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Le pouvoir indien prive d'électricité les citoyens qui défèquent en extérieur

Dans l'État indien d'Uttar Pradesh, les gens vivant dans des villages dépourvus de toilettes pourraient être forcés de vivre dans le noir.

Le gouvernement d'Uttar Pradesh, un État du nord de l'Inde, a coupé les lignes électriques des villages qui n'ont pas encore réussi à éradiquer la défécation en plein air.

Oui, vous avez bien entendu : les villages les plus pauvres de la province subissent un chantage agressif de la part des autorités, dans le but de les forcer à construire et utiliser des toilettes domestiques et publiques. La chaine indienne Times Now précise que le gouvernement de l'État complètera cette mesure
par la retenue des cartes de rations alimentaires et des paiements de pensions.

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Il semble que ces menaces durent depuis plusieurs mois. Au mois d'août, un magistrat d'Uttar Pradesh a ordonné au fournisseur d'électricité local de couper l'alimentation électrique des ménages du village de Gangithala, où seulement 19% des foyers possèdent actuellement des toilettes, selon le Hindustan Times.

Nous avions déjà évoqué le problème complexe de la défécation en plein air en Inde. D'une part, les matières fécales laissées sur le sol ou dans les rues peuvent contribuer à la diffusion de maladies très dangereuses, voire mortelles. D'autre part, sans infrastructure adéquate pour acheminer l'eau potable dans les villages, l'idéal hygiéniste des toilettes pour tous restera inaccessible et extrêmement discriminatoire, même avec les subventions du gouvernement national indien. Ce dernier a promis de soutenir les projets de construction de toilettes en finançant une partie des coûts de construction, mais n'a pas toujours tenu ses engagements.

Pourtant, l'Inde veut absolument atteindre ses objectifs d'assainissement dans les plus brefs délais – en partie parce que le pays est obsédé par l'idée de présenter un visage "propre" au reste du monde – quitte à bafouer les droits fondamentaux des individus. Tandis que le premier ministre Narendra Modi a lancé une campagne baptisée "Swachh Bharat Abhiyan" afin d'améliorer la propreté des villes, villages et habitations indiennes à travers la gestion des déchets et la construction de toilettes, l'assainissement est devenue une priorité politique qui prend parfois le pas sur d'autres priorités – comme l'accès à l'eau potable.

La campagne peut tout de même se targuer de quelques succès. Dans l'État d'Odisha, en 2014, la maire d'un village vieux de 34 ans a réussi à convaincre sa communauté de construire et entretenir de nouvelles toilettes, bouleversant ainsi une culture ancienne consistant à se soulager dans les champs. Il faut noter que sa réussite a dépendu de sa capacité à collaborer avec les villageois et avec le gouvernement tout à la fois, sans jamais menacer ni forcer quiconque.

Dans les villages d'Uttar Pradesh privés d'électricité, la vie ne sera que plus difficile. La pauvreté rurale est de mise sur la plus grande partie du territoire indien, et l'État d'UP est particulièrement marqué par la misère : parmi les 200 millions d'habitants que compte l'État, 60 millions vivent dans la pauvreté, selon la Banque mondiale. La privation d'électricité, qui les empêchera d'utiliser les téléphones, les machines à coudre et les ventilateurs, aura un impact direct sur leurs moyens de subvenir à leur besoin et sur leur santé – d'autant plus qu'en septembre, le soleil indien est particulièrement cruel.