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On sait enfin pourquoi la vue des astronautes se dégrade

Depuis des années, la NASA est impuissante à expliquer un mystérieux phénomène : la baisse brutale de l'acuité visuelle chez les astronautes embarqués sur des missions de longue durée.
Michael Hopkins, astronaute de la NASA, effectuant des examens de l’œil par ultra-sons au Columbus Laboratory sur l’ISS. Il est assisté par Luca Parmitano, astronaute de l’ESA. Image : NASA

Depuis des années, la NASA est impuissante à expliquer un mystérieux phénomène : la dégradation de la vue des astronautes embarqués sur des missions de longue durée. En effet, la plupart des astronautes ayant passé plusieurs mois consécutifs dans l'espace ont constaté que leur vue baissait, lentement mais sûrement. À leur retour sur Terre, l'examen médical révélait que la zone arrière de leurs globes oculaires avait été légèrement écrasée et aplatie au cours de leur voyage.

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Cependant, de nouvelles recherches présentées cette semaine fournissent une réponse partielle à l'origine de cette maladie : la pressurisation du liquide cérébro-spinal. Noam Alperin, chercheur à l'Institut de cerveau Evelyn F. McKnight de l'Université de Miami, vient de présenter les résultats de son équipe. Les chercheurs ont étudié 16 astronautes, et mesuré le volume de liquide céphalo-spinal présent dans leur cerveau avant et après le vol spatial. Le LCS permet de protéger votre cerveau lorsque que vous vous déplacez, vous levez, vous couchez, et d'amortir les chocs qui pourraient l'endommager.

Alperin et son équipe ont constaté que les astronautes qui avaient séjourné dans l'espace pendant six mois ou plus avaient accumulé une quantité inhabituelle de LCS autour de l'œil, contrairement aux astronautes qui n'avaient quitté la Terre que pour une courte période (environ deux semaines). À cette occasion, les chercheurs ont également conçu une nouvelle technique d'imagerie pour mesurer avec précision « l'aplatissement » des globes oculaires des sujets suite à un séjour spatial.

L'idée est que, sans l'aide de la gravité, le fluide n'est pas tiré vers le bas, et ne peut se répartir de manière uniforme. Il s'accumule donc au niveau de la cavité de l'œil, ce qui occasionne une pression inhabituelle. Progressivement, cette pression va déformer l'œil et causer des dommages visuels, ce que l'on nomme désormais Syndrome de la pression intracrânienne (VIIP). Il est probable que certaines personnes sont plus disposées que d'autres à connaître ce syndrome, sans doute en raison de la forme de leur crâne. Cela pourrait expliquer pourquoi quelques rares astronautes n'ont pas connu le VIIP. Selon Alperin, ces résultats suggèrent que n'importe qui pourrait faire l'expérience d'un VIIP après un séjour prolongé dans l'espace.

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« Nous avons observé des changements structurels au niveau du globe oculaire, mais seulement dans le groupe qui est resté plus de six mois dans l'espace » explique Alperin par téléphone. « Ces changements ont été associés à l'augmentation des volumes du LCS. Notre conclusion est que le CCA joue un rôle majeur dans la formation du problème. »

Les résultats n'ont pas été publiés dans un journal à comité de lecture, mais Alperin m'a confié que son article a été récemment accepté par une revue de ce type, et sera publié prochainement. Selon Scott M. Smith, directeur du Laboratoire de biochimie nutritionnelle de la NASA au Centre spatial Johnson, qui étudie le phénomène de la perte de vision depuis six ans, ces résultats correspondent à des hypothèses déjà formulées par des scientifiques par le passé.

« Nos recherches sont cohérentes avec ce que pense la communauté scientifique » ajoute Smith.

De nombreux astronautes ont fait l'expérience déroutante de cette baisse de la vue inexpliquée après avoir passé plusieurs mois sur la Station spatiale internationale, passant d'une vision parfaite de 10/10 à 2/10 en seulement six mois. Les chercheurs se sont beaucoup inquiétés de ce syndrome dans la mesure où le futur vol habité vers Mars, dans les années 2030, nécessitera neuf mois de voyage. Nous ne pouvons pas prendre le risque que l'équipage devienne aveugle durant au cours du trajet.

« La NASA a établi un classement des risques pour la santé des astronautes, et les deux premiers sont les radiations et les maladies de l'œil » explique Smith. « Certain rangeraient volontiers la perte de la vision en rang 1, parce que c'est un risque dont les implications à long terme sont extrêmement incertaines. »

Mieux nous comprendrons ce syndrome, plus nous serons à même d'en atténuer les effets. L'équipe de Smith effectue actuellement des essais cliniques afin de déterminer si le syndrome des ovaires polykystiques – qui, en dépit de son nom, peut se produire chez les hommes – pourrait avoir des effets sur la vision. Cette recherche pourrait nous aider à expliquer quelles personnes sont les plus à risque de développer un VIIP.

Le traitement qui sortira de tout cela pourrait emprunter diverses formes : un médicament, un dispositif mécanique permettant de répartir le fluide cérébro-spinal dans le cerveau, etc. Il se serait dommage de se brûler les ailes pour avoir approché Mars de trop près.