Vol au-dessus de la ville du futur

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Vol au-dessus de la ville du futur

La ville de demain sera remodelée par les transformations profondes à l’oeuvre sur le marché du travail, l’apparition de nouveaux modes de transport et une plus grande inclusion des citoyens dans l’organisation urbaine.

Cet article a été réalisé en partenariat avec Planète+ pour la sortie de la saison 2 de "Rêver le futur". Le premier épisode de la série sera diffusé le 27 janvier 2017 à 20h55.

Dans les années 1950, on imaginait le futur peuplé de robots, de trains circulant la tête en bas, d'autoroutes gigantesques et de cabines téléphoniques. Les années 1980 faisaient la part belle aux voitures volantes, à l'esthétique cyberpunk et aux appareils surchargés de câbles et de gros boutons colorés. Difficile de prédire le futur, car les innovations les plus décisives sont, par essence, imprévisibles. Malgré tout, de nombreuses tendances aujourd'hui en pleine éclosion nous permettent de nous faire une idée. Faisons un petit saut en avant, disons, un petit peu plus d'une trentaine d'années, pour arriver en 2050. Sélectionnons une grande métropole, américaine, européenne, asiatique ou africaine, et prenons un peu de hauteur, pour observer la ville depuis les cieux, à l'aide d'un drone équipé d'une petite caméra, par exemple. Quel spectacle s'offre à notre regard ? Pour l'heure, il est encore tôt, le jour ne s'est pas levé, la ville est endormie, ce qui nous laisse tout le loisir de la contempler. Cette ville est grande, voire immense : en 2050, la Terre compte six milliards de citadins, et les dix plus grandes villes du monde recensent toutes plus de vingt millions d'habitants. Conséquence logique : la ville est aussi plus verticale. Les gratte-ciels se multiplient pour loger ces citadins toujours plus nombreux.

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En revanche, elle n'a rien d'un cauchemar bétonné : la ville du futur est verte, bien plus verte qu'aujourd'hui. D'imposants murs végétaux, lointains successeurs des travaux effectués par Wong Mun Summ et Richard Hasell à l'aube du XXIe siècle, recouvrent les façades des immeubles, produisant oxygène et bien-être. Sur certains immeubles, des murs d'algues assurent également le chauffage par photosynthèse. La ville compte enfin de nombreux parcs, nous y reviendrons.

Lentement, l'aube se lève, la nuit s'éclipse. La ville demeure silencieuse. Seul le cliquetis des camions assurant le ramassage des déchets nous parvient à l'oreille. Contrairement à leurs homologues de 2017, ceux-ci ne font pas le tour de la ville durant plusieurs heures. Des capteurs logés dans les conteneurs à déchet leur indiquent les poubelles qui doivent être vidées et celles qui peuvent attendre. Leur trajet est ainsi bien plus efficace. Les déchets sont ensuite recyclés pour produire de l'énergie.

L'implication des citoyens dans la planification urbaine

8h00. Le jour s'est levé, la ville s'éveille. Toutefois, pas de longues files d'embouteillages progressant au rythme des coups de klaxon. Depuis trente ans, le salariat a connu une perte de vitesse constante, au profit du régime indépendant. Résultat : la routine métro/boulot/dodo n'est plus une évidence. En outre, la ville est bien mieux organisée : la dichotomie centre-ville/quartiers résidentiels a fait long feu. Désormais, la ville est découpée en quartiers autosuffisants, contenant chacun des habitations, des commerces, des espaces verts et des activités économiques. Cette organisation plus rationnelle est permise par l'implication des citoyens dans l'organisation urbaine. Le projet CityScope, par exemple, propose aux habitants une maquette interactive de leur ville, composée de Lego, avec un jeu de couleurs dynamiques déployé en réalité augmentée. On peut ainsi ajouter ou retirer des briques représentant, tel ou tel type de bâtiment. Chaque modification entraîne un changement de couleur, signe du plus ou moins bon équilibre du quartier.

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Les espaces de travail collaboratifs remplacent les bureaux traditionnels

Si de nombreux individus travaillent de chez eux, la ville est également riche en options pour les indépendants qui préfèrent se sentir entourés. Outre les espaces de travail collaboratif (« coworking spaces » en anglais), qui sont présents un peu partout, on compte de nombreux « corpoworking spaces ». Locaux d'entreprises offrant également des espaces de travail pour les indépendants, ils permettent notamment de créer des synergies entre grands groupes et jeunes pousses. Lorsque le climat le permet, comme c'est le cas aujourd'hui, de nombreux individus optent pour le travail en plein air. Des stations consacrées spécifiquement à cet effet, réparties sur les places, dans les rues piétonnes et les parcs, peuvent accueillir une dizaine de travailleurs chacune. Elles proposent des sièges, des prises, une connexion wifi, et sont alimentées à l'énergie solaire. Elles comprennent également des capteurs analysant l'environnement (qualité de l'air, niveau sonore, humidité, température). Ces données sont recueillies par les pouvoirs publics, qui les utilisent pour améliorer l'organisation de la municipalité. En 2017, les prototypes du genre sont déjà sur le marché. Citons notamment le projet Matrioshka à Paris, ou encore le Strawberry Tree, à Belgrade.

Hologrammes et chaises modulables

Quittons un instant les hauteurs pour nous aventurer à l'intérieur d'un espace de travail collaboratif. L'expérience a de quoi dépayser. Ici, nul n'est assis devant son écran. Dans le bureau du futur, le siège est devenu modulable. Ergonomique, il permet de travailler dans différentes positions, assis, mais aussi debout, allongé, en biais… Les prototypes lancés au début du XXIe siècle, par la société Altwork, ou encore par les artistes hollandais du projet The End of Sitting, se sont aujourd'hui généralisés. Certains dispositifs, tapis roulants ou même roues de hamster géantes, permettent quant à eux de faire de l'exercice physique tout en travaillant. Les dommages causés par la position assise prolongée et le manque d'exercice physique ne sont plus qu'un mauvais souvenir. Tout comme les yeux fatigués par les écrans : l'avènement de la réalité augmentée a en effet sonné le déclin de ces derniers. Plutôt que de pianoter sur des ordinateurs, les travailleurs de 2050 portent des lunettes leur permettant de visualiser des surfaces holographiques en trois dimensions, qu'ils manipulent avec les mains ou à l'aide d'un clavier virtuel. Supports de présentation, traitement de texte, fiches de comptabilité peuvent ainsi être générés et modifiés à volonté : bienvenue à l'époque de l'Air computing, pour « augmented interactive reality computing » (informatique de la réalité augmentée et interactive), popularisé par des entreprises comme Atheer ou Microsoft. Certains voient déjà plus loin, et proposent de remplacer les lunettes par des lentilles de contact…

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Des taxis autonomes, électriques et partagés

Revenons à notre vue d'ensemble. Si la circulation est bien plus fluide qu'aujourd'hui, ce n'est pas seulement parce que moins de personnes font matin et soir le trajet entre leur domicile et leur travail ( « commute » en anglais). En 2050, le modèle de la voiture individuelle appartient également au passé. La plupart des citadins ont abandonné cette relique du XXe siècle au profit des taxis autonomes, électriques et partagés qui sillonnent en permanence la ville de demain. Un modèle popularisé par les travaux de Marcelo Ang, de l'Advanced Robotic Center, à Singapour ; de Ryan Chin, du MIT Media Lab ; ou encore du programme suédois Drive Sweden, dirigé par Jan Hellaker.

Un ordinateur n'étant jamais fatigué, ces véhicules ne font jamais de pauses : ils peuvent donc assurer un service de transport permanent, et n'ont pas besoin de se garer. Des visites occasionnelles au garage pour s'assurer que la machinerie fonctionne s'avèrent suffisantes. Le besoin de places de parking s'en trouve du même coup drastiquement réduit. Au début du XXIe siècle, ceux-ci devenaient un véritable problème, occupant, dans certaines grandes villes, comme Los Angeles, jusqu'à 15% de l'espace public. La plupart d'entre eux ont pu être remplacés par des espaces verts, des places publiques, des écoles, des habitations… Comme les véhicules autonomes respectent à la lettre le Code de la route, ont toujours leurs sens en éveil et ont une vision à 360 degrés, le nombre d'accidents s'en trouve considérablement réduit. Tout comme la quantité de véhicules sur les routes, qui a été en moyenne divisée par cinq dans toutes les grandes métropoles, les taxis permettant d'emmener plusieurs utilisateurs à bon port en un seul trajet. Citons enfin la réduction de la pollution atmosphérique et sonore permise par les moteurs électriques. Les véhicules ont eux-mêmes changé de forme, pour s'adapter à cette nouvelle réalité : pouvant accueillir entre cinq et dix personnes en moyenne, ils offrent un compromis entre voiture et minibus. Les passagers profitent du trajet pour travailler, lire, ou regarder des films.

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Auto-suffisance alimentaire en milieu urbain

L'heure avance, la pause déjeuner approche. On se presse dans des restaurants où la cuisine est effectuée à partir de produits locaux, récoltés sur les murs végétaux qui ornent les façades des immeubles, ou dans les jardins publics situés à l'intérieur, sur les toits et dans les parcs. La ville du futur produit elle-même la majorité des denrées alimentaires qu'elle consomme. De nombreux services de restauration rapide ont entièrement robotisé la confection de leurs plats. Le service est en revanche toujours assuré par des humains. Certains profitent de leur pause pour s'offrir un peu de bon temps : d'outil de travail, les lunettes de réalité augmentée deviennent un accessoire ludique, permettant de jouer à des jeux vidéo immersifs. Des techniques capturant les émotions faciales d'acteurs humains pour les retranscrire sur des personnages virtuels rendent ces derniers ultra-réalistes, d'autant que la réalité augmentée donne le sentiment d'être totalement plongé dans un autre monde.

Des réunions transformées par l'intelligence artificielle et la réalité augmentée

La pause déjeuner terminée, retournons jeter un oeil à l'espace de travail collaboratif, que nous avons déjà visité dans la matinée. Une réunion importante s'y prépare. L'enjeu : installer une oeuvre d'art vivante et interactive au coeur de l'une des places les plus fréquentées de la ville. A l'entrée, les participants sont accueillis et conduits jusqu'à la salle de réunion par Arnold, lointain descendant des robots Pepper et Roméo, de la Softbank Robotics. Doté d'une intelligence émotionnelle de pointe, le robot anticipe également les besoins des différents participants, leur offre du café et distribue les documents nécessaires au suivi de la réunion. Chaque participant est à l'heure : en 2050, les travailleurs disposent tous d'un assistant virtuel, qui s'occupe notamment de la gestion de leur agenda. Réunions et rendez-vous sont pris automatiquement par ces intelligences artificielles personnalisées, qui croisent les données des agendas des participants pour trouver un créneau correspondant à chacun. Deux heures avant la réunion, tous ont reçu un rappel de leur assistant virtuel indiquant l'heure, le lieu de la réunion et le moyen le plus commode de s'y rendre, combinant les différentes options de transports disponibles assorties des horaires en temps réel. Alors que la réunion s'apprête à débuter, tous viennent également de recevoir un rappel concis de l'ordre du jour.

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La réunion peut commencer. Chacun enfile ses lunettes de réalité virtuelle. Aussitôt, en plus des différents supports de présentation digitaux, tous voient se matérialiser plusieurs participants supplémentaires. Ces derniers, localisés dans d'autres villes, d'autres pays, voire sur d'autres continents, semblent aussi réels que s'ils étaient présents en chair et en os. Belle performance de la part des assistants virtuels : bien que rassemblant des participants vivant sur une demi-douzaine de fuseaux horaires différents, la réunion démarre sans une minute de retard !

Art vivant et reconstitutions historiques

C'est d'ailleurs l'un de ces hologrammes qui prend la parole en premier : celui d'Arthur Cheng, jeune artiste vivant sur Nausicaa, une cité-Etat flottante, localisée au large des côtes californiennes, projet né des rêves combinés de l'américain Peter Thiel et du japonais Masaki Takeuchi. Arthur Cheng défend l'installation d'une de ses oeuvres, une structure holographique en trois dimensions, qui « copie » les visages des spectateurs et les incorpore à un spectacle visuel haut en couleurs. La concurrence est rude : il doit imposer son projet contre celui de l'architecte italien Michele Toti, qui propose de son côté une reproduction numérique à couper le souffle des thermes de Caracalla. Pour défendre leurs projets respectifs, les deux concurrents font, dans leur argumentaire, la part belle aux masses de données ( « Big Data »). Les images issues des caméras filmant le lieu prévu pour l'installation permettent d'agréger un grand nombre de données anonymes sur l'attitude des passants. De leur vitesse de déplacement, on peut ainsi déduire que la majorité d'entre eux aiment fréquenter l'endroit pour flâner et regarder autour d'eux, ou au contraire foncent plutôt tête baissée vers leur destination…

Laissons de côté la négociation pour prendre une dernière fois notre envol. Le jour touche lentement à sa fin. Dans les bureaux et les foyers, les lumières s'allument les unes à la suite des autres. Celles de la rue, en revanche, fonctionnent par intermittence : tous les lampadaires sont équipés de capteurs de mouvements, et ne s'allument que lorsqu'ils détectent de l'activité. En 2050, même l'éclairage public est passé du prêt-à-porter au sur-mesure.

Cet article a été réalisé en partenariat avec Planète+ pour la sortie de la saison 2 de "Rêver le futur" et a été créé indépendamment de la rédaction de Motherboard. Le premier épisode de la série sera diffusé le 27 janvier à 20h55.