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Le Canada convertit ses parcs naturels en parcs à thème

Même au Canada, patrie de la vie sauvage, le divertissement passe avant les grizzlies.

Les parcs nationaux canadiens, pourtant très réputés pour la richesse de leurs paysages et de la vie sauvage qu'ils abritent, sont lentement mais sûrement convertis en « parcs à thème. » Cela signe la défaite des politiques de défense de la biodiversité et des milieux naturels au profit des intérêts commerciaux et du tourisme de masse, explique le rapport d'un groupe de surveillance national. Il accuse Parcs Canada, l'organisme responsable de la gestion et de la protection de ces territoires inestimables.

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Prenons le cas du parc national Jasper, à Alberta : en 2012, Parcs Canada a approuvé la construction du « Glacier Skywalk, » une immense passerelle permettant de profiter d'une vue spectaculaire depuis les hauteurs. Ici, le concept de « panorama public » a été abandonné au profit de celui d'« attraction privée » malgré les vives protestations des Canadiens, explique un nouveau rapport de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP).

On peut également citer le cas de Mother Canada, le monument abominable qui devait être construit au Parc national des Hautes-Terres-du-Cap-Breton dont le projet a été interrompu in extremis sous le nouveau gouvernement libéral.

« Au cours de la dernière décennie, nous avons observé un changement radical dans la manière dont Parcs Canada gère ses parcs, sans préoccupation aucune pour la protection de la nature. L'organisation ne se préoccupe que de développement et de marketing, » explique Alison Woodley de la Société pour la nature et les parcs du Canada (SNAP), et auteur du nouveau rapport. « Cette politique se fait au détriment de la nature qu'elle est sensée protégée. »

Un caribou près d'une route à proximité de Banff. Image: Andrew Bowden/Flickr

Woodley conteste la décision de Parcs Canada de s'engager dans le développement d'une série d'infrastructures « dans des villes déjà bondées des parcs nationaux grouillant de monde, risquant de mettre en péril les habitats sauvages. »

Le projet inclut l'expansion, très controversée, de la station de ski Louise Lake (approuvée en 2015), et de ce que le rapport qualifie « d'un mystérieux chemin pavé à 66 millions de dollars dédié aux vélos, » susceptible de passer à travers le territoire des caribous et des grizzlis.

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Le rapport ajoute que Parks Canada accuse les chiffres de la fréquentation des parcs nationaux en arguant que leur baisse justifie la construction de promenades et de routes pavées. Mais la SNAP précise que ces chiffres ont été très stables pendant les quinze dernières années, et n'ont souffert d'une baisse brutale qu'à de rares occasions, corrélées à l'actualité et à un sentiment d'insécurité (comme le 11 septembre 2001 ou la crise économique de 2008.)

« On ne peut pas lier la diminution du nombre de visiteurs ai désintérêt des gens pour nos parcs » réplique Woodley. En fait, au cours des deux dernières années, les visites à Banff ont augmenté de plus de 20%, dit-elle.

Woodley ajoute que le nouveau gouvernement semble prendre ce sujet très au sérieux (l'annulation du projet Mother Canada en est un symptôme majeur). Le Ministre de l'environnement examine actuellement les recommandations du rapport, qui consistent à laisser tomber le projet de piste cyclable, l'expansion de Lake Louise, et à favoriser la participation critique de chercheurs externes à toutes les décisions scientifiques du lieu. Enfin, le rapport conseille aux employés des parcs d'organiser « des programmes d'éducation à l'intégrité écologique. »

Parcs Canada a envoyé un communiqué à Motherboard, dans lequel il explique que « des limites de développement très strictes » protègent déjà « l'intégrité écologique » des parcs nationaux, et que tout projet est mené en concertation avec le public et les intervenants, y compris les groupes autochtones. (Pourtant, Woodley fait remarquer que le public est, dans les faits, rarement consulté, et que certains projets voient le jour malgré les protestations.)

Les parcs nationaux de Banff et Jasper ont accueilli plus de 6 millions de visiteurs l'année dernière ; pourtant 96 et 97% respectivement de la surface de ces parcs sont déclarées 'zones de nature sauvage', ce qui est sensé limiter leur fréquentation et leur exploitation. »

Tout ceci sera discuté par le gouvernement canadien cet automne.

Les Canadiens sont peu enthousiastes à l'idée de voir des sculptures et des installations discutables pousser dans leurs parcs nationaux : il n'y a qu'à voir l'indignation qu'a provoqué le projet Mother Canada, ou celle qui a suivi l'annonce de l'installation de points d'accès WiFi. « Les Canadiens veulent garder la nature intacte, explique Woodley, ou du moins de savoir qu'elle existe encore, là quelque part, en-dehors de la ville. »