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Les Occidentaux ont moitié moins de spermatozoïdes qu'il y a 40 ans

Le phénomène est gravissime, et pour le moment personne ne parvient à l'expliquer.

Où sont partis tous les spermatos ? Qui les retrouvera ?

Au cours des dernières décennies, les hommes des pays Occidentaux ont vu la quantité de spermatozoïdes présents dans leur sperme s'effondrer brutalement. Les chercheurs s'inquiètent de ce phénomène depuis le début des années 90, mais une nouvelle méta-étude et une analyse plus serrée des données existantes montre aujourd'hui que la concentration des spermatozoïdes a décliné de 52% en moyenne dans cette population. Un chiffre qui atteint les 59% de déclin chez les hommes d'Amérique du nord, d'Europe, d'Australie et de Nouvelle-Zélande entre 1973 et 2011. L'article, qui confirme les hypothèses formulées dans les années 90, vient d'être publié dans la revue Human Reproduction Update.

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"Cette étude montre qu'il est urgent de déterminer avec certitude les causes de ce phénomène, afin de le ralentir puis de l'interrompre", explique l'auteur principal de l'étude, Hagai Levine, à la tête du département de veille environnementale à l'École de santé et de médecine publiques à l'Université Hadassah en Israël.

"Actuellement, nous gérons le problème de la stérilité masculine en utilisant la fécondation in vitro et autres techniques de procréation médicalement assistées, plutôt que de faire de la prévention en amont", déclare Levine, qui est professeur adjoint de médecine environnementale et de santé publique à l'École de médecine du mont Sinaï à New York.

Pour les besoins de la méta-étude, les chercheurs de l'Université hébraïque et du Mont Sinaï ont analysé les données de 185 études impliquant 42 935 hommes ayant fourni des échantillons de sperme entre 1973 et 2011. Ces hommes n'avaient pas été sélectionnés en fonction de leur fertilité, mais choisis dans la population générale afin de former un échantillon représentatif. Les chercheurs ont constaté que le nombre total de spermatozoïdes (qui équivaut à la concentration de spermatozoïdes multipliée par le volume de sperme) a diminué en moyenne de 1,6 % par an chez les hommes dans les pays occidentaux. Ce déclin est moindre en Amérique du Sud, en Asie et en Afrique, même si moins d'études ont été réalisées sur ces continents.

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Plus inquiétant : "Ce déclin ne varie pas dans les pays occidentaux, il est constant, significatif et continu", affirme Shanna Swan, co-auteur de l'étude, professeur de médecine de l'environnement et de santé publique à l'Icahn School of Medicine au Mont Sinaï.

Au-delà des conséquences dramatiques pour la fertilité masculine à long terme, il faut également s'inquiéter du fait qu'une faible concentration de spermatozoïdes est généralement associée à divers problème de santé, comme un risque accru de développer un cancer des testicules, des maladies cardio-vasculaires, et une mort prématurée. En fait, entre 1977 et 2010, les hommes ayant une faible concentration de spermatozoïdes (moins de 15 millions/mL) avaient un risque 50% plus élevé d'être hospitalisés pour des raisons médicales que les hommes dont la concentration de spermatozoïdes était supérieure à 40 millions/mL, selon une étude publiée dans l'American Journal of Epidemiology en mai.

Même si l'étude actuelle n'examine pas les causes possibles de la baisse du nombre de spermatozoïdes, elle note des liens entre baisse de la fertilité et facteurs environnementaux. Ainsi, l'exposition aux produits chimiques, le tabagisme, l'obésité, le stress sont associés à une faible concentration de spermatozoïdes dans la population. "Nous avons de fortes raisons de penser que les perturbateurs endocriniens et l'exposition aux pesticides jouent un rôle important dans ce phénomène", souligne Levine. "Au cours des dernières décennies, les hommes et les femmes ont été exposés à des produits chimiques auxquels l'humanité n'avait jamais été exposée auparavant."

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Ce n'est pas seulement l'exposition d'un homme adulte aux produits chimiques qui affecte la qualité de son sperme : les activités, l'environnement et le style de vie de la femme enceinte pourra compromettre directement la fertilité future de son enfant. Il y a une raison simple à cela : durant les premiers stades de la grossesse, les perturbateurs endocriniens nuisent au développement de l'embryon puis du foetus, explique Swan, épidémiologiste de la reproduction.

L'exposition à certaines substances in utero peut avoir des effets sur le développement génital de l'homme et sur son niveau de testostérone à l'âge adulte. "Quel que soit le problème survenu dans l'utérus, il deviendra permanent", explique Swan. "En fonction des habitudes développées par l'individu à l'âge adulte, comme le tabagisme, ces changements peuvent devenir irréversibles" même quand l'exposition au produit chimique nuisible s'interrompt. Swan note que si une mère fume pendant la grossesse, son fils aura un nombre de spermatozoïdes plus faible que s'il fume durant l'adolescence ou pendant sa vie d'adulte.

Levine explique à la BBC que l'extinction de notre espèce est envisageable à terme, si cette tendance se poursuit. Cependant, nous n'avons aucune idée de la probabilité de ce scénario. D'autres recherches sont en cours - en attendant qu'elles livrent leurs résultats, Levine et Swan expliquent qu'il est possible de protéger les spermatozoïdes par des mesures simples : arrêter de fumer, perdre du poids, tenter de réduire son stress. Plus facile à dire qu'à faire, bien entendu.

À plus grande échelle, il faudrait réduire notre exposition aux perturbateurs endocriniens, comme les phtalates (que l'on trouve dans les plastiques et les cosmétiques), les ignifugeants (dans les meubles) et les pesticides (sur les pelouses et sur les fruits et légumes), ajoute Swan. Le gouvernement et les industriels ont le devoir de prendre en compte ces risques, ajoute-t-elle, "mais, comme ils ne font rien, les consommateurs devraient essayer de réduire leur exposition chaque fois que cela est possible."

Cet article est initialement paru sur Tonic.