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Ce que veulent les jeunes qui s'inscrivent sur Tinder

Des soirées bondage avec des inconnus ? Des plans à douze sur des canapés d’angle ? Des friends with benefits avec une belle personnalité ? Vous êtes loin du compte.

"De mon temps, on allait au bal du village, on se lançait des regards enamourés et les choses allaient tout doucement", raconte pour la énième fois mamie Georgette devant un reportage de France 2 consacré aux applis de rencontre sur Internet. "De nos jours, les jeunes y copulent comme des bestiaux, y swaïpe des photos comme y disent, et dès qu'y voient un physique qui les inspire bien, hop, tout le monde s'en va sur le canapé-lit. Des fois y se réunissent à 4 ou 5 là-dessus, y z'ont même plus l'temps d'étudier. C'est les fabricants de lattes qui doivent être contents."

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Mamie Georgette est très inquiète pour ses petits-enfants depuis qu'on lui a expliqué qu'en 2017, les relations romantiques authentiques avait été remplacées par la copulation en série. Si l'on en croit les grands observateurs du déclin de l'Occident - aussi appelés éditorialistes - la technologie a tellement corrompu les relations humaines que les jeunes consomment l'amour comme on gobe un kiri.

Mais leur a-t-on demandé ce qu'ils faisaient de Tinder, aux jeunes ? Pas très souvent. La première étude sur les motivations des utilisateurs, publiée dans la revue Telematics and Informatics, a été publiée en avril 2016 et n'a pas été suivie par des études sociologiques conséquentes depuis. Les chercheurs ont étudié un échantillon de 163 Néerlandais entre 18 et 30 ans par l'intermédiaire d'un questionnaire en ligne, et analysé leurs motivations possibles : la recherche d'un partenaire amoureux, la recherche d'une relation sans lendemain, la recherche d'une meilleure aisance sociale, la validation sociale, la recherche de sensations fortes ou le désir un peu tiède de faire comme tout le monde.

Surprise, la quête de relations sexuelles était très loin d'être la motivation principale de nos jeunes swipers. Selon les chercheurs, "Tinder ne devrait pas être perçu comme une application dédiée aux coups d'un soir, mais comme une nouvelle façon d'initier des relations romantiques chez les jeunes adultes". Néanmoins, au vu de la taille de l'échantillon considéré et de son homogénéité, il était difficile de généraliser ces observations à l'ensemble de ces bons vieux Millenials.

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Plus récemment, une société américaine de crédit spécialisé dans les prêts étudiants, LendEDU, a étudié un échantillon de 3852 étudiants américains entre 18 et 24 ans (sachant que les utilisateurs de Tinder sont à 70% dans cette tranche d'âge), et noté que 70,8 % de ceux qui utilisaient Tinder régulièrement n'avaient jamais rencontré un autre utilisateur. Ils se contentaient de converser tranquillement avec leur match, pendant une période plus ou moins longue, sans doute pour éprouver les subtilités de leur pouvoir de séduction. Encore une fois, les deux premières motivations des individus interrogés étaient "l'amélioration de la confiance en soi" (44% des sondés) et "des raisons autres" (29,2%), c'est-à-dire ni romantiques, ni sexuelles.

Toujours pas de grosse étude scientifique en vue, mais les rapports se suivent, se ressemblent, et commencent à marquer une tendance. Ce mois-ci, une nouvelle étude pilotée par l'Institut Kinsey en association avec Clue, une application de suivi des symptômes menstruels (qui n'hésite pas à faire des Big data sur ses utilisatrices tous les quatre matins), a interrogé les jeunes sur les rapports entre leur sexualité et leur usage de la technologie a l'aide d'un questionnaire qui a reçu 140 000 réponses en provenance de 198 pays. Voilà un échantillon plus raisonnable.

Les résultats corrèlent les études précédentes : seuls 10% des utilisateurs, toutes nationalités confondues, se sont inscrits sur Tinder pour trouver un one-night stand. La motivation principale des utilisateurs Américains était "la recherche d'une relation sérieuse", tandis que 9% d'entre eux seulement étaient en quête de "relations sexuelles régulières mais non romantiques avec un partenaire." Enfin, les 18-20 sont, en proportion, plus nombreux à chercher des relations sérieuses que leurs aînés.

L'étude montre notamment que les jeunes ne sont pas du tout à l'aise avec les relations qui ne sont ni franchement sexuelles, ni franchement romantiques : le mythe du friend with benefits s'écroule ici, au pied d'un petit muret néo-conservateur assez étonnant. D'une manière générales, les représentations de la sexualité des jeunes que l'on trouve volontiers dans les films et séries - des chauds lapins ouverts d'esprit, polyamoureux, kinky, bisexuels, gangbangant le samedi et fôlatrant le dimanche matin avec leur partenaire n°3B - s'avèrent de plus en plus infondées. Elles seraient même totalement à côté de la plaque. Quoiqu'ils en disent, même lorsqu'ils simulent une vie folle et dissolue, les jeunes ont un idéal romantique en tête. Ce n'est ni alarmant, ni réjouissant : c'est comme ça.

De même qu'une étude très sérieuse publiée en novembre 2015 nous expliquait que les Millenials avaient eu moins de partenaires sexuels que leurs parents soixante-huitards au même âge, et qu'un article d'août 2016 renchérissait en rapportant que les 15-19 ans étaient deux fois plus susceptibles d'être sexuellement inactifs que leurs aînés, il est grand temps d'abattre les préjugés sur la sexualité de notre génération. La recherche active d'une relation romantique est toujours là, même si les modes opératoires, eux, ont changé. On ne cherche plus sa dulcinée parmi les robes virevoltantes d'un bal populaire, on swipe sans relâche des centaines et des centaines de selfies en faisant caca.

De toute évidence, la perception du "virtuel" et du "superficiel" est en pleine mutation. Mais n'en déplaise à tous ceux qui aimeraient que les Millenials soient des êtres paumés et peureux qui laisseront le monde sombrer dans les flammes sans lever le petit doigt, l'acharnement est toujours une valeur largement partagée. Quitte à passer très longtemps aux toilettes.