’à « drop » pour faire vibrer sa foule, et qu’à griffer son nom sur quasiment n’importe quoi pour faire le buzz. D’asseoir une certaine suprématie, quoi. Bon, en attendant la suite on va se refaire le calcul : savoir combien coûte une maison en briques Supreme.

Les jeans sales

Alors là, pas de cadeau. On tombe dans ce que la tendance a fait de pire en 2017. En début d’année, la chaîne de magasins Nordstrom (350 boutiques aux États-Unis et au Canada) qui s’était déjà attiré les foudres de Donald Trump pour avoir enlevé les fringues d’Ivanka de ses rayons (on leur en veut moins) s’attirait les foudres du tout-Internet. À raison : Nordstrom proposait sur son site et dans ses boutiques le jean « Barracuda » . Un jean taché de fausse boue à… 425 dollars. Un bel objet conçu par la marque new-yorkaise PRPS qui, non contente du jean, a eu la brillante idée de commercialiser la veste qui va avec – au même prix. Bon, admettons que l’expérimentation stylistique n’a pas de limite, et on a vu récemment la même pratique de « salissage » s’étendre aux sneakers de certains des plus grands défilés de la mode. MAIS, parce qu’il y a un mais, c’est au niveau de la description du jean sur le site Nordstrom que la pilule est passée de travers. On y lisait : « La tenue de travail typique américaine, qui a vu ce que c’était de travailler dur et montre que vous n’êtes pas effrayé de vous salir. » Travailler dur et vous salir pour claquer 850$ dans des fringues crades, du coup. On en viendrait presque à regretter la ligne d’Ivanka Trump.

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Les bottes glitter (et Céline Dion)

Cette photo justifie à elle seule la présence de ces bottes dans notre liste. Cette tendance à l’argenté brillant est très certainement à lier avec notre entrée sur l’espace, un peu plus haut, mais Céline, ici en bottes Saint Laurent, mérite son paragraphe. On aurait pu évoquer Rihanna (c’est fait) mais nous lui préférons Céline. Parce que c’était une belle année pour la diva québécoise : nouveau style, nouveaux pas de danse, premiers pas dans la mode, sortie en boîte et live avec Steve Aoki, un biopic dans les tuyaux avec Valérie Lemercier dans le rôle-titre… Céline Dion en 2017, c’est l’audace, la liberté, le lâchage complet. En gros, Céline Dion est bien , et c’est pour ça qu’elle porte les bottes de l’année presque mieux que RiRi. Après Johnny, on prend encore un peu plus soin de nos icônes francophones.

Versace

Vous vous y attendiez ? Alors oui, vous qui suivez la mode, vous aviez noté dans votre agenda en janvier 2017 : « Les 20 ans de Donatella à la tête de Versace » mais vous ne vous attendiez peut-être pas pour autant que la presse mode mondiale en vienne à appeler 2017 « l’année Versace ». Il y a vingt ans, donc, Donatella perdait son frère Gianni, figure de proue et incontournable de la mode des années 1990 qui créait en ces temps toute l’identité de la marque italienne. Tout son faste et ses ors incarnés par les top models les plus emblématiques de la décennie. Une présence si forte dans l’ADN de Versace que Donatella a voulu marquer le coup 20 ans plus tard, offrant à son frère défunt, à la mode et au monde une véritable célébration de l’impérissable héritage laissé par son frère. En septembre dernier, donc, pour la Fashion Week de Milan, la designer présentait une collection directement inspirée des archives de Versace période 1991-1995 d’où elle est allée puiser les looks les plus marquants pour les écrire au présent. Un défilé hommage dont la conclusion aura fini de casser internet. Une apparition étonnante, hallucinée, un résumé de l’époque : Cindy Crawford, Naomi Campbell, Claudia Schiffer, Helena Christensen et Carla Bruni côte à côte, en longues robes de bronze. Après quasiment 10 années passées à regarder la mode tenter l’appropriation de l’esthétique des années 1990, Versace est venue poser gracieusement le talon sur le podium et rappeler ce que sa marque charrie encore de l’imaginaire glamour de l’époque. L’année Gianni.

Pour plus de Vice, c’est par ici.