Commencez à économiser pour vos futures vacances sur la Lune

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Commencez à économiser pour vos futures vacances sur la Lune

Pour l'instant, seuls 7 multimillionnaires ont pu se payer un billet pour l'espace. Mais selon Frank Lehot, expert en tourisme spatial, nous irons peut-être bientôt en vacances sur Mars ou la Lune.

« Avant toute chose, il faut admettre que l'on parle de tourisme spatial parce que le terme est commode, surtout d'un point de vue médiatique, indique d'emblée Frank Lehot, diplômé en médecine aérospatiale, auteur de plusieurs ouvrages sur le tourisme spatial et instructeur de vol en apesanteur. Mais un « touriste spatial » n'a rien d'un touriste. Premièrement, c'est réservé à l'heure actuelle à un public extrêmement fortuné et très très restreint. Seuls 7 multimillionnaires ont pu se payer un billet pour l'espace ».

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Un ratio d'un touriste spatial pour 1 milliard, donc. On a vu destination plus envahie de touristes. « D'autre part, quand on dit partir en touriste, c'est partir les mains dans les poches. Alors que les sept chanceux dont on parle ont dû subir des entraînements difficiles, des exercices de survie en milieu extrême, etc ».

Et malheureusement, les prix ne sont pas vraiment partis pour chuter, et le voyage spatial pour tous n'est pas vraiment pour demain. « Le premier "touriste spatial", Dennis Tito, a dépensé près de 20 millions de dollars pour son vol de 7 jours dans la station spatiale internationale (ISS) en 2001 ». Le dernier touriste de l'espace, le Canadien Guy Laliberté a dépensé plus de 35 millions de dollars, en 2009. « Et ça augmente. Aujourd'hui, si vous voulez l'imiter, ça ne sera pas moins de 50 millions ».

Contrairement à la diminution attendue, le prix est encore plus exorbitant aujourd'hui. L'explication est simple. « À l'heure actuelle si vous voulez votre trip spatial, il n'y a que les Russes qui proposent ça, explique Frank Lehot. Leurs fusées Soyouz sont en situation de monopole et ils en profitent. Mais à partir de 2017/2018, les Américains vont pouvoir recommencer à envoyer des hommes dans l'espace, et la Chine compte mettre en place sa propre station spatiale d'ici 2020. Le tourisme spatial va donc bénéficier d'un nouveau souffle et les coûts vont donc certainement diminuer. Mais le prix d'un voyage orbital se comptera toujours en millions ».

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Toutefois, d'autres alternatives s'offrent à ceux qui ne sont pas millionnaires (mais riches quand même). « Ce qui se profile, c'est une vraie perspective de démocratisation du vol suborbital. Démocratisation toute relative, parce que ces "sauts de puce" coûteront entre 200 000 et 250 000 euros. Une somme qui reste très importante, mais qui rend tout de même l'espace bien plus accessible que les dizaines de millions à allonger pour un vol orbital ». Ces vols suborbitaux sont envisageables dans un futur très proche, et de nombreuses entreprises privées comme Virgin Galactic, Xcor ou Blue Origin sont d'ores et déjà positionnées sur le marché. SpaceX semble à l'heure actuelle plutôt focalisée sur Mars et la coopération avec la NASA.

« Pour l'instant c'est Blue Origin qui tient la corde, précise Frank Lehot. L'entreprise de Jeff Bezos, également patron d'Amazon, a en effet « entamé une petite révolution avec son petit vaisseau New Shepard, qu'il a déjà réutilisé 4 fois ». Les fusées réutilisables ainsi qu'un marché estimé à près d'un milliard de dollars offrent de belles perspectives aux vols suborbitaux dans les années à venir.

C'est à plus long terme que les choses commencent à devenir intéressantes.« Robert Bigelow et ses modules gonflables peuvent ouvrir des perspectives intéressantes de démocratisation de l'espace, poursuit Frank Lehot. Il en a déjà amarré un à la station spatiale internationale (ISS) et souhaiterait développer à terme des hôtels spatiaux, sortes de stations spatiales privées à but commercial ».

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Installation to ingress, Intl. Space StationJune 17, 2016

La station spatiale internationale devrait cesser toute activité d'ici 2024 (elle pourrait être reconduite jusqu'en 2028) en raison de l'arrêt du programme par Barack Obama, du désengagement russe et de la volonté de la Chine de jouir de ses propres stations spatiales. L'arrêt de l'ISS marquera donc la fin d'une époque, mais aussi le début des stations privées ouvertes au public. « Et les modules de Bigelow participeront à cette nouvelle ère. Ils sont moins chers et plus solides que ce qui existe aujourd'hui. Si le test avec la station spatiale est concluant, le premier hôtel spatial privé verra le jour assez rapidement, estime Frank Lehot. Avant d'ajouter qu'il y « en aura peut-être d'autres, mais cela prendra probablement une décennie supplémentaire. Quoi qu'il en soit, tout va se décider dans la décennie 2020/2030, quand tous les acteurs auront pris leurs marques. En matière d'exploration spatiale, cette décennie va être passionnante ».

Mais ces modules ne sont pas uniquement destinés à flotter dans l'espace.« Il y a la possibilité de les assembler à la surface d'une planète par exemple, ou de la Lune ».

Le projet de l'ESA (agence spatiale européenne) d'établir une base lunaire pourrait donc considérer ces modules. « Même si pour l'instant c'est plus un concept qu'autre chose, précise Frank Lehot. D'autant que les acteurs de l'espace sont divisés au sujet de la Lune. Certains, notamment chez les Américains, ne voient pas l'intérêt d'y retourner. D'autres y voient en effet la possibilité d'y établir une base avant d'aller explorer plus loin ».

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Mais avant d'y établir une base, tout cela repassera certainement par de l'orbital. « Il y a notamment le projet de Space Adventures [l'entreprise qui a déjà envoyé dans l'espace les "touristes" cités plus haut], qui entend faire du tourisme circumlunaire ». Moyennant une somme se situant autour des 150 millions de dollars (une broutille), vous pourrez donc vous payer un tour de Lune avant de rentrer sur Terre. Toutefois, ce projet, dont le premier vol devait avoir lieu en 2018, prend du retard et pourrait être dépassé par celui de Virgin Galactic, qui s'est fixé comme limite 2043 pour effectuer son premier tour de Lune.

Une date qui semble plus raisonnable à Frank Lehot : « Dans les 50 prochaines années, le vol orbital se développera, et après seulement, des expéditions sur le sol lunaire pourront être envisagées. L'alunissage, c'est une toute autre logistique, et des coûts bien plus élevés. Mais la Chine veut y aller, l'Europe veut y aller, donc à partir du moment où il y aura une base internationale, c'est tout à fait possible qu'elle soit un jour ouverte au public ».

Mais si la Lune est envisagée, c'est avant tout comme une première étape avant Mars, la destination qui fascine autant les agences publiques que les entreprises privées, SpaceX en tête. Son dirigeant, Elon Musk, peu avare en déclarations fracassantes, n'a jamais caché son but ultime d'implanter des colonies humaines sur la planète rouge. Le 28 septembre, il a encore annoncé qu'il espérait que « plus d'un million de personnes habitent sur le planète Mars d'ici 2060 ».

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« Évidemment, quand Elon Musk annonce qu'il veut envoyer des colons par centaines sur Mars d'ici 2030/2040, ça laisse perplexe. Mais en même temps, quand on se remémore les succès de SpaceX, on constate que Mars n'a jamais été aussi envisagée qu'aujourd'hui ». Pour Frank Lehot, c'est précisément l'incursion du secteur privé dans le spatial, ainsi que « le culot d'Elon Musk », qui rendent ce voyage envisageable. « Jusqu'à maintenant, on pouvait considérer que le privé suivait les voies ouvertes par les agences publiques. Mais les réussites récentes de SpaceX peuvent donner à Musk l'initiative. D'autant qu'a priori, les agences vont désormais se consacrer à l'exploration de l'espace profond et à des missions scientifiques plus "nobles". Pour une question d'image, on a du mal à imaginer la NASA développer un programme de tourisme ».

Mais peut-on encore parler de tourisme spatial lorsque l'on parle de colonisation de Mars ? « Bien sûr, ce seront au départ des chercheurs, des scientifiques, pas vraiment des touristes [voir plus haut], mais durant la deuxième partie de ce siècle, si ces projets fous aboutissent, une ouverture de Mars au public sera envisagée ».

Parmi les projets fous liés au tourisme spatial, l'idée d'un ascenseur spatial a très souvent fait irruption. « Je suis beaucoup plus circonspect concernant l'ascenseur spatial. L'idée serait de tendre un câble de 96 000 km dans l'espace pour pouvoir monter des charges utiles, voire des humains. Scientifiquement, mathématiquement, ça tient la route, c'est parfaitement validé. Mais on ne maîtrise pas encore la technologie qui nous permettrait de mettre en place ce projet », souligne Frank Lehot.

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Un concept d'élévateur spatial de la NASA.

L'entreprise japonaise Obayashi Corp se penche sur ce projet depuis de nombreuses années et bloque encore sur la composition des nano-tubes, principaux composant de ce câbles. « Ils devront être légers et capables de résister à des forces importantes, pour l'instant ça n'est pas au point techniquement. Il ne faut pas l'écarter, mais ça n'est pas un projet sur lequel on pourra compter avant au moins 2050 ».

« En plus réalisable, il faut ajouter les projets de vol en ballon à très haute altitude. On décolle à plus de 25/30km de la surface du sol. De là on peut voir la courbure de la Terre et entrer dans la stratosphère. Là le budget sera sûrement de l'ordre de 80 000 à 100 000 euros ». [Frank Lehot estime que les chiffres avancés, notamment dans la vidéo ci-dessous sont probablement sous-estimés. Mais le procédé est bien le même.]

Et enfin, « il y a bien sûr le vol parabolique, ce que nous faisons avec AirZero-G. C'est la solution la moins coûteuse [environ 6 000 euros] pour toucher du doigt la sensation d'apesanteur, pour ressentir ce que ressentent les astronautes. Je dirais que nous sommes la première marche de l'escalier. Évidemment, tout en haut il y a Mars. Mais aujourd'hui, c'est ce qu'il y a de plus abordable et de plus réalisable ».

Que ces projets aboutissent ou non, dans les temps annoncés ou non, ils sont pour Frank Lehot indispensables à l'humanité. « Notre civilisation a besoin d'explorer, de s'engager dans un grand projet mondial. Et nous avons aussi besoin de rêver. L'exploration spatiale permet de le faire. Imaginez que l'on ait un jour une base lunaire, on verra alors les étudiants se ruer dans les universités de physique ou d'astrophysique ! »

Autrement dit, si vous n'avez pas commencé à économiser pour votre voyage spatial, il vous reste la fac. À condition de pas y aller en touriste.

Cet article a été publié originellement sur Nom de Zeus, l'excellent site de Pierre Belmont.