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environnement

À Montréal, l’interdiction des sacs de plastique sera pire pour l’environnement

Le sac mince est celui qui a le moins d’impacts environnementaux de tous les sacs jetables. ¯\_(ツ)_/¯
Photo : velkr0/Flickr

On estime à plus d’un milliard le nombre de sacs de plastique que les Québécois utilisent chaque année. Ces sacs prennent des centaines d’années à se décomposer; ce qui veut dire que les premiers jamais produits ne sont même pas à mi-chemin de leur destruction naturelle.

Pas surprenant qu’on cherche un moyen de s’en débarrasser.

Montréal a choisi de passer le couperet. Les commerçants de la métropole ont jusqu’au 5 juin pour se départir de leurs sacs en plastique jetables, même si, techniquement, ils sont interdits depuis le début de l’année.

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À priori, ça semble une bonne idée. Mais selon l’analyse du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG), que Recyc-Québec a diffusé la semaine dernière, ce n’est peut-être pas exactement le bon choix. Et Montréal le sait.

La Ville a choisi d’enrayer les sacs de plastique minces, mais que les sacs épais seront toujours permis. On parle ici des sacs d’une épaisseur de 50 microns ou plus (comme les sacs de boutiques de vêtements, genre). Et à moins d’être réutilisés pas mal, les sacs épais sont plus nocifs pour l’environnement que les sacs minces, conclut l’étude.

Ça fait un bout de temps que la Ville le sait, du moins en partie. Vers la fin du mois d’août, Le Journal de Montréal avait révélé que la publication de l’étude sur les sacs de plastique, maintes fois reportée par Recyc-Québec, avait été bloquée. La source du Journal dénonçait qu’on ait imposé un bâillon sur ses résultats. Selon le quotidien, l’étude avait conclu que les sacs de plastique légers n’étaient pas les plus nocifs pour l'environnement.

Denis Coderre, alors maire de Montréal, avait confirmé qu’il irait de l’avant malgré tout, assurant du même souffle qu’il n’avait pas vu l’étude.

Mais il y en a une qu’il avait vue assurément, par contre, et c’est celle commandée par la Ville et publiée en avril 2015. Dans ce document, où on fait état de l’expérience d’autres villes, on émet de sérieux bémols au sujet des sacs de plastique plus épais employés comme sacs réutilisables, qui sont apparus à la suite du bannissement des sacs de plastique.

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« La fabrication de ces sacs nécessite plus de plastique que les sacs en plastique conventionnel. Leur utilisation contrevient donc à plusieurs des objectifs initiaux des bannissements, dont la diminution de l'utilisation de sacs en plastique. » On note également la difficulté de réguler l’épaisseur ces sacs, qui ne sont pas certifiés.

« L’ensemble des intervenants confrontés à cette problématique nous ont mentionné regretter l’apparition de ces sacs parce qu’ils auront engendré des problématiques difficiles à résoudre et auront potentiellement nui à la performance environnementale du bannissement », écrit le rapport.

Malgré tout, ce sont les sacs épais que Denis Coderre a choisi de préférer au sac de plastique léger.

Maintenant, on change d’administration, et l’histoire suit son cours. Le parti de Valérie Plante va maintenir l’interdiction de sacs légers. Sur diverses plateformes, le responsable de l’environnement au comité exécutif de la Ville, Jean-François Parenteau, a justifié la décision en déplorant la fragilité et la volatilité des sacs minces, qui se retrouvent trop facilement dans l’environnement. Il espère que les gens sauront réutiliser le sac plus épais.

Les pires sacs?

L’épaisseur et la composition du sac jouent pour beaucoup dans l’analyse fournie par Recyc-Québec. Et je vous jure que c’est plus intéressant que les rapports ministériels de Percy Weasley sur l’épaisseur des fonds de chaudrons.

D’emblée, le sac mince est celui qui a le moins d’impacts environnementaux de tous les sacs jetables, y compris les sacs épais : sa production « nécessite peu de matière et d’énergie » et il est dans 77,7 % des cas réutilisé comme sac de poubelle. Il reste que le sac de plastique mince a un bilan partagé. Il est peut-être moins énergivore au moment de la production, mais il est celui qui a le « plus d’impact environnemental quand il est abandonné dans l’environnement ».

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Si on veut utiliser le sac de plastique épais, il faut le réutiliser de 3 à 6 fois pour avoir aussi peu d’impacts environnementaux que le sac léger. Le sac réutilisable fait d’un autre matériel doit être utilisé de 35 à 75 fois avant d’avoir un aussi bon bilan environnemental qu’un sac mince.

Recyc-Québec n’a pas répondu aux questions de VICE, à savoir s’ils jugeaient que la Ville faisait fausse route en bannissant les sacs légers tout en permettant les sacs plus épais.

L’analyse du CIRAIG indique qu’elle « n’est pas à même de conclure définitivement sur le bien-fondé absolu du bannissement des sacs de plastique conventionnel ». On note qu’on réduirait l’abandon des sacs dans l’environnement, mais que les sacs de remplacement ne sont peut-être pas optimaux, et qu’au final il est impossible de prévoir ce que l’industrie fera ensuite de son plastique – moins de sacs n’équivaut pas forcément à moins de production de plastique.

On invite à étudier l’option de bannir les sacs minces tout en imposant une tarification des sacs de remplacement (comme les sacs épais), de manière à en décourager l’utilisation, et à encourager l’emploi des sacs réutilisables.