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Un laser spatial pour lutter contre les débris orbitaux

L'avenir de l'exploration spatiale dépend de notre capacité à débarrasser l'orbite terrestre de tous nos débris.

Les humains jettent des gros bouts de métal dans l’espace depuis 1957, l’année où Spoutnik a inauguré l’âge spatial. Depuis, nous avons fait beaucoup de progrès. Par contre, nous avons laissé un sacré désordre sur la route.

Les débris spatiaux sont l’équivalent extraterrestre du plastique qui flotte dans nos océans. Ils sont issus des collisions et de l’érosion auxquels sont soumis les objets conçus et lancés par nous autres humains ; dispersés dans le vide, ils représentent un risque sérieux pour tout ce qui les rejoint en orbite. C’est la raison pour laquelle des chercheurs emmenés par Quan Wen de l’Université d’aéronautique de Xi’an, en Chine, ont suggéré que nous les détruisions à l’aide de lasers montés sur une station spatiale.

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L’Agence spatiale européenne (ASE) affirmait que des millions de débris flottaient autour de la Terre en 2013. Pire : 670 000 d’entre eux auraient une taille comprise entre 1 et 10 centimètres, ce qui est trop petit pour que nous puissions les suivre depuis le sol.

Un centimètre, ça peut sembler petit. Malheureusement, les couches de débris qui rôdent dans l’espace ont un peu le même effet que des pistolets à sablage sur la surface si fragile de nos engins spatiaux bardés de panneaux solaires. Imaginez que vous frottez l’écran de votre ordinateur avec du papier de verre. Maintenant, imaginez que votre écran est en train de filer à 30 000 km/h dans des couches de papier de verre successives. C’est exactement ce qui se passe avec la Station spatiale internationale.

Le cratère laissé par un micrométéore sur l'une des fenêtres de la navette Challenger. Image : Wikimedia Commons/NASA

À chaque fois qu’un débris percute un engin spatial, de nouveaux débris sont créés. La NASA affirme que la collision d’un satellite russe hors-service avec un satellite américain en état de marche a engendré plus de 2 000 débris traçables.

Si nous ne faisons rien pour l’empêcher, le nombre de débris spatiaux connaîtra sans doute une croissance exponentielle. Cet effet domino est connu sous le nom de syndrome de Kessler, du nom du scientifique de la NASA qui l’a proposé en 1978. Dans ce scénario-catastrophe, la densité des débris spatiaux devient telle que chaque nouvelle collision augmente le risque de collision futur. Cette cascade pourrait encombrer l’orbite terrestre à un point tel que nous ne pourrions plus nous servir de nous satellites ou envoyer de nouveaux engins dans l’espace.

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Dès lors, pas étonnant que Nicholas Johnson, le scientifique principal pour la questions de débris spatiaux de la NASA, déclare que “le plus grand risque pour les missions spatiales vient des débris non-traçables.”

En février prochain, l’équipe de Wen publiera un article dans Optik - International Journal for Light and Electron Optics pour détailler leur proposition de solution. À les croire, la théorie montre qu’il est possible d’utiliser des “lasers orbitaux” pour détruire des débris spatiaux.

La liste des méthodes d’élimination des débris spatiaux est longue. Les lasers sont la dernière solution à la mode, après les filets géants et la chasse aux fragments individuels - deux solutions jugées trop coûteuses.

À l’inverse, un laser monté sur une station spatiale pourrait être utilisé à plusieurs reprises, sans trop de difficultés et pour un prix relativement bas. Grâce à lui, les débris pourraient être poussés dans l’atmosphère, où ils se consumeront en tombant vers nous.

Mais où pouvons-nous installer cette station laser ? Certains chercheurs pensent qu’elle a sa place sur Terre : c’est le cas des responsables d’ORION, un projet lancé en 1996.

L’équipe de Wen a préféré enquêter sur les effets d’un hypothétique laser spatial. Ils affirment qu’un tel engin aurait une portée opérationnelle autrement plus grande qu’un laser terrestre : quand on orbite a côté des débris, on les voit forcément mieux que depuis le sol. De plus, le faisceau d’un laser spatial serait moins gêné par l’atmosphère.

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“De ce fait, cette approche est considérée comme la plus prometteuse en lumière des connaissances actuelles”, écrivent les chercheurs.

Wen et ses co-auteurs présentent un modèle de station laser spatiale dans leur papier. Ils ont conduit des tests pour comprendre comment un laser activé depuis l’espace agirait sur des débris sphériques en aluminium, et quels angles d’attaque donnaient les meilleurs résultats. L’aluminum est l’un des matériaux les plus courants dans les débris spatiaux ; la forme sphérique a permis de simplifier les calculs.

Un schéma du laser "tirant" sur un débris, la Figure 1 du papier.

Résultat : en théorie, un laser pulsé peut éjecter un débris de son orbite. Wen et son équipe ont également découvert que le laser avait une portée et une efficacité supérieure s’il était colinéaire avec le débris visé et soumis à la même inclinaison que lui. En d’autres termes, plus le laser est aligné avec le débris, mieux il marche.

L’article pose des fondations intéressantes. Grâce à elles, nous serons peut-être bientôt capable de corriger nos erreurs spatiales - à condition de résoudre quelques problèmes de taille.

Certains commentateurs craignent qu’un laser spatial géant contrôlé par une superpuissance soit une mauvaise idée. Au moins, pour le moment, ce modèle ne fonctionne qu’en théorie et sur des débris d’aluminium sphériques. De plus, il serait incapable de s’occuper des débris non-traçables.

Il nous reste beaucoup à faire avant de pouvoir lancer un blaster anti-débris en orbite. Au moins, c’est un début.