Quand les gens s'emmerdent au feu rouge

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Quand les gens s'emmerdent au feu rouge

Le photographe Dan Bryant a capturé les expressions des conducteurs bloqués derrière leur volant.

Dan Bryant est un photographe australien qui aime capturer les expressions sur le visage des gens quand ces derniers se demandent pourquoi on les prend en photo. C'est exactement cet attrait qui l'a conduit à réaliser sa dernière série – des chauffeurs au volant de leur voiture, bloqués au feu rouge. Souvent, les gens qui attendent au feu chantent, se curent le nez, se maquillent, et parfois même se parlent entre eux. Avec toutes les autres personnes regroupées autour d'eux dans des voitures similaires à la leur, ils peuvent avoir le sentiment de se trouver dans un endroit privé et non plus sur la voie publique.

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Le travail de Dan souligne cette incohérence en créant une interaction directe entre le sujet et le spectateur. Ainsi, ses images montrent des visages capturés dans un moment de totale vulnérabilité et de grande confusion. Nous avons demandé à Dan de nous expliquer son projet et de revenir sur sa réalisation.

VICE : Vos photos illustrent souvent un sentiment d'incompréhension. Est-ce accidentel ou est-ce quelque chose que vous recherchiez ?
Dan Bryant : C'est un choix délibéré car, dès que vous demandez la permission à quelqu'un de le prendre en photo, son expression change. Ainsi, quand on ne demande pas la permission, les gens se disent « Pourquoi il me prend en photo celui-là ?! », ce qui donne une expression pleine de maladresse et de confusion. Et j'adore ça.

Pourquoi aimez-vous ça ?
Pendant un instant, le lien entre le photographe et le sujet devient étrange et intime. J'aime ça et, techniquement, ce n'est pas vraiment de la « photographie de rue ». Pour le puriste, la photographie de rue est l'illustration d'un moment de candeur lors duquel le sujet n'est pas au courant qu'il se fait photographier. C'est là que je diffère, car j'aime l'interaction avec le sujet. En regardant l'appareil, il regarde aussi le spectateur de l'action et est beaucoup plus engagé dans son expression.

Tout à fait. On lit dans leur regard qu'ils se disent : « Merde, il me prend en photo ! »
Oui. Il faut savoir que j'utilise aussi le flash, ce qui est encore plus envahissant.

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Est-ce éthique ? Y a-t-il certaines personnes que vous vous refusez à photographier ?
Je ne photographie jamais de sans-abri. Les sans-abri, les personnes handicapées et ceux qui ne peuvent pas se défendre ne m'intéressent pas. Il existe déjà trop de photographies de sans-abri, de sorte que je ne ressens pas le besoin de documenter ce sujet. Mais quand il s'agit de gens en costume ou de gens de l'élite, je trouve ça équitable. Cela dit, je tiens à souligner que j'essaye de ne jamais faire quelque chose de négatif et dépeindre les gens de manière négative intentionnellement m'est exclu. Je suis passionné par le réel ; c'est le principal.

Qu'essayez-vous de prouver avec vos photos de policiers ?
Avec ces photos, ils se retrouvent du côté où ils sont vulnérables. Je ne vais évidemment jamais les frapper ou les agresser mais il reste possible de rester tranquille et de les prendre en photo. Je ne dis pas cela de manière véhémente. Pour les énerver un peu, si je ne peux rien faire d'autre que prendre une photo, alors je vais prendre une photo.

Pensez-vous que la police vous considère comme une menace ?
Oui, ils perçoivent tout le monde comme une menace et c'est une partie du problème. Le gaz poivre est devenu leur premier recours aujourd'hui. Je me souviens de l'époque où ils n'avaient pas encore de spray et qu'ils devaient résoudre les problèmes par le dialogue. Désormais, les policiers ne prennent plus la peine de parler ; ils se contentent de vous asperger de gaz dès que vous décidez de résister.

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Toutes vos photos ont été prises dans le centre-ville. Pensez-vous que les résultats auraient été similaires si vous aviez fait ça en banlieue ? Vous pourriez obtenir les mêmes photographies dans les banlieues, là où le rythme n'est pas aussi soutenu ?
Cela a joué en ma faveur. La densité de gens aide vraiment. Grâce à la loi du nombre, ils se sentent en sécurité.

Vous avez pris vos photos à différents endroits de la ville ?
Oui, je vivais en banlieue chez ma mère. Pour faire ce que je fais, vivre dans la ville serait l'idéal… C'est comme la chasse. Je chasse les gens, mais pas littéralement. Je vais comme on va dans un safari, en espérant tomber sur un truc super. Je me suis rendu compte que, n'importe quel jour, quand je sors, ce jour pourrait être celui où je fais ma meilleure photo. J'y pense tout le temps.

Texte de Ashley Goodall. Retrouvez le travail de Dan sur Instagram.