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Des neuroscientifiques ont défini un indicateur objectif de l'état conscient

La conscience n'est pas seulement un concept abstrait : c'est aussi un phénomène physiologique que l'on peut désormais décrire de manière objective.

La conscience est un concept insaisissable très difficile à aborder. Et le fait que nous « perdions conscience » de manière régulière l'est encore davantage. Entre l'état conscient et l'état non conscient, on distingue tant bien que mal un effet de seuil très mystérieux qui n'apparait qu'au moment où nous passons d'un état à l'autre. Puis, très rapidement, ce bref de clairvoyance s'évanouit dans l'obscurité. Quand la lumière revient, en même temps que l'acuité de nos sens, la conscience est de nouveau de la partie. Accompagnée d'une terrible envie d'aller pisser. Ce rituel cognitif énigmatique, nous l'accomplissons chaque soir et chaque matin en passant du sommeil à l'éveil, et vice versa. Pourtant, à chaque fois, le sens de ce qu'est la conscience nous échappe.

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Tout cela m'a toujours semblé particulièrement tordu. Je fais très attention à mon corps et à son intégrité. Partant de là, la perspective qu'il puisse être étendu, là, sans « moi » à l'intérieur, est tout à fait terrifiante. Et ce que les sciences nous disent sur cette foutue conscience n'est pas beaucoup plus rassurant.

Jusqu'aux années 1980, la conscience n'était pas considérée comme un objet d'étude légitime pour les sciences expérimentales. Encore aujourd'hui, on en parle comme d'un concept ou r'une idée abstraite, et sa définition reste extrêmement instable. La plupart du temps, on l'aborde à l'aide des outils de la psychologie et non comme un phénomène physiologique rigoureusement défini.

Les neuroscientifiques travaillent pourtant d'arrache-pied à comprendre le pendant somatique de la conscience. À lui donner une dimension matérielle.

Dans une étude publiée cette semaine dans la revue Current Biology et marquant la collaboration de l'Université de Copenhague et de Yale, des chercheurs auraient identifié un « seuil métabolique » précis qui marquerait l'émergence de conscience chez un individu, ou plus précisément « l'activité énergétique minimale nécessaire pour qu'un individu soit conscient. » Lorsque ce seuil n'est pas atteint, la lumière reste éteinte.

Ce seuil correspondrait à 47% environ de l'activité métabolique normale du glucose dans le cerveau. Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont scanné 131 patients souffrant de maladies neurologiques diverses, et 28 patients sains à l'aide d'un système de tomoscintigraphie par émission de positons (TEP). Ce travail prolonge des études précédentes où les scans PET ont été réalisés sur des patients endormis ou anesthésiés.

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« Dans l'ensemble, chez les patients étudiés, l'activité métabolique nécessaire pour le retour ou le maintien l'état conscient est de 94%. Cela suggère que l'effet de seuil corrélé au retour à un état conscient ou inconscient est le même pour tous les individus, » expliquent les auteurs.

En outre, les analyses ont révélé que les variations extrêmes de l'activité métabolique (vers un taux très bas) indiquaient que le cerveau s'acharnait à préserver des modules cognitifs ou sensoriels spécifiques, comme ceux liés à la vision ou la compréhension du langage, tandis que l'état conscient s'évanouissait. Ce n'est pas une information décisive pour les gens qui s'endorment devant Netflix à minuit et demi, mais pour ceux qui dont la qualité de l'état conscient a été radicalement réduit suite à des lésions cérébrales, la compréhension de ce système de préservation cognitive pourrait avoir un impact important.

Pour les chercheurs, le prochain défi sera de tracer une ligne entre ce que l'on considère comme un état de conscience minimal et le syndrome d'éveil non-répondant : cela pourrait permettre de détecter, voire de prédire le « retour de la conscience » suite à un traumatisme crânien.

Cette méthode est « objective, simple à mettre en œuvre, et produit des résultats facilement interprétables, » expliquent les auteurs. « La corrélation directe entre le métabolisme du cerveau et le comportement de l'individu suggère que les troubles de la conscience (DOCs) peuvent être compris comme des pathologies neuroénergétiques. Cela nous fournit une base physiologique solide et uniforme pour étudier ces syndromes. »

Évidemment, cela ne résout en rien le problème de la conscience au sens général du terme, qui est en grande partie un problème philosophique. La définition de « l'état d'éveil » utilisé ici correspond à une version révisée de l'Échelle d'évaluation d'éveil de coma (Coma Recovery Scale-Revised - CRS-R) utilisée pour l'observation des fonctions visuelle, auditive et motrice, pour l'évaluation des capacités à la communication du patient, et pour l'évaluation de ses réponses à des stimuli. Tout cela est fabuleux pour la médecine clinique. Mais malheureusement, le fait qu'il existe un indicateur quantitatif de l'état conscient ne m'aide pas à me rassurer, le soir, quand je sens que ma conscience va mettre les voiles.