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15 ans après sa sortie, "Rez" est toujours le plus beau jeu du monde

15 ans après y avoir posé mes premiers doigts et après y avoir passé des centaines d'heures, je suis encore convaincu d’une chose. Rez est toujours le plus beau jeu vidéo du monde. ​​

En 2001, j'avais complètement lâché les jeux vidéo. La sortie de la Playstation 7 ans plus tôt m'avait plongé dans un profond désarroi duquel je ne tirais aucun émerveillement, et ma Nintendo 64 US – donc zonée – m'avait empêché de jouer à tous les jeux que je voulais. J'étais passé à côté de la Jaguar, de la Saturn, et je n'avais pas l'argent pour m'offrir une Dreamcast qui me faisait pourtant sacrément de l'œil, surtout à cause de sa carte mémoire qui permettait d'élever un petit Godzilla. Je m'empêchais cependant de m'y intéresser, sachant qu'elle ne serait jamais mienne, d'autant qu'en 2001, Sega s'était cassé la gueule, et trois ans après sa sortie, la Dreamcast tirait sa révérence.

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A l'époque pourtant, trois éléments m'ont sorti du trou, éveillant en moi une excitation que je n'avais pas ressentie depuis bien longtemps : Metal Gear Solid 2, Katamari Damacy, et… Rez.

Autant je n'avais eu besoin de personne pour être au courant de la sortie de la Playstation 2 et de Metal Gear Solid, autant j'avais eu besoin d'un pote pour me dire qu'il se passait des trucs à côté des blockbusters, et que le jeu vidéo connaissait quelques mutations intéressantes. En 2002, la scène indé telle qu'on la connaît aujourd'hui en était à ses balbutiements, et sur consoles, il fallait encore compter sur les gros éditeurs pour prendre des risques et mettre en avant des propositions de jeu singulières. Et parmi celles-ci, le jeu de Tetsuya Mizuguchi se détachait d'autant plus qu'il s'adressait intimement au fan de Tron et de 2001 qui sommeillait en moi. Bien plus que l'amateur de rave auquel le créateur japonais rendait pourtant le plus beau des hommages. Si vous n'avez jamais joué à Rez, il serait peut-être de bon ton de vous en apprendre les principes. Mizuguchi lui-même voulait proposer un jeu qui mette en avant le principe de synesthésie qu'il avait lui-même expérimenté en rave. En termes de gameplay, Rez est un rail shooter dans lequel le joueur incarne une entité évoluant en fonction des items qu'il récupère en shootant des vagues d'ennemis apparaissant au rythme de la musique qui l'entoure, à laquelle ses tirs viendront ajouter des sons percussifs. Passant de simple bit à silhouette humaine, le sprite traverse des espaces géométriques souvent abstraits, composés de polygones filaires et de textures minimalistes plaqués sur un fond noir abyssal, évoquant autant la direction artistique de Tron que le trip final de 2001. Le tout au rythme d'une techno jap pas toujours heureuse, mais qu'importe, parce qu'au final le fait était là : en 2001, à part Tempest 2000 sur Jaguar et Internal Section sur PS1, deux jeux relativement obscurs auxquels il doit effectivement beaucoup, Rez ne ressemblait absolument à rien de ce qu'on pouvait trouver sur consoles.

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Et non seulement il ne ressemblait à rien, mais l'expérience immersive qu'il proposait était unique. Ce jeu m'avait retourné la tête, et ce faisant, il m'avait poussé à m'intéresser à nouveau aux jeux vidéo en m'offrant de nouvelles perspectives. Aujourd'hui, je dirais le plus candidement du monde que Rez m'a montré qu'on pouvait faire du jeu vidéo abstrait. Et puisque je sortais d'années 90 bercées aux sons de Warp, Reflex et A-Musik, couronnées par un DEUG en art vidéo, Rez obéissait au plus près à ce que je pouvais attendre, pas seulement d'un jeu, mais d'une oeuvre d'art. Pendant des années, Rez m'a obsédé. J'ai chopé une Dreamcast pas cher pour pouvoir jouer à sa première version – moins intéressante que la version PS2 parce que la manette ne vibrait pas au rythme du kick, un détail particulièrement important pour quiconque prendrait le jeu en main – et j'y ai joué des heures avant de revenir sur sa version PS2. J'ai dû refaire le premier niveau – qui reste un des plus beaux du jeu, mais contient aussi sa meilleure piste - 100 fois, les autres un peu moins. Pour arriver au niveau 5 à chaque fois, parfois en un run complet, parfois en sautant directement au 5, et finir par bloquer sur le boss final. Toujours. Je voyais apparaître la princesse diaphane que je devais délivrer, coincée au centre de cette couronne lumineuse et menaçante, apparaître au fur et à mesure de mes « locked », mais à chaque fois, le fœtus cosmique que j'étais devenu régressait au stade de bit balbutiant avant de se faire éliminer par un polygone triangulaire fatal balancé par l'ultime gardien du jeu.

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A la mort de ma dernière télé cathodique, je me suis retrouvé démuni. La trame apparente des vieux téléviseurs se prêtait particulièrement bien aux graphismes Vectrex 2.0 de Rez, qui devenaient ultra baveux sur un moniteur HD. J'ai lâché ma manette quelques mois, le temps qu'une version HD apparaisse sur 360. Je l'ai évidemment chopée et j'ai replongé dans son univers raffiné par la HD. Rien n'avait changé, mais ça ne m'a pas empêché d'y jouer à nouveau des heures, sans chercher le score, juste pour le plaisir d'arpenter à nouveau ses couloirs filaires et colorés qui ressemblaient un peu aux souvenirs que j'aurais pu avoir de mes rêves. Depuis, de nombreux studios avaient à la fois repris le principe de jeu trip et l'univers visuel de Rez. Des jeux musicaux pour la plupart, plus ou moins réussis, mais aucun ne s'élevait au niveau du jeu de Tetsuya Mizuguchi - qui lui-même, avait du mal à sortir de sa propre empreinte – et de son D.A., Katsumi Yokota. Des jeux comme Meteos sur DS, ou Lumines sur PSP étaient réussis. Mais aucun n'atteignait la majesté de Rez. Même son Child of Eden, suite officieuse de Rez sortie sur Kinect, avait perdu quelque chose de l'abstraction divine de son aïeul.

Et pourtant, malgré les heures passées à éradiquer ses bugs fractals, arrivait toujours le moment où je me retrouvais face au boss final, sa couronne d'épines, et mon incapacité à le réduire à 0. J'ai beau être un joueur médiocre, il n'y avait aucune raison de ne pas réussir à franchir cet ultime obstacle, Rez ne se traînant pas la réputation d'un jeu particulièrement difficile. Avec le recul, j'imagine que quelque chose en moi refusait simplement de le finir. Refusait de fermer la porte de son univers. Ne pas le finir sous-entendait que j'aurais toujours une bonne raison d'y revenir. Une bonne raison de replonger, autre que le simple frisson esthétique et trop futile pour honorer sa noblesse, et surtout, les souvenirs que j'avais emmagasinés depuis près de 10 ans.

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Puis la semaine dernière, j'ai enfin fini Rez.

Quand j'ai appris il y a quelques mois que Sony comptait sortir le jeu sur son casque de réalité virtuelle, mon sang n'a fait qu'un tour et je suis allé réserver l'onéreux gadget dans ma boutique de jeux vidéo. Evidemment, mes potes se sont foutus de ma gueule, mais qu'importe le prix. Plonger dans Rez n'en avait évidemment pas à mes yeux, dus-je m'endetter des mois pour pouvoir le faire. Dus-je ne choper ce casque idiot que pour profiter de cette expérience. Une expérience pour le moins gratifiante, puisqu'à sa sortie, Rez était le seul jeu à pouvoir se projeter à résolution maximale dans le Playstation VR. Et une expérience évidemment extatique puisqu'elle permettait d'apprécier le jeu dans ses moindres recoins, avec des vibrations de manettes parfaitement immersives, enfin dignes du « Trance Vibrator » que je n'avais jamais pu tester, des visuels revisités subtilement, et des mouvements de caméras vertigineux. J'ai à nouveau parcouru ces niveaux que je connaissais par cœur, mais que je redécouvrais. Certains plusieurs fois. Avant d'arriver au niveau 5 qui me mènerait à l'inévitable boss final, que j'appréhendais, pas par peur qu'il me batte à nouveau, mais par peur de le battre enfin et d'en finir une bonne fois pour toute avec une obsession vieille de 15 ans. Alors que je parcourais la nature numérique qui anime ce Level 5 cher à Chris Marker, je craignais de mettre un point final à cette relation que j'entretenais avec ce jeu, plus longue, plus fidèle et plus loyale que n'importe laquelle de celles que j'avais entretenues avec un autre jeu, Metal Gear Solid inclus.

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Puis j'ai battu ce boss du premier coup. Comme si j'étais fin prêt à retourner contre le sein de ma mère numérique, que j'avais enfin fini par délivrer. Un final d'autant plus marquant que j'avais réussi à conserver mon allure de fœtus cosmique. Mais un final déroutant par son manque d'artifice. Un générique déroulant. Une accolade à Vasily Kandinsky. Et voilà. Fin. Ou presque.

Outre découvrir le mode Trance Mission hypnotique, version ascétique, abrasive et glitchy de Rez que, je ne sais pas comment, je n'avais jamais débloqué – mais peut-être simplement parce que je n'avais jamais fini le jeu – Rez Infinite, sa dernière itération, s'ouvre sur l'Area X, un niveau dédié à la navigation en réalité virtuelle. Celui-ci se débloque à la fin du niveau 4 il me semble, mais je n'y ai pas encore plongé.

Depuis quelques jours, je me demande pourquoi je n'ai pas fini Rez plus tôt, si c'était pour le finir aussi simplement en réalité virtuelle. Le jeu ne m'a pas semblé spécialement bridé. Je ne suis pas spécialement un meilleur joueur en 2016 que je ne l'étais les années passées. J'imagine, simplement, que le moment était arrivé. Peut-être parce que Rez Infinite est la version ultime de Rez et que c'est dans ces conditions seulement, en étant immergé dans ses lignes de code colorées sur fond noir, que je devais finir ce premier voyage avant de plonger dans l'Area X.

Je me suis renseigné au préalable. Ce que je pensais être une zone infinie – puisqu'après tout, c'est le titre de cette version du jeu – a en fait une fin. Je ne sais pas combien de temps il me faudra pour arriver à celle-ci, ou plutôt combien de temps il me faudra pour oser l'affronter, mais pour le moment, je vais continuer de savourer les 5 premiers niveaux du jeu que je ne connais que trop bien. Maintenant que je les ai tous traversés, j'ai encore plein de modes de jeux à découvrir, et visiblement, une tonne de trucs inutiles à débloquer, avant de plonger dans sa nouvelle zone. Et bien que je l'aie enfin terminé, et malgré mes je ne compte plus d'heures dessus, je prendrai toujours autant de plaisir à y retourner, parce que 15 ans après y avoir posé mes premiers doigts, je suis encore convaincu d'une chose. Rez est toujours le plus beau jeu vidéo du monde.