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Crime

Une biographie "officielle" du mollah Omar circule

D'après une biographie « officielle », le mollah Omar serait toujours en vie, toujours chef des talibans, et prêt à reprendre le contrôle de l'Afghanistan.
Photo via Getty Images

Une biographie officielle du mollah Omar, le fondateur des talibans, publiée ce week-end, a relancé les rumeurs sur le fait que le leader borgne serait toujours vivant. Cette biographie pourrait aussi être un élément de propagande contre l'organisation État islamique (EI).

Après l'invasion de l'Afghanistan par les États-Unis en 2001, qui a mis fin à un règne de six ans des talibans dans le pays, on n'a presque plus entendu le mollah Omar. Beaucoup d'Afghans, dont des talibans, se sont demandé s'il avait toujours du pouvoir. Ce témoignage, long de 5 400 mots sur la vie d'Omar, publié en plusieurs langues sur Internet, semble avoir été rédigé pour dissiper ces inquiétudes.

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Les auteurs ont affirmé avoir écrit cette biographie pour « éviter la fausse propagande », qui serait répandue par de « faux écrivains et analystes, et des cercles biaisés. » Leur but affiché est de « faire un tableau clair » et de « dessiner le croquis de la vie » d'Omar, qui est appelé « Son Excellence ».

« Il suit de près et inspecte les activités jihadistes contre les infidèles et les cruels envahisseurs étrangers, » peut-on lire. « Il suit les publications des jihadistes et les médias internationaux… À sa manière, il reste en contact avec la vie de tous les jours dans son pays, ainsi qu'avec le monde extérieur. »

Pour Marvin Weinbaum, le directeur du centre d'études sur le Pakistan à l'institut du Moyen-Orient, ce document a un but politique évident à un moment de mutation du leadership taliban.

« Cela fait plusieurs années qu'il n'y a eu aucune espèce de confirmation qu'il était à la tête de l'organisation, » explique Weinbaum à VICE News. « Ils essaient de montrer qu'il est en vie, et qu'il contrôle l'insurrection. »

Alors que les troupes étrangères se retirent peu à peu d'Afghanistan, les talibans capitalisent sur le vide de pouvoir laissé dans les campagnes pour réaffirmer leur contrôle et réinstaller la Charia qu'ils avaient introduite dans les années 1990.

« Ils essaient de montrer qu'il est en vie, et qu'il contrôle l'insurrection. »

Weinbaum remarque que la biographie aurait pu être écrite par n'importe quel taliban et que ça ne prouve pas qu'Omar, qui avait des problèmes de santé, et qui a perdu un oeil en combattant les Soviétiques quand ils occupaient l'Afghanistan, est toujours en vie.

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Une poignée de talibans mécontents aurait commencé à quitter le groupe pour préter allégeance à l'EI, le rival sunnite qui a saisi de grandes parties de l'Irak et de la Syrie. Certains élèvent la voix pour que le mollah Omar montre qu'il est toujours à la tête des jihadistes d'Afghanistan.

« Pour l'instant ils ne sont pas en mesure de le montrer pour attester [qu'il est toujours chef], même en cette période de crise, » dit Weinbaum.

Le texte dit qu'Omar est né en 1960 dans la province de Kandahar en Afghanistan. Son père était un « érudit respecté et une figure sociale », originaire du clan Tomzi qui fait partie de la tribu Hotak. Il est décrit comme le commandant « éminent et distingué » des Moudjahidines qui ont combattu les Soviétiques après leur invasion en 1979. Il aurait été blessé quatre fois, dont une qui lui a coûté son oeil droit.

D'après Hassan Abbas, auteur du Renouveau Taliban, en réalité, Omar était un « commandant de petite importance » pendant les combats contre les Soviétiques.

« Ils essaient de faire croire qu'il a gagné des batailles décisives, ce qui est complètement faux, » explique Abbas à VICE News. « C'est même le contraire qui est dit dans les récits talibans les plus authentiques. »

La biographie dit qu'Omar et les talibans ont été investis à la tête de l'Afghanistan par « 1 500 érudits religieux, » qui se sont retrouvés dans « la ville de Kandahar » en avril 1996.

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« Il est strictement opposé aux hérétiques, » dit encore la biographie. « Il recommande et insiste sur l'unité islamique et idéologique, et la coopération auprès de ceux qui le suivent. »

Abbas, qui est conseiller à l'Asia Society et professeur de sécurité internationale à l'université de défense nationale, a déclaré que ces éléments biographiques servaient en partie à « attaquer ceux qui s'éloignent » des talibans pour rejoindre l'EI.

On ne sait pas bien à quel point l'EI est impliqué en Afghanistan. En février, des militants qui revendiquaient une affiliation avec l'EI auraient tué un commandant taliban. Mohammad Mohaqiq, un dirigeant afghan chiite, a récemment déclaré que d'anciens membres des talibans avaient fait voler le drapeau de l'EI au-dessus des corps de 31 hommes et garçons chiites massacrés en février.

« Mon analyse, c'est que ce n'est pas l'EI qui essaie d'élargir sa base en Afghanistan, » dit encore Abbas.

Des rumeurs circulent selon lesquelles Ashraf Ghani, le nouveau président afghan, serait en train de négocier des accords de paix avec les talibans. Selon Abbas, le groupe est « très divisé » à cause « d'éléments mécontents parmi les talibans qui n'auraient pas été contactés par le mollah Omar. »

La biographie décrit Omar comme « un personnage charismatique » doté d'un « sens de l'humour spécial. »

« Contrairement aux responsables et aux leaders de haut rang, il ne cherche pas à se mettre en avant, » dit la biographie, qui raconte que « Dans la plupart de ses rendez-vous, il parle du djihad. »

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Le texte dit aussi qu'Omar n'a pas de « lieu de résidence » et qu'il n'a pas de compte en banque à l'étranger, une habitude qui remonte à la période où il dirigeait l'Afghanistan. Son arme préférée, serait le RPG-7, un lance-roquettes antichar.

M. Nazif Shahrani, professeur d'études moyen-orientales à l'université d'Indiana a dit à VICE News que les Afghans pourraient être déçus par cette biographie, pourtant écrite à destination d'un public national.

« Ils n'offrent pas d'alternative, à part dire que le gouvernement est pourri, et que n'importe quel gouvernement est une marionnette installée par des puissances étrangères, » dit Shahrani. « Je pense que le message de cette biographie, c'est de rappeler que leur gouvernement a mis en place la Charia dans les années 1990, que c'était bien, et qu'ils projettent de le refaire. »

D'après Abbas, même la description de l'attitude d'Omar est trompeuse.

« Il est perçu comme quelqu'un de malpoli et d'arrogant, » dit Abbas. « Personne n'a jamais dit de lui qu'il avait le moindre sens de l'humour. »

Suivez Samuel Oakford sur Twitter: @samueloakford