Les services frontaliers vont doubler la capacité du camp de réfugiés à Lacolle

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Les services frontaliers vont doubler la capacité du camp de réfugiés à Lacolle

Plus de 1000 demandeurs d'asile sont présentement logés près de la frontière canado-américaine

À l'extérieur du village de tentes improvisé construit à la limite de la frontière canado-américaine à Lacolle, un agent frontalier qui semble nerveux attend les premiers répondants. Dans le camp de fortune, qui héberge actuellement environ 500 demandeurs d'asile, une femme se sent malade. « Il va y avoir tellement de monde icitte! », dit-il en ne parlant à personne en particulier.

C'est une journée très chaude de fin d'été, et sur l'ensemble du terrain des services frontaliers canadiens, entre 1000 et 1200 personnes - principalement des Haïtiens provenant des États-Unis - attendent que les fonctionnaires canadiens traitent leurs dossiers. En raison de l'achalandage grandissant, le temps d'attente dure quelques jours, et les gens doivent dormir sur place. Les planchers des établissements de l'Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) ne suffisent plus. Les Forces armées canadiennes ont mis en place 52 grandes tentes vertes pour pallier ce manque d'espace.

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Vendredi, l'ASFC a annoncé qu'elle chercherait à doubler la capacité du camp. « Nous sommes à l'étape de la planification afin d'accroître la capacité pour nous assurer que nous pouvons fournir un abri à un plus grand nombre de migrants », a déclaré le porte-parole Patrick Lefort aux médias. Il a indiqué que des employés des services frontaliers de tout le Canada avaient également été appelés à prêter main-forte. « C'est une opération humanitaire très exigeante pour tous les membres de l'ASFC », a-t-il dit.

Les sites sont strictement surveillés par l'ASFC, qui maintient les médias à distance.

Il est néanmoins possible d'observer un peu ce qui se vit dans le village temporaire depuis la route: les gens font la sieste à l'extérieur, essayant soigneusement de se protéger du soleil qui tape de plus en plus; ils se lavent en utilisant de l'eau des stations portatives qui servent à se nettoyer les mains.

À proximité, le personnel militaire est occupé à construire des plates-formes en bois qui serviront de plancher pour les tentes afin qu'elles soient étanches en cas de pluie. Néanmoins, elles sont installées sous le soleil impitoyable du mois d'août et l'air y est lourd. Des histoires de déshydratation, de diarrhée et de gastro circulent, mais l'ASFC et les responsables de la Croix-Rouge sur place refusent de commenter à ce sujet.

Photo par Matt Jocey

« Somme toute les gens sont confortables, on distribue de la nourriture à l'intérieur, trois repas par jour », a affirmé à VICE Carl Boisvert, porte-parole de la Croix-Rouge.

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Éliane Trahan, des Forces armées canadienne, a déclaré à VICE que si certains des migrants lui ont dit que les choses n'avaient pas été faciles, ils semblent maintenant satisfaits de la mise en place des tentes.

Mais le militant, Frantz André, coordonnateur du Comité d'action des personnes sans statuts, n'était pas du tout satisfait du campement. « C'est une zone de guerre », a-t-il dit en colère. « Ces tentes sont, j'en suis persuadé, vraiment chaudes. C'est une journée ensoleillée et je suis perplexe. Je pense que d'autres façons auraient pu être envisagées et que les gens auraient pu être placés dans d'autres installations », a-t-il ajouté.

Le nombre de demandeurs d'asile arrivés au Canada en provenance des États-Unis a augmenté constamment au cours des derniers mois. De nombreux experts en matière d'immigration attribuent cette situation aux politiques draconiennes de Donald Trump et à sa rhétorique anti-immigration.

Au courant du mois de juillet, le Programme régional d'accueil et d'intégration des demandeurs d'asile (PRAIDA) dit avoir géré près de 1200 applications, une augmentation fulgurante du nombre reçu en juillet 2016, soit 180 demandes. Les représentants de l'ASFC estiment qu'ils gèrent présentement 230 cas par jour, seulement au poste de Lacolle.

Et en ce qui concerne l'augmentation du nombre des demandeurs d'asile haïtiens, elle est aussi en partie attribuée aux actions de Donald Trump. Plus tôt cette année, le président américain a annoncé qu'il allait mettre fin à une protection spéciale donnée aux Haïtiens qui s'étaient réfugiés aux États-Unis après le séisme de 2010. Frantz André explique que la situation est aussi exacerbée par des messages mensongers qui circulent sur les réseaux sociaux et qui prétendent que le Canada invite activement les Haïtiens à venir s'établir ici.

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« C'est très très triste, dit André par rapport à ces informations erronées. Nous on le sait que ce ne sera pas tout le monde qui sera accepté, que probablement 50 % d'entre eux seront expulsés », dit-il.

À quelques kilomètres du camp, à l'extrémité du chemin bucolique Roxham, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) s'est improvisé une station d'enregistrement. Ce poste frontalier irrégulier est la porte d'entrée principale pour plusieurs demandeurs d'asile. Dans une grande tente blanche, plusieurs familles attendent patiemment pendant que les policiers prennent leurs informations et fouillent leurs sacs. « C'est assez incroyable, confie un agent qui passe à côté de nous. Leurs valises sont remplies de tout ce qu'ils possèdent. »

«Tu ne vois pas ça souvent ici », ajoute-t-il.

Photo par Matt Jocey

Mais le poste du chemin Roxham et le campement de Lacolle ne sont que les premières étapes de ce qui s'avère un long périple pour les demandeurs d'asile.

Au courant de la journée, plusieurs groupes d'une vingtaine de personnes sont escortés hors du campement et empilés dans des autobus scolaires pour faire le trajet vers Montréal.

D'après le gouvernement du Québec, 2440 demandeurs d'asile sont présentement logés dans les centres communautaires et les hôtels de la métropole. Le stade olympique, aussi converti en refuge, compte maintenant 1050 lits. Ces installations sont aussi temporaires, en attendant que des appartements ou des logis permanents deviennent disponibles.

photo par Matt Joycey

André espère que le gouvernement sera en mesure d'accélérer leurs démarches pour permettre à ces gens de vivre et travailler au Canada. « Les gens doivent comprendre que les prochains mois, les prochaines semaines seront très difficiles pour les demandeurs d'asile. C'est un très long processus », dit-il.