garde embryons
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Garde d’embryons partagée

Lors d'un divorce, qui obtient la garde du matériel génétique ?

Au printemps 2014, Ruby Torres, une avocate de 33 ans originaire de Phoenix, aux Etats-Unis, a appris qu’elle avait un cancer du sein bilatéral. Elle a rencontré un spécialiste de la fertilité début juillet pour savoir si elle pouvait préserver sa capacité à avoir des enfants avant la ménopause induite par la chimiothérapie. On lui a dit qu'elle n'avait qu'une seule chance – un seul cycle de fertilité – d'extraire des ovocytes avant le traitement dont elle avait besoin de toute urgence.

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À l'époque, la procédure était une science incertaine, même après l'avènement de la vitrification, une technique de congélation ultra-rapide des ovocytes, de nombreux ovocytes congelés non fécondés n'ont jamais survécu au processus de décongélation. On a donc conseillé à Torres de congeler des embryons à la place. Elle devait donc trouver du sperme. Immédiatement.

Elle fréquentait John Terrell depuis plusieurs années. Ils avaient une « bonne relation », du moins à ses yeux. Terrell a d'abord refusé d'être le donneur de sperme de Torres (l’idée de se branler dans un gobelet chez un médecin ne lui plaisait pas, se souvient-elle), mais il a fini par accepter après avoir appris que l'ex-petit ami de Torres s'était porté volontaire en premier. Un vendredi de juillet, ils ont signé un contrat dans une clinique de fertilité, qui stipulait qu'aucun des deux ne pouvait utiliser les embryons sans le consentement de l'autre. Au déjeuner, quelques jours plus tard, ils ont pris la « décision irréfléchie » de se marier. Peu après, à l'Institut de reproduction Bloom à Scottsdale, les ovocytes de Torres ont été extraits et ils ont créé ensemble sept embryons. « J'étais heureuse qu'il ait changé d'avis, m'a dit Torres au téléphone en février. J'étais amoureuse de lui et je voulais qu’il soit le père de mes enfants. »

« En me refusant la propriété de mes embryons, c’est mon enfant qu’on m’a enlevé » – Ruby Torres, avocate

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Mais deux ans plus tard, leur couple s'est effondré. La rupture n'était pas à l'amiable. Selon Torres, la fin de leur relation a été marquée par l'infidélité et la violence conjugale (une accusation que Terrell nie). Le sort de leur matériel génétique est devenu le centre de leur divorce. Le juge s'est finalement prononcé contre Torres, décidant que les embryons devaient être donnés à une tierce partie. Lorsque Torres a fait appel, le tribunal lui a donné raison, estimant que son droit de procréer l'emportait sur le désir de son ex-mari de ne pas le faire. Ensuite, Terrell a fait appel de la décision devant la Cour suprême de l'Arizona, qui a annulé la décision de la cour d'appel fin janvier : Torres ne peut pas utiliser les embryons sans le consentement de son ex-mari, et doit les donner à la place. Ses espoirs d'avoir un enfant biologique étaient définitivement anéantis.

« En me refusant la propriété de mes embryons, c’est mon enfant qu’on m’a enlevé », dit Torres. C’est une façon de voir les choses. Terrell, de son côté, estime que son droit de ne pas devenir parent l'emporte sur son désir d'en devenir un. Sa relation avec Torres n'a jamais été sérieuse, a-t-il affirmé ; ils se sont seulement fréquentés « par intermittence ». Selon le témoignage du tribunal des affaires familiales et un appel téléphonique que j'ai passé en mars avec son avocat, Eric M. Fraser, il a épousé Torres afin qu’elle bénéficie d’une assurance-maladie. Il lui a fourni le sperme non pas parce qu'il voyait un avenir avec elle, mais parce que c'était la « bonne chose à faire », d'autant plus que son diagnostic de cancer semblait être « une condamnation à mort, ni plus ni moins ».

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Mais leur relation étant terminée, Terrell était certain de ne pas vouloir un bébé avec Torres. Il n'y avait « aucun moyen réaliste » pour lui de rester en dehors de la vie de cet enfant ; ils avaient des amis en commun et vivaient dans une petite ville où tout le monde se connaissait. Et puis, il y avait le problème de la pension alimentaire. À plusieurs reprises, Torres a demandé une dispense préventive de pension alimentaire pour Terrell au cas où elle utiliserait les embryons, mais il n'y avait aucun moyen de le libérer de cette responsabilité au cas où elle mourrait, tomberait malade ou irait en prison. Contrairement au don de sperme ou à de nombreuses adoptions, ce n'était pas anonyme. Tout le monde savait qu'il était le père.

Selon les estimations des endocrinologues de la reproduction, il pourrait y avoir environ un million d'embryons congelés aux États-Unis. Depuis les années 1990, le sort de ces embryons fait l'objet de batailles judiciaires. Nombre d'entre elles reposent sur la question de savoir si le droit d'être parent est plus important que le droit de ne pas l'être. Des juges du Connecticut, du Massachusetts, du Tennessee, du New Jersey et de Californie ont été influencés par des arguments similaires à ceux de Fraser et ont donc rendu des décisions en défaveur du conjoint qui cherchait à utiliser les embryons. En octobre dernier, un juge de Louisiane a rejeté un procès intenté contre l'actrice Sofia Vergara par son ex-fiancé, Nick Loeb, pour la garde de leurs embryons. Ces affaires vont parfois dans l'autre sens : les tribunaux de l'Illinois et de la Pennsylvanie ont accordé à des femmes la garde des embryons parce qu'elles n'avaient aucune autre chance d'avoir un enfant biologique. Les experts juridiques soupçonnent que l'une de ces affaires finira par atteindre la Cour suprême des États-Unis, ce qui aura d'énormes répercussions sur l'avortement, la recherche sur les cellules-souches et la fécondation in vitro (FIV).

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Certains tribunaux ont évité de se pencher sur les questions éthiques, se contentant de citer les contrats signés à la clinique de fertilité. Et la plupart des juges évitent généralement de se prononcer sur la question de savoir si les embryons sont des biens ou des êtres vivants. Dans le contexte du divorce, les embryons doivent-ils être traités comme des biens ou des êtres dont une personne a la garde ? La plupart des juges ont jusqu'à présent convenu qu'ils se situent dans une nébuleuse intermédiaire.

Quoi qu'il en soit, les militants pro-vie ont saisi ces affaires comme des occasions d'établir le statut de personne pour les embryons. Au début de l'année 2018, alors que l'affaire Torres v. Terrell était encore en cours d'examen devant les tribunaux, une coalition d'activistes anti-avortement a réussi à faire adopter une loi, par le corps législatif de l'Arizona, qui exigeait que les embryons soient accordés à la personne qui voulait leur donner la vie, non seulement en annulant les contrats existants, mais aussi en réinterprétant la science embryonnaire établie.

L'utérus a toujours été au centre de ma compréhension du droit à l'avortement. Parce que l'embryon dépend de la chair et du sang d'un autre être humain, porter une grossesse est pour moi un acte de générosité et ne devrait être poursuivi que de bon gré. La décision, selon moi, est uniquement du ressort du propriétaire de l'utérus. Mais lorsque l'utérus de personne n'est en jeu, la logique n’est plus la même. Les embryons créés in vitro vivent dans un espace liminal où ils ne dépendent pas d'un corps pour exister tels quels. Gelés dans le temps, ils représentent un potentiel de vie, mais ne peuvent pas s'épanouir et se développer tant qu'ils ne sont pas activement mis dans un corps.

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Le débat mêle deux mondes improbables : d’un côté, celui de la bioéthique factuelle, de l’autre, celui de l'amour, où les émotions font rage et où la rationalité fait défaut. Torres est la première personne que j’ai interviewée dans le cadre de ce reportage, et même au téléphone, son histoire poignante m'a arraché les tripes. En tant que féministe qui défend le droit des femmes à prendre leurs propres décisions en matière de reproduction, je me suis instinctivement indignée. Mais en creusant le sujet, j’ai vite compris que mes valeurs étaient sur le point d'être mises à l'épreuve.

La création d'embryons in vitro est, par définition, un processus délibéré, qui précède la grossesse et neutralise donc le seul privilège du propriétaire de l'utérus, que j'avais toujours accordé automatiquement. Tant que les embryons ne sont pas placés dans un utérus, les deux personnes qui les ont créés devraient avoir le droit de décider de leur sort. Il y avait toutefois une question à laquelle je n'avais pas vraiment réfléchi : si les personnes possédant un utérus doivent être protégées contre la naissance obligatoire, ne devrions-nous pas tous être protégés contre la parentalité génétique obligatoire, à partir du moment où l'embryon en question n'est pas encore dans un corps ?

light micrograph of human oocyte from failed IVF attempt

Image : M.I. Walker/Science Source

« Lorsque vous mettez fin à une relation avec quelqu'un, vous voulez une rupture nette, m’explique Eric M. Fraser, l'avocat de John Terrell. L'idée de fonder une famille avec un ex contre votre volonté est insoutenable. Personne ne voudrait être dans cette situation. »

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Dans l’affaire Mimi Lee v. Stephen Findley (Californie, 2015), Lee voulait utiliser les embryons, tandis que Findley ne voulait pas s'engager pour « 18 ans d'interaction » avec son ex-femme. Dans l'affaire Drake v. Mandy Rooks (Colorado, 2018), l'Academy of Adoption and Assisted Reproduction Attorneys (AAARA) a rédigé un amicus curiae pour soutenir le mari qui s'opposait à l'utilisation de ses embryons. « La protection constitutionnelle contre la parentalité obligatoire est, dans la plupart des situations, plus importante que tout intérêt procréateur pour les préembryons », ont écrit les avocats Christopher Jackson et Seth Grob.

« Les contrats faibles ou vaguement établis par les cliniques de fertilité représentent une opportunité »

Quelques affaires soutiennent le contraire : la chance d'être parent est plus importante, surtout si c'est la seule. Dans une affaire de 2012 en Pennsylvanie, le tribunal de première instance a déclaré : « Parce que l'épouse ne peut pas atteindre la parentalité génétique autrement, nous concluons que l'intérêt de l'épouse pour la procréation biologique par l'utilisation de ces préembryons l'emporte sur l'intérêt déclaré du mari contre la procréation. »

Certains avocats ont fait valoir que la création des embryons était au départ un acte de consentement au moins provisoire pour être parent. L'avocate Katayoun A. Donnelly, qui a représenté Mandy Rooks, a déclaré au Washington Post que Drake Rooks « dit qu'il a le droit constitutionnel de ne pas être parent, mais il oublie que le point de conception est dépassé ». Bien que personne ne puisse forcer un homme à donner du sperme pour le bien de la grossesse, « il a déjà accepté d'utiliser son sperme avec les ovules. Nous sommes donc en territoire inconnu ». D’autres avocats, comme Fraser, utilisent une logique inversée : lorsqu'un couple crée un embryon « à l'ancienne », ils courent tous deux le risque d'une grossesse immédiate, même si la conception est accidentelle. Mais lorsque vous congelez des embryons, vous dites explicitement : « Nous ne voulons pas d'enfants pour l'instant. » En d'autres termes, l'issue de ce type d'affaire dépend largement du juge qui vous sera désigné, et c'est précisément la raison pour laquelle Fraser estime que les tribunaux devraient rester en dehors de ces questions. « Ce sont des décisions privées et personnelles que les gens devraient prendre de manière réfléchie dès le début », dit-il.

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Aujourd’hui, la grande majorité des cliniques de fertilité exigent que les deux parties signent un accord complet décrivant des scénarios très précis : que se passe-t-il si l'un de vous décède, si vous divorcez ou si vous cessez de payer vos factures de stockage cryogénique ? Voulez-vous en faire don ? Les détruire ? Permettre à l'autre personne de les utiliser avec un futur partenaire ? Selon Fraser, ce sont des décisions que les couples devraient prendre avant la congélation, « lorsqu'ils sont plus posés, réfléchis et rationnels, plutôt qu'après la rupture. »

Personne n'a de boule de cristal, mais j'en suis venu à considérer l'avantage d'un contrat inattaquable comme non seulement logistique mais aussi philosophique : il consacre et renforce le droit de choisir. En fait, c'est une expression plus complète du concept, c'est une chance pour chaque personne de déterminer ce qui se passe avec son matériel génétique. Ce ne sont pas les tribunaux qui décident. Ce n’est pas la loi. Sean Tipton, porte-parole de l’American Society for Reproductive Medicine (qui a soutenu Terrell et s'est opposée à la loi de l'Arizona), estime qu'un bon contrat peut protéger la liberté de reproduction sans l'intervention du gouvernement. « Nous voulons que les patients individuels puissent prendre une décision sur ce qu'ils vont faire de leurs propres tissus reproductifs », dit-il.

Même Torres, qui estime que le langage nébuleux et contradictoire de son contrat a condamné son procès, convient qu'un accord clair peut épargner bien des soucis. « Prévoyez un contrat en plus de celui exigé par la clinique. Soyez aussi précis que possible et comprenez bien que les contrats de la clinique ne sont pas aussi clairs et nets qu'ils devraient l'être. »

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« La plupart des gens pensent que les embryons congelés devraient avoir une chance de vivre » – Nancy Barto, sénatrice

Pour de nombreux juges, l'existence d'un contrat exécutoire a été une grâce salvatrice. Dans une affaire du Connecticut en 2019, Jessica Bilbao voulait que les embryons soient détruits, le tribunal a déclaré que les affaires de ce type, où les accords écrits étaient manquants ou confus, seraient laissées pour « un autre jour ». Mais pour les avocats et les militants pro-vie, les contrats faibles ou vaguement établis par les cliniques de fertilité représentent une opportunité.

Joseph P. Secola, qui représentait Timothy Goodwin, l’ex-mari de Bilbao, s'est moqué du contrat type émis par une clinique de fertilité. Selon lui, ce n'est pas un contrat visant à protéger l'un ou l'autre des donneurs, mais à protéger la clinique. De plus, a expliqué Secola, les contrats relevant du droit de la famille « ne lient souvent pas les gens comme ils le font dans le contexte commercial ». Lorsqu'il s'agit de choses comme les accords prénuptiaux, « les juges ont beaucoup plus de marge de manœuvre pour intervenir » si les circonstances ont changé. Et les contrats des cliniques de fertilité ne sont souvent même pas contrôlés par des avocats extérieurs.

Bilbao et Goodwin avaient implanté l'un des embryons au cours de leur relation, ce qui a donné naissance à leur unique enfant. Goodwin avait initialement accepté de détruire le reste des embryons s’ils ne les utilisaient pas ensemble. Il a finalement dit avoir changé d'avis (mais pas de contrat) après la naissance de sa fille. Bien que le contrat précisait que les embryons devaient être éliminés, Secola a déploré de devoir « se ranger du côté de la solution de la mort ».

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Si les arguments de Secola n'ont pas prévalu dans le Connecticut, il y a un endroit où sa logique a trouvé une oreille compatissante : dans la législature de l'Arizona.

Egg storage for IVF. Tube of eggs in cryogenic (frozen) storage

Image : SCIENCE PHOTO LIBRARY/Science Source

La juge Ronee Korbin Steiner de la Cour supérieure du comté de Maricopa, nommée par un gouverneur anti-avortement, avait une vision assez nuancée du statut des embryons. Elle a fait remarquer lors de la première décision du tribunal dans l’affaire Terrell v. Torres que les embryons « ne sont pas des personnes, mais ils sont spéciaux parce qu'ils se situent entre l’amas de cellules et le potentiel de devenir une personne, donc je respecte cela ».

Mais en dehors de la salle d'audience, le groupe de pression conservateur Center for Arizona Policy (CAP) et plusieurs sénateurs anti-avortement de l'État ont décidé d'orienter la définition de l'embryon davantage vers la désignation de « personne ». Ce concept est le fondement de la loi de l'Arizona inspirée par l'affaire Ruby Torres, qui exige que les tribunaux annulent les contrats et donnent les embryons au conjoint qui « a l'intention de leur permettre de se développer jusqu'à la naissance ». Signé le 3 avril 2018, elle a permis de résoudre la question de la pension alimentaire en s'assurant que le conjoint qui ne veut pas des embryons ne sera pas tenu responsable. Elle a été parrainée par la représentante républicaine Nancy Barto, alors sénatrice, qui a présenté le projet de loi en disant : « La plupart des gens pensent que les embryons congelés devraient avoir une chance de vivre. »

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« Nous savons maintenant que les embryons sont des organismes humains. Lorsque le sperme et l'ovule se réunissent, cela crée une vie »

De nombreux experts juridiques estiment que la loi est inapplicable, étant donné que les tribunaux ont déjà honoré les contrats des cliniques de fertilité. Mais la loi a immédiatement sonné l'alarme parmi les défenseurs du droit à l'avortement, qui ne connaissent que trop bien les arguments relatifs à la « personnalité » qui font leur chemin dans les tribunaux.

Avant que les législateurs ne votent le projet de loi, Barbara Collura, présidente de l'association de lutte contre l'infertilité RESOLVE, a écrit dans une lettre que la loi « implique le législateur dans une décision extrêmement personnelle concernant la façon dont un couple construit sa famille ». Elle m'a dit plus tard au téléphone qu'elle reconnaissait là « une méthodologie consistant à grignoter les limites » du droit à l'avortement, « par opposition à une législation interdisant quelque chose ». Les activistes diront que cela n'a rien à voir avec l'avortement, mais avec cette idée de « personnalité », ce qui bouleverserait le débat sur la question de savoir si les embryons – dans ou hors de l'utérus – ont des droits humains. « Si nous nous engageons sur la pente potentiellement glissante qui consiste à dire que les embryons sont des personnes, où cela s'arrêtera-t-il ? »

La Thomas More Society, un cabinet d'avocats d'intérêt public qui lutte contre l'avortement et qui soutient la loi de l'Arizona, a fait valoir dans un amicus curiae qu'une personne qui crée un embryon par fécondation in vitro a « volontairement exercé ses droits procréatifs » et que les embryons qui en résultent ont un droit « inaliénable » à la vie qui « ne peut être légalement résilié au gré d'autrui ».

« Nous savons maintenant que les embryons sont des organismes humains, me dit Rita Gitchell, conseillère pour la Thomas More Society. D'après les recherches publiées, on peut dire très tôt la différence entre la masse cellulaire interne et les composants qui deviennent le placenta et le cordon et la lignée germinale pour la génération suivante… Le fait est que lorsque le sperme et l'ovule se réunissent, cela crée une vie. »

De nombreux biologistes ne sont pas d'accord sur ce dernier « fait ». « La science est claire : les embryons précoces ne sont que des grappes de cellules peu organisées, sans expression génique significative », affirme Jane Maienschein, professeure spécialisée dans la recherche sur les embryons et directrice du Centre de biologie de l'Université d'État de l'Arizona. « Ils sont vivants dans le sens où ils ont la capacité de continuer à vivre. Mais ils ne sont certainement pas des "personnes" au sens traditionnel du terme. Ils n'ont pas de capacités neuronales ou morales pendant longtemps encore. »

Torres ne s'intéresse guère à cet argument. Elle a apprécié le soutien des législateurs républicains (même si la loi ne peut pas s'appliquer rétroactivement à elle), mais a déclaré : « Honnêtement, nous ne sommes pas dans le même parti politique. » Et pour ce qui est de la personnalité embryonnaire, elle n'est pas d'accord avec cette idée. « Je veux que mes embryons aient des droits, mais je ne sais pas si je veux qu'ils soient considérés comme des personnes, car ce n’est pas ce qu’ils sont, dit-elle. Il n'y a pas de science pour prouver qu'ils pourraient être viables en dehors de l'utérus à ce stade. Et qu'en est-il de moi, une personne qui est déjà là et qui se bat pour ses droits ? »

Il est impossible de prédire l'avenir ou d'anticiper un retournement de situation, surtout lorsqu'on est enfermé dans la bulle opaque d'une relation amoureuse. Même avec un accord clair, précis et notarié, n'importe qui peut changer d'avis une fois qu'il est contraint de respecter les promesses d'un contrat à toute épreuve dans des circonstances complètement différentes. En raison de l'expérience purement émotionnelle que représente le fait d'avoir un enfant et de fonder une famille, la seule chose qui protégera (pour paraphraser Torres) « les gens qui sont déjà là » est en fin de compte un fantasme : une abondance de prévoyance et une absence de sentimentalité.

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