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Un traité contre les armes nucléaires sans les puissances nucléaires

La France refuse de signer un texte interdisant l'usage de l'arme nucléaire sous prétexte que "Le désarmement nucléaire ne se décrète pas, il se construit."
Opération Upshot-Knothole. Image : Wikimedia

Tremblez, guerriers atomiques. Vendredi 7 juillet, après trois semaines de négociations, 122 pays sur 192 ont adopté un projet de traité sur l'interdiction des armes nucléaires à l'ONU. Le texte, qui interdit de "mettre à l'essai, produire, fabriquer, acquérir de quelque autre manière, posséder ou stocker des armes nucléaires ou autres dispositifs explosifs nucléaires", sera ouvert à la ratification à compter du 20 septembre prochain et entrera en vigueur s'il est signé par au moins 50 pays.

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Malheureusement, il y a un os, un vrai : aucune des puissances nucléaires "officielles" - Etats-Unis, Russie, Royaume-Uni, Chine, France et Inde - ou "officieuses" - Pakistan, Corée du Nord et Israël - n'a participé aux négociations. Même le Japon, l'unique pays à avoir été frappé par l'arme atomique en 1945, ne s'est pas présenté la conférence. Quant au seul vote "contre" exprimé aux termes des débats, celui des Pays-Bas, il n'est pas surprenant : le pays est membre de l'OTAN, une organisation qui détient l'arme nucléaire.

Les puissances nucléaires se sont ouvertement opposées à l'initiative de l'ONU. Dans un communiqué publié le 7 juillet dernier, le Ministère des affaires étrangères français tacle sèchement le traité : "Il s'agit d'un texte inadapté au contexte sécuritaire international, caractérisé par des tensions croissantes et la prolifération des armes de destruction massive, dont témoigne notamment la menace nucléaire nord-coréenne." Il ajoute : "Le désarmement nucléaire ne se décrète pas, il se construit."

Le département d'État des États-Unis s'est lui aussi montré très dur : "Le désarmement nucléaire ne peut être décidé dans le vide", lance-t-il dans un communiqué daté du 7 juillet, avant d'affirmer que le traité risque notamment "d'aggraver les différends politiques" et "de saper les alliances qui rendent le monde plus sûr". Le Royaume-Uni a justifié son boycott en affirmant que le traité pourrait "affaiblir le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires" de 1968.

Les partisans du traité préfèrent le voir comme un symbole fort. Elayne Whyte Gómez, la Présidente de la Conférence, l'a qualifié de "message historique pour l'humanité". La Campagne internationale pour abolir les armes nucléaires (ICAN) s'est félicitée des réactions offusquées des détenteurs de la bombe atomique : "Les objections répétées et le boycott des négociations de bon nombre de puissances nucléaires montrent que ce traité a les moyens d'influencer significativement leur comportement et leur positionnement."

Deux hibakusha, des rescapés du feu nucléaire japonais, ont assisté à l'adoption du texte : Setsuko Thurlow, l'ambassadrice de la paix d'Hiroshima, et Toshiki Fujimori, le secrétaire général adjoint de Nihankyo, la Confédération japonaise de l'organisation des victimes des bombes A et H. Leur présence et le souvenir qu'ils portent n'ont manifestement pas suffi à convaincre les puissances nucléaires de remballer leur ogives. Allez, essayez un peu de comprendre le détachement de ces si hauts responsables : après tout, les civils seront sans doute les premiers à périr quand le bras de fer atomique tournera mal.

Entre 130 000 et 230 000 personnes sont mortes à Hiroshima et Nagasaki.