Les poissons sont capables de reconnaître des visages humains

La nouvelle m'a bouleversée. Pour la première fois, j'envisage de devenir végétarienne. Une nouvelle étude affirme que les poissons sont capables de distinguer et de reconnaître les visages humains.

L'article, publié dans Scientific Reports, montre que le poisson-archer, une espèce tropicale capable d'expulser des jets d'eau par la bouche, pouvait apprendre à distinguer une image d'un visage d'une image d'un autre visage, même lorsque les visages en question possédaient exactement la même couleur ou la même forme.

L'auteur principal de l'article, Cait Newport, explique que le but de ce travail était avant tout de comprendre comment les humains parvenaient à reconnaître des visages. Selon elle, il existe deux théories prédominantes pour expliquer ce phénomène : l'une suggère que cette capacité repose sur une structure cérébrale très complexe et très spécialisée, comme le neocortex, tandis que l'autre suppose qu'il s'agit d'une compétence acquise qui ne possède pas nécessairement de substrat biologique.

« Nous voulions tester séparément ces deux hypothèses, et voir si nous pouvions utiliser une autre espèce animale pour déterminée s'il y avait vraiment besoin de cellules très spécialisées pour reconnaître un visage, » explique Newport. « Nous nous sommes donc tournés pour les poissons, car ils n'ont jamais eu besoin de reconnaître des visages humains au cours de leur histoire évolutive. D'autre part, ils ne possèdent pas de néocortex. »

Les chercheurs ont montré deux visages à leurs quatre poissons, en utilisant un écran disposé au-dessus de l'aquarium. Ils leur ont ensuite appris à cracher sur l'un ou sur l'autre en échange d'une friandise. Enfin, ils ont montré une série de 44 visages humains, aux côtés d'un visage sur lequel les poissons avaient appris à ne pas cracher (les poissons répondent apparemment très bien aux stimuli négatifs) Or, ils ont réussi à identifier le visage qu'il connaissait dans 81% des cas.

Les animaux parvenaient à distinguer le visage en question même dans le cas où l'on faisait varier subrepticement trois variables : la forme de la tête, sa couleur, et la luminosité (Newport précise tout de même que les visages étaient toujours présentés en 2D en vue frontale).

Les résultats suggèrent qu'il n'y a pas besoin de néocortex pour reconnaître des visages humains, même si nos structures cérébrales favorisent cette activité.

Newport explique qu'elle était surprise des performances des poissons, mais que ces résultats ne faisaient que corréler une étude précédente. En effet, celle-ci montrait que certaines espèces de poissons, parvenaient à identifier et distinguer différents congénères en analysant les motifs des écailles disposées sur leur tête. Quant à savoir qui, des humains ou des poissons, était le meilleur à cette tâche… La chercheuse explique qu'elle a donc tenté de comparer poissons et humains.

« J'ai monté une petite étude pilote avec des doctorants, » dit-elle. « Trois d'entre eux ont obtenu de bons résultats, mais le dernier a obtenu un score de 70% de réussite seulement, c'est-à-dire moins qu'un poisson » ajoute-t-elle. Peut-être faut-il un peu d'entrainement pour passer le test correctement.

Ces recherches contribueront à affiner notre compréhension du cerveau, et pourront être appliquées au développement de la technologie de reconnaissance faciale.

« Reconnaître un visage n'est pas nécessairement une tâche aussi complexe que ce que l'on croit. Peut-être suffit-il d'un système très simple pour la réaliser, » ajoute Newport. « C'est d'autant plus intéressant que cela soulève la question suivante : pourquoi utilise-t-on un cerveau aussi complexe pour réaliser des tâches aussi élémentaires ? »

Puis vient une question encore plus importante : un poisson domestique est-il capable de reconnaître son propriétaire ?

« Potentiellement, » répond Newport. Elle précise qu'elle n'a travaillé qu'avec des poissons-archers, pas des poissons rouges. Il sera difficile de répondre à cette question dans la mesure où, quand un poisson vous voit vous rapprocher de son aquarium, il réagira au mouvement, à votre masse et aux variations de lumière avant de s'intéresser à votre trombine.

Ce qui est sûr, c'est que ces recherches remettent en question l'assertion selon laquelle les poissons seraient des êtres parfaitement stupides (le mythe selon lequel la mémoire des poissons domestiques serait limitée à trois secondes a été démonté à maintes reprises.)

« Le fait qu'ils possèdent des cerveaux relativement simple d'un point de vue structurel tout en les utilisant pour des tâches complexes est assez fascinant. Nous devrions prendre les poissons au sérieux ! » conclue Newport.