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Retour sur un an de victoires en matière des droits de l'homme

L'année dernière a peut-être été un désastre complet, mais il y a eu de très bonnes nouvelles au milieu de ce malheur.
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Des militantes pro-choix célèbrent la légalisation de l'avortement en Argentine. Photo : RONALDO SCHEMIDT/AFP via Getty Images) 

Depuis 2001, Amnistie internationale mène la campagne « Écrire pour les droits », encourageant ses sympathisants à écrire des messages pouvant contribuer à mettre fin aux violations des droits humains. Cette année, VICE s’est associé à Amnistie internationale pour mettre en lumière certaines des histoires de celles et ceux qui ont participé à la campagne de cette année, et pour vous encourager à vous impliquer. Vous pouvez en savoir plus et écrire ici si vous êtes en France ou ici si vous êtes au Canada !

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À ce stade, il est cliché de qualifier 2020 de désastre quasi-total. Une pandémie meurtrière a servi de toile de fond à une année de catastrophes environnementales, de répressions historiques et de violations successives des droits de l'homme.

C'était une année que beaucoup voudraient oublier, mais au cours de ces douze mois, il y a eu aussi des moments à célébrer. Des moments de triomphe personnel, de bonheur et de joie, ainsi que des victoires éclatantes pour les droits humains dans le monde entier. En voici quelques exemples :

Tout le monde a le droit à l’amour

L’année 2020 avait pourtant bien commencé : en janvier, l’Irlande du Nord a enfin légalisé le mariage gay, cinq ans après le reste du Royaume-Uni. En mai, le Costa Rica a lui aussi célébré ses toutes premières unions homosexuelles, tandis qu'en décembre, la Suisse a adopté un projet de loi visant à légaliser le mariage pour tous et à simplifier les procédures de reconnaissance du genre, bien que ce dernier point doive encore faire l'objet d'un référendum cette année.

Le premier couple homosexuel d'Irlande du Nord à être légalement marié se tient la main lors d'une conférence de presse. Photo : Charles McQuillan/Getty Images

Le premier couple homosexuel d'Irlande du Nord à être légalement marié se tient la main lors d'une conférence de presse. Photo : Charles McQuillan/Getty Images

L’Espagne durcit sa loi sur le viol

En mars, le gouvernement espagnol a présenté un nouveau projet de loi contre le viol en introduisant la notion de « consentement sexuel explicite », devenant ainsi le dixième pays au monde à le faire.

Cette annonce est intervenue sur fond de polémique autour d'une série de viols collectifs très médiatisés en Espagne, à la suite desquelles les militants ont fait valoir que le système judiciaire avait laissé tomber les victimes. Parmi ces affaires figurait celle dite de « La Meute », dans laquelle cinq hommes ont violé une jeune fille de 18 ans. Un tribunal de première instance les a reconnus coupables du délit mineur d'« abus sexuel » et non d’« agression sexuelle ». Le jugement, rendu en 2018, a déclenché des manifestations dans tout le pays et a poussé le gouvernement à réformer la définition légale du viol, en l'alignant sur les normes internationales en matière de droits de l'homme.

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Grassy Narrows

En avril 2020, après avoir reçu plus de 400 000 lettres de membres d’Amnestie en solidarité avec les jeunes de la Première nation de Grassy Narrows, le Canada a enfin fait un pas important vers la justice.

Il y a cinquante ans, une usine de pâte à papier a déversé environ dix tonnes de mercure dans le réseau hydrographique, empoisonnant les rivières et les poissons, essentiels à la subsistance du peuple autochtone Anishinaabe. Les niveaux dangereusement élevés de ce métal lourd trouvés dans les poissons pêchés à Grassy Narrows ont eu un impact tragique sur plusieurs générations. L'empoisonnement au mercure attaque le système nerveux, provoquant des engourdissements, des problèmes de coordination, des pertes de vision, des difficultés d'apprentissage, des lésions cérébrales et de nombreux autres problèmes de santé. Les enfants dont les mères ont été exposées au méthylmercure sont confrontés à des problèmes de développement et de santé pour le reste de leur vie.

Les gouvernements canadiens successifs, tant au niveau fédéral que provincial, ont caché des informations cruciales sur la santé des habitants de Grassy Narrows, ont refusé de nettoyer le système fluvial, n'ont pas fourni de soins de santé spécialisés et, à certains moments, ont nié qu'il y avait une menace d'empoisonnement au mercure.

Après des décennies de lutte et de plaidoyer acharné de la part des membres de la communauté, le mois d’avril 2020 a vu la signature d'un accord de 19,5 millions de dollars pour la construction d'un centre de soins à Grassy Narrows et dans une communauté voisine également touchée par l'empoisonnement au mercure. Le gouvernement provincial s'est également engagé à assainir le réseau hydrographique.

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Les centres de confinement ont été vidés

À partir de mars 2020, les autorités du Salvador ont arrêté et transféré des milliers de personnes dans des « centres de confinement » pour des violations présumées de la quarantaine liée au coronavirus. Amnistie internationale a examiné des documents juridiques qui affirment que certaines personnes ont été détenues après avoir quitté leur domicile simplement pour acheter de la nourriture ou des médicaments. Dans de nombreux cas, les personnes ont été détenues dans ces centres pendant des semaines, sans savoir quand elles pourraient partir et sans avoir accès à des mesures préventives comme la distanciation sociale, l'eau potable, les masques ou des tests efficaces.

Heureusement, fin août, le nombre de personnes dans ces centres a commencé à diminuer sensiblement, grâce aux efforts des ONG locales, aux appels de la communauté internationale et aux décisions de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême. Fin 2020, les centres avaient été complètement vidés.

Des peines réduites

En février, les peines de la militante pour le droit des femmes Yasaman Aryani et de sa mère, Monireh Arabshahi, ont été considérablement réduites suite aux actions de 1,2 million de sympathisants d'Amnestie.

Près d'un an auparavant, le 8 mars 2019 – Journée internationale de la femme – une vidéo montrant Aryani, Arabshahi et d'autres militantes est devenue virale. On y voit les femmes sans leur voile, distribuant pacifiquement des fleurs aux passagères d'une rame de métro à Téhéran et discutant de leurs espoirs pour les droits des femmes en Iran.

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Le 10 avril de cette année-là, Aryani a été arrêtée par les forces de sécurité iraniennes et emmenée dans un lieu inconnu. Sa mère a été arrêtée le lendemain. Au cours des neuf jours suivants, Aryani a été maintenue à l'isolement et, selon elle, soumise à d'intenses séances d'interrogatoire, pour finalement subir des pressions afin de lui faire « avouer » que l'« opposition » de l'étranger avait « incité » son activisme en faveur des droits de l'homme, la forçant à proclamer qu'elle était « repentante » et qu'elle « regrettait » ses actes.

En juillet 2019, Aryani et Arabshahi ont toutes deux été condamnées à 16 ans de prison. Suite à une campagne internationale soutenue par les sympathisants d'Amnestie, cette peine a été réduite en appel à neuf ans et sept mois, dont cinq ans et six mois seront purgés. Bien que cela constitue une amélioration, les deux femmes n'auraient jamais dû être détenues, et la bataille se poursuit pour obtenir leur libération inconditionnelle.

Une peine de mort annulée

En juillet 2020, la vie de l'adolescent sud-soudanais Magai Matiop Ngong a été sauvée, en partie grâce à la solidarité internationale mobilisée par Amnestie.

Quand Magai avait 15 ans, il a eu une altercation physique avec un voisin. Magai a pris l'arme de son père et, lorsque son cousin a essayé d'intervenir, il a tiré des coups de semonce dans le sol. Au moins une balle a rebondi, touchant son cousin, qui est mort plus tard à l'hôpital. Magai n'avait pas d'avocat pour le représenter au procès – comme l'exige la loi – et a été reconnu coupable de meurtre. Il a été condamné à mort par pendaison.
Un total de 765 000 actions incroyables a été entrepris à travers le monde, notamment des lettres et des tweets demandant l'annulation de la condamnation à mort de Magai pour ce qu'il prétend être un accident tragique. Le 14 juillet de l'année dernière, la Cour d'appel du Soudan du Sud a annulé la condamnation à mort de Magai, qui a été libéré du couloir de la mort le 29 juillet. (La famille du défunt a fait appel de la décision et le résultat de cet appel est en cours).

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À l'époque, Magai a dit à Amnestie : « Merci beaucoup. Je n'ai pas de mots. Vous n'avez pas idée à quel point mon cœur est rempli de bonheur. »

Le Brésil s’attaque à la déforestation

En juillet, suite à la publication d'un rapport d'Amnistie internationale, le procureur fédéral de l'État de Rondônia au Brésil a annoncé que son bureau enquêterait sur les accusations de déforestation illégale et de saisies de terres dans la chaîne d'approvisionnement de JBS, le plus grand producteur de viande au monde.

Une semaine plus tard, un ancien auditeur de la société JBS a critiqué l’entreprise pour avoir affirmé à tort que ses activités en Amazonie étaient respectueuses. Plus tard, la société d'investissement européenne Nordea Asset Management a retiré JBS de son portefeuille, attribuant sa décision à des révélations sur la chaîne d'approvisionnement indirecte de JBS. En octobre, JBS s'est engagée à surveiller l'ensemble de sa chaîne d'approvisionnement d'ici 2025, y compris les fermes « fournisseurs indirects » problématiques liées à la déforestation illégale.

Des femmes soudanaises défilent à Khartoum pour marquer la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Photo : ASHRAF SHAZLY/AFP via Getty Images

Des femmes soudanaises défilent à Khartoum pour marquer la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Photo : ASHRAF SHAZLY/AFP via Getty Images

La fin des mutilations génitales féminines et du mariage des enfants

En juillet 2020, les mutilations génitales féminines (MGF) ont été interdites au Soudan. En novembre, les autorités soudanaises ont annoncé que la police commencerait à faire respecter l'interdiction, informant les communautés que la pratique était désormais illégale et passible d'une peine pouvant aller jusqu'à trois ans de prison. Le directeur général de la police, Ezzeldin El Sheikh, a souligné qu'il était essentiel que les chefs religieux jouent leur rôle pour aider à mettre fin à cette pratique dans ce pays majoritairement musulman.

« Au Soudan, en 2020, changer la loi et criminaliser les mutilations génitales féminines est toujours une étape positive. L'amendement de la loi fait suite à des décennies de campagnes menées par diverses organisations de la société civile dans le pays. Cependant, la pratique des MGF est profondément ancrée dans la culture. Le Soudan a l'un des taux de prévalence des MGF les plus élevés au monde. Les mesures punitives seules ne feront pas disparaître la tradition du jour au lendemain. La criminalisation des MGF doit s'accompagner d'une campagne durable et à long terme sur les conséquences de cette pratique sur la vie de millions de femmes et de filles dans tout le pays », nous a déclaré Ahmed Elzobier, responsable des recherches d'Amnestie sur le Soudan.

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La même semaine que l'annonce sur les MGF, le conseil des ministres a annoncé qu'il ratifierait tous les articles de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant de 1999, ce qui représente une étape importante pour mettre un terme aux mariages d'enfants dans le pays.

La gratuité des produits d'hygiène féminine

Fin novembre 2020, l'Écosse est devenue le premier pays au monde à rendre les produits d'hygiène féminine gratuits pour tous. Après une campagne d'un an, un projet de loi présenté au Parlement écossais par la députée travailliste Monica Lennon a été adopté à l'unanimité, créant une obligation légale pour les autorités locales de s'assurer que les tampons et les serviettes hygiéniques sont disponibles pour « toute personne qui en a besoin ».

L'avortement légalisé en Argentine

Fin 2020, des scènes de jubilation en Argentine ont fait la une des journaux alors que le pays entrait dans l'histoire en légalisant l'avortement.

Après des décennies de lutte et en tenant sa promesse électorale, le président argentin Alberto Fernández a envoyé au Congrès un projet de loi historique visant à légaliser l'avortement. Une session massive au Sénat s'est terminée par l'approbation par les sénateurs de ce projet de loi, qui était auparavant passé par la chambre des députés du pays, 38 contre 29, avec une abstention. L'adoption du projet de loi permet à toute personne qui en a besoin de recourir à l'avortement jusqu'à 14 semaines de grossesse ; auparavant, l'avortement n'était légalement possible qu'en cas de viol ou d'urgence médicale.

Écrire pour les droits 2020

En novembre 2020, Amnistie internationale a lancé la 19e édition de sa campagne « Écrire, ça libère », et a reçu des centaines de milliers de lettres, de mails et de tweets pour soutenir dix personnes et groupes luttant pour les droits humains dans le monde entier. Des personnes comme Gustavo Gatica, Nassima al-Sada et les 3 de l’El Hiblu poursuivent leur combat en 2021, la pression des membres et des sympathisants d'Amnestie étant essentielle pour les aider à obtenir justice.

Alors que le monde continue à lutter contre la pandémie de coronavirus, il est important de se souvenir, ainsi que de reconnaître et de savourer les victoires et les progrès qui continuent à être réalisés. À l'horizon 2021, il y a encore tant de combats à mener et tant de victoires à remporter.

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