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FRANCE

Affaire des Mistral : des rumeurs d’un accord final entre la France et la Russie

Selon la presse russe, un accord datant de la semaine dernière indique que la France devrait verser 1,2 milliard d’euros à la Russie en guise de remboursement de ces bateaux au centre d’un bras de fer géopolitique sur fond de crise ukrainienne.
Image via Wikimedia Commons / Simon Ghesquiere / Marine Nationale

MAJ à 18 heures 50 : Cet article a été rédigé avant une annonce du président François Hollande, faite ce vendredi soir. Lors d'un déplacement dans le Lot (sud-ouest de la France), le président a annoncé que « pour l'instant, » il n'y avait « pas d'accord » entre la France et la Russie sur le dossier des navires Mistral. Hollande a précisé que « Des discussions sont engagées. Je prendrai la décision dans les prochaines semaines. »

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Plusieurs titres de la presse russe ont publié des informations, ce jeudi soir, concernant un hypothétique accord entre la France et la Russie au sujet des deux navires de guerre Mistral, que Paris n'a toujours pas livrés à l'armée russe. Aucune confirmation n'a pour l'instant été donnée par le gouvernement français, qui avait toutefois annoncé, ce mercredi à la sortie du Conseil des ministres, que des « décisions importantes » allaient être prises « à la fin de l'été. » Jusque dans son dénouement, le contrat de vente des Mistral aura baigné dans un flou diplomatique.

Le contrat de vente des BPC (« Bâtiment de projection et de commandement ») Mistral avait été négocié en 2008, et signé en 2011 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Le contrat de vente des Mistral prévoyait la construction et la livraison de deux navires porte-hélicoptères militaires à la Russie, ainsi qu'une formation des équipages russes et un transfert de technologies pour un montant total de 1,2 milliard d'euros. 400 marins russes avaient été formés au maniement des Mistral , qui n'ont jamais été livrés.

Les signataires de cet accord ne pouvaient pas prévoir qu'une crise politique viendrait gêner la transaction. En juillet 2014, en pleine crise ukrainienne principalement autour du territoire de Crimée, de nombreux pays ont mis en place un embargo visant la Russie, ce qui a contraint la France à revoir son engagement commercial avec le pays.

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Ce vendredi après-midi, VICE News a joint par téléphone Jean-Pierre Maulny, qui est le Directeur adjoint de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS). « Ça sent la fin, » nous explique le spécialiste en armement à propos d'un remboursement qu'il estime « inéluctable. »

La rumeur d'un accord a d'abord fait surface suite à un article publié, ce jeudi soir, par le journal russe Kommersant, selon lequel des négociations auraient eu lieu la semaine dernière entre le Vice-Premier ministre russe, Dimitri Rogozine, et Louis Gauthier, patron du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

« Tout a déjà été décidé, y compris le montant et les échéances, » avait déclaré ce jeudi soir Vladimir Kojine — un conseiller en charge des questions de coopération militaire et technique auprès du président russe Vladimir Poutine — au journal russe Ria Novosti. Jusque-là, le gouvernement français avait fait savoir qu'il ne désirait rembourser que 784,5 millions d'euros, alors que la Russie réclamait 1,16 milliard. La Russie avait déjà versé 840 millions d'euros en guise d'acompte. Pour la première fois, la France et la Russie se seraient donc accordées sur un montant général.

Mais dans un communiqué, relayé ce vendredi matin par l'agence de presse russe TASS, le Kremlin s'est refusé à livrer d'autres détails concernant l'accord. « Autant que je sache, il y a eu des déclarations du conseiller Kojine, je n'ai rien à ajouter à ce sujet pour l'instant, » a déclaré le porte-parole du gouvernement, Dimitri Peskov.

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Aucune confirmation de cette information n'a eu lieu côté français, où le Premier ministre Manuel Valls ainsi que le Ministère des Affaires Étrangères renvoient les journalistes vers des propos tenus par le président François Hollande lors d'un dîner organisé lundi dernier. « Nous sommes dans des obligations contractuelles, » avait alors déclaré le chef de l'État français face à l'Association de la presse présidentielle. «?Nous sommes dans cette discussion qui se prolonge et qui renverra forcément à une décision que j'aurai à prendre et que je prendrai dans les prochaines semaines?.»

Reprise au conditionnel par la presse internationale, cette rumeur d'accord pourrait annoncer la fin prochaine d'un feuilleton géopolitique long de plusieurs années.

À lire : Mistral : livrera, livrera pas ?

Le 20 juillet 2014, le président français François Hollande a d'abord déclaré que le premier Mistral, le Vladivostok, allait bien être livré aux Russes comme convenu en 2011, mais que la livraison du second navire dépendrait de « l'attitude de la Russie » concernant la guerre en Ukraine.

En février 2015, c'est la livraison des deux navires qui a été définitivement suspendue, le temps pour la France de vérifier que la Russie respecte effectivement les accords de Minsk — qui incluaient un cessez-le-feu et la reprise du dialogue politique entre les forces opérant en Ukraine. Le 22 avril dernier, François Hollande a finalement annoncé lors d'une conférence de presse aux côtés du président ukrainien Petro Porochenko que la livraison n'était plus « possible ».

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À lire : La France remboursera la Russie si la vente des Mistral ne se fait pas

Selon Maulny, cette affaire est loin d'avoir décrédibilisé la France dans le monde de la vente d'armes. « Ce sont des choses qui arrivent dans ce secteur, » nous indique-t-il, « Ce n'est pas fréquent mais dès qu'il y a un embargo décidé contre un pays, beaucoup de marchands se retrouvent coincés. » En 1994, la France a par exemple annulé la livraison de trois sous-marins à l'Afrique du Sud — alors sous embargo du fait de l'Apartheid — pour finalement les envoyer au Pakistan.

« Le principe de ces bateaux [les Mistral] a beaucoup plu dans le monde, » nous indique Jean-Pierre Maulny, qui se dit « confiant » quant au rachat prochain de ces navires par d'autres pays.

Les BPC Mistral sont des navires de guerre polyvalents capables de transporter des chars d'assaut et des hélicoptères, mais aussi de servir d'État-major flottant voire d'hôpital. Problème, la France en a déjà trois « et n'en veut pas d'autre, » nous explique Maulny, qui estime que « l'Union Européenne pourrait tout à fait louer ces bateaux pour ses opérations extérieures. »

Les pertes liées à cette rupture de contrat devraient être prises en charge par les assurances et le constructeur des bateaux, le groupe DCNS (qui est détenu à 64% par l'État français).

« Il ne reste plus qu'à régler la question des technologies russes présentes sur les Mistral, » nous rappelle Jean-Pierre Maulny. Le 25 juillet dernier, l'agence de presse TASS aurait justement reçu des informations d'une source militaire concernant une mission confiée à un « groupe de spécialistes » russes censés se rendre en France pour « démanteler les systèmes de télécommunication » installés sur les navires.

Suivez Pierre-Louis Caron sur Twitter : @pierrelouis_c

Image via Wikimedia Commons / Simon Ghesquiere / Marine Nationale