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Société

Les femmes voilées ne pourront plus recevoir de services publics au Québec

Celles qui portent le niqab ou la burqa se verraient refuser l'accès aux autobus et à la bibliothèque.
La ministre de la Justice, Stéphanie Vallée - Crédit photo | La Presse canadienne /Jacques Boissonot

Après environ dix ans de débats de société mouvementés, et deux ans après le dépôt du projet de loi au Parlement, le gouvernement du Québec a adopté la loi sur la neutralité religieuse de l'État.

Les libéraux ont choisi d'encadrer les accommodements pour motifs religieux et de rendre obligatoire le fait de donner et de recevoir les services publics à visage découvert. Cette dernière mesure a été prise pour des motifs « de sécurité, d'identification et de communication », avait-on expliqué l'an dernier, au début des travaux sur le projet de loi.

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Son contenu est bien plus édulcoré que celui de l'ancienne Charte des valeurs du Parti québécois (PQ), qui visait à interdire les signes religieux ostentatoires dans la fonction publique et qui avait soulevé un tollé à l'époque, en 2013.

Mais l'application de la loi 62 ne sera pas sans heurts. Le choix des libéraux d'étendre le champ d'action de la loi 62 notamment aux municipalités et aux services de transport en commun a fait beaucoup réagir.

On assure que la loi ne vise pas spécifiquement les femmes musulmanes, mais le principe du visage découvert fait en sorte que celles qui portent le niqab ou la burqa se verraient refuser l'accès aux autobus et à la bibliothèque, par exemple.

Questionnée à ce sujet en août, la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, avait évité de répondre clairement, ne voulant pas « analyser chaque cas d'espèce ». « Quelqu'un qui souhaite aménager un accommodement à ce principe-là devra en faire la demande et la demande sera analysée », avait-elle expliqué.

Cependant, il est bel et bien question d'obliger la prestation de services à visage découvert dans les transports en commun, a précisé hier son attachée de presse, Isabelle Marier St-Onge.

Le maire de Montréal, Denis Coderre, n'a pas répondu aujourd'hui à nos questions. À l'époque, M. Coderre s'était vivement opposé à ce que la loi s'applique à Montréal, ville multiculturelle, et avait dénoncé la situation particulière du transport en commun.

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La Société de transport de Montréal (STM) nous a expliqué plus tôt mercredi qu'elle ne souhaitait pas commenter la situation avant que la loi ne soit adoptée. On nous a indiqué en être encore à évaluer l'application de la loi et les consignes à transmettre aux employés. « Notre objectif sera d'éviter que les employés interprètent la loi chacun à sa façon en adoptant des procédures claires », a-t-on ajouté. La STM assure qu'elle « sera prête lorsque la loi entrera en vigueur, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui [mardi] ni demain [mercredi] ». Le son de cloche du côté du ministère est différent. Dès que la loi sera sanctionnée, ce qui pourrait se faire dès aujourd'hui ou dans les prochains jours, elle sera applicable, explique l'attachée de presse de la ministre de la Justice. Il y aura un comité de travail administratif mis sur pied, « regroupant des représentants des secteurs de la santé, l'éducation et le milieu municipal », explique Isabelle Marier St-Onge, pour déterminer certaines lignes directrices concernant les accommodements pour les motifs religieux. Ces directives seront précisées d'ici le 30 juin. Pour le reste, les services devront aussitôt être donnés et reçus à visage découvert. Il sera possible de faire une demande d'accommodement auprès des organismes souhaités.

Le syndicat des chauffeurs d'autobus et des opérateurs de métro attend pour sa part que la STM lui donne des directives claires et précises, explique le conseiller aux communications, Ronald Boisrond. « Ils ne veulent pas avoir la responsabilité d'appliquer la loi 62, a-t-il ajouté, on ne veut pas qu'ils deviennent des arbitres. »

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Pas assez, pour l'opposition

La loi 62 prône la neutralité religieuse, et non pas la laïcité. Cette nuance a été critiquée par le Parti québécois (PQ), la Coalition avenir Québec (CAQ) et Québec solidaire (QS). Cinq amendements proposés par l'opposition, demandant à ce que le principe de laïcité soit clairement inscrit dans la loi, ont précédemment été rejetés.

On a aussi refusé d'interdire le port de signes religieux ostentatoires pour les magistrats, procureurs, policiers et gardiens de prison, ce que demandait dans les amendements proposés la députée péquiste Agnès Maltais, et ce que recommandait le rapport de la commission Bouchard-Taylor.

On demandait aussi qu'aucun accommodement ne soit possible pour les personnes qui voudraient donner ou recevoir des services à visage couvert pour des motifs religieux. Les libéraux ont rejeté cette avenue. À l'Assemblée nationale, mardi, Mme Maltais a ajouté qu'elle voudrait certaines exceptions claires pour des motifs de santé ou de sécurité.

Le PQ entend ramener le dossier lors de la prochaine campagne électorale, a promis Mme Maltais. Malgré ses critiques, Québec solidaire espère pour sa part tourner la page pour un moment, et s'attarder désormais aux problèmes auxquels les immigrants font quotidiennement face, dont la reconnaissance des diplômes.