Les bateaux autonomes sillonneront bientôt les océans
Un bateau doté de la technologie de Buffalo Automation à l'essai sur le lac LaSalle, aux États-Unis. Image : Douglas Lever/Université de Buffalo

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Les bateaux autonomes sillonneront bientôt les océans

Les compagnies maritimes travaillent dur pour automatiser la mer, si dur que votre yacht aura sans doute le pilote automatique avant votre voiture.

Quand le Costa Concordia a percuté un récif sur la côté de Toscane et basculé dans la Méditerranée en 2012, le monde entier s’est étonné : comment le capitaine d’un bateau qui transportait 4 229 personnes avait-il bien pu faire une erreur aussi simple et fatale ? Au total, le naufrage a côuté la vie à 32 passagers.

« Il devrait être impossible de précipiter manuellement des navires qui valent des centaines de millions de dollars sur des rochers. Nous avons la technologie nécessaire pour contrôler ces machines » explique Michael Johnson, ingénieur et ex-vice-président de la gestion opérationnelle des projets du géant du transport maritime Crowley, contacté par Motherboard. En 2013, Crowley a été choisi pour redresser et remettre à flot le Costa Concordia. Prix de l’opération : 1,2 milliard d’euros, un record.

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Michael Johnson a vécu en Italie pendant un an pour superviser le redressement. Il n’a pas passé un jour sans voir le bateau renversé. Bien vite, il a cessé de se demander comment le naufrage avait pu arriver pour se poser une nouvelle question : comment aurait-il pu être évité ?

Le système de navigation AutoMate installé sur un navire de transport. Image : Buffalo Automation

« Et c’est comme ça que j’ai décidé de lancer Sea Machines », explique Johnson. Sa startup, inaugurée en 2014, teste actuellement son système de pilotage assisté pour navires de travail au large du Massachusetts. Baptisé Sea Machine 300, il doit être lancé l’été prochain.

L’ère de l’automation est sur nous. Les machines de transport sont les premières concernées : presque toutes semblent destinées à devenir autonomes. En dépit de la publicité qui les entoure, les voitures autonomes n’arpenteront sans doute pas nos routes librement avant des décennies. Les premiers bateaux autonomes, eux, parcouront peut-être les océans avant 2020.

Automatiser tous les navires générerait une quantité invraisemblable de revenus. L’ONU estime que 90% des échanges commerciaux du monde passent par les océans. Plus de 10 milliards de tonnes de biens ont pris la mer en 2016. L'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique estime que les ports des États-Unis ont fait transiter 1,2 trillion d’euros de cargo cette année-là. Les 325 entreprises de navigation commerciale en haute mer génèrent huit milliards de dollars de revenus.

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En plus du transport de marchandises, les navires sont essentiels à beaucoup d’industries. L’énergie éolienne, l’exploitation minière, la pêche, la recherche sur le climat et l’environnement. Résultat : nos océans sont blindés de bateaux.

Les grosses entreprises comme les startups sont à la recherche d’une solution d’automation des mers. Grâce à elle, les compagnies maritimes pourraient faciliter la navigation, économiser de l’essence, peaufiner la sécurité des traversées, augmenter le tonnage… Et donc faire plus d’argent. Ces systèmes ne sont pas si différents de ceux des voitures. Il faut juste considérer quelques paramètres supplémentaires, notamment le fait que l’eau bouge (contrairement aux routes) et que les navires ont besoin de quelques miles pour changer de trajectoire.

Buffalo Automation, une startup new-yorkaise née à l’unviersité de Buffalo, vient de récolter 730 000 euros qu’elle compte investir dans la distribution de son système AutoMate. Ce système de capteurs et de caméras permettra à certains bateaux de naviguer semi-automatiquement. Son CEO, Thiru Vikram, a déclaré que l’entreprise travaillait avec trois pilotes partenaires. Ses premières cibles sont les transporteurs et les bateaux de plaisance.

En testant son produit, Vikram a découvert qu’un seul navire pouvait manoeuvrer dans les canaux et écluses des grands lacs du Midwest. En cas d’avance ou de retard, un bateau peut être condamné à attendre et gaspiller du carburant pendant des heures. Des algorithmes et des capteurs pourraient être utilisés pour garder un oeil sur le temps et les conditions de navigations, et donc ajuster la vitesse d’un bateau pour que tout se déroule comme prévu.

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Les canaux et les écluses sont également étroits et encombrés, ce qui augmente le risque de collision ou d’échouage, et donc le prix des assurances. Grâce à l’automation, explique Vikram, Buffalo Automation pourrait réduire les coûts et les risques.

Le système AutoMate en gros plan. Image : Buffalo Automation

Les navires autonomes intéressent particulièrement l’Organisation maritime internationale (OMI), l’organisme responsable des standards de navigation dans les eaux internationales. L’année dernière, l’OMI a lancé un exercice de cadrage pour analyser l’impact des bateaux autonomes. Il se terminera en 2020. À ce moment-là, les navires sans équipage ou semi-autonomes seront peut-être déjà monnaie courante. « C’est un environnement accueillant à l’heure actuelle, explique Johnson. Ça nous aide à lancer cette technologie dans le futur. »

En réalité, cette technologie est déjà bien présente. Autonomous Marine Systems, une entreprise du Massachusets, utilise déjà des drones maritimes pour récupérer des données sur l’océan. Ces « Datamarans » servent surtout l’industrie de l’énergie extracôtière.

« Les océans participent des plus grandes « transactions » carbone de la planète. Pour mesurer ces échanges de carbone, on a l’habitude de réaliser des mesures simultanées au-dessus et en-dessous de la surface de la mer », détaille Eamon Carrig, co-fondateur et CTO d’Autonomous Marine Systems, dans un mail adressé à Motherboard. Pour le moment, ces mesures sont d’abord effectuées par des systèmes d’observation à la dérive, amarrés ou lancés depuis un navire. Tous coûtent cher.

« Quand vous commencez à vous intéresser à l’océanologie, vous découvrez des coûts complètement fous », explique Carrig. Comme la plupart des industries de la navigation sont contrôlées par un nombre relativement restreint d’entreprises, l’arrivée de nouveaux acteurs économiques pourrait amener de la compétition et donc une réduction des prix.

Johnson pense que l’industrie maritime et ses régulateurs adopteront bientôt les navires autonomes et connectés. « Chaque entreprise assure que la sécurité est sa priorité, lance-t-il. C’est aussi pour ça que les choses qui servent cette priorité sont adoptées assez rapidement. »