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Les cachalots possèdent une culture, des dialectes et des traditions

En observant les migrations des cachalots des Galápagos, des chercheurs ont compris que l'espèce était constituée de différents clans possédant des traits culturels communs.
Le cachalot des Galápagos. Image: Mauricio Cantor, Whitehead Lab, Dalhousie University

Les cachalots sont-ils des animaux de culture, comme nous ? Selon Shane Gero, biologiste de la vie marine travaillant au Laboratoire de bioacoustique marine de l'Université d'Aarhus, au Danemark, c'est une certitude. Le chercheur a passé dix ans à suivre des cachalots soigneusement sélectionnés au large de l'île Dominique, dans l'archipel des Caraïbes, et a découvert que ces animaux possédaient des traditions et des dialectes variables en fonction des clans.

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Chaque clan possède une signature vocalique définie par des « codas » (des séquences de cliquetis identifiables) émis pour que les individus puissent communiquer les uns avec les autres. Cette identité sonore engendre une sorte de ségrégation sociale qui sépare les cachalots en groupes distincts qui ne se mélangent jamais, explique Shane.

Lui et ses collègues ont publié un nouvel article qui renforce l'hypothèse selon laquelle les cachalots possèderaient une culture, voire « des traits civilisationnels » propres. Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs ont suivi deux « cultures » de cachalots dans les îles Galápagos ; ceux-ci ont ensuite migré avant d'être remplacés par de nouveaux clans tout à fait différents.

Les chercheurs au large de l'île Dominique. Image: The Dominica Sperm Whale Project

Bien qu'il soit impossible d'affirmer avec certitude pourquoi ces groupes de baleines se sont déplacés, cette migration montre que les individus possèdent des liens culturels suffisamment forts pour rester soudés toute leur vie, selon Gero.

Leur culture tient une place importante dans leur existence, et, de toute évidence, dans leur identité, me confie le chercheur. « Or, on ne se débarrasse pas de son identité aussi facilement. Lorsque les cachalots changent d'environnement, ils conservent précieusement leur culture. »

Dans cette étude, menée par Mauricio Cantor de l'Université de Dalhousie et publiée dans le journal Royal Society Open Science, les chercheurs ont d'abord identifié deux clans de cachalots dans les Galápagos (les mâles parcourent parfois des milliers de kilomètres en solo, mais les groupes de cachalots matrilinéaires ont tendance à avoir des affiliations régionales, explique Gero). Ils ont ensuite observé que lorsqu'un clan effectuait une coda dite « Normale, » par une série de clics régulièrement espacés, l'autre se distinguait par une coda « Un-Plus, » avec une pause plus longue avant le dernier clic.

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Ces deux enregistrements permettent de montrer les différences entre différents types de codas produits par les clans Normal et Plus un. Audio : Luke Rendell, University de St. Andrews

Entre 1985 et 1999, les scientifiques ont répertorié et identifié les différents individus des groupes étudiés en les prenant en photo. Le nombre des animaux a décru au cours des années 90. En 2000, ils avaient totalement disparu, et semblaient avoir migré à l'est, près des côtes, pour une raison inconnue. Les chercheurs pendant que le changement climatique ou les perturbations causées par la chasse à la baleine pourraient avoir joué un rôle dans cette migration.

En 2013 et 2014, l'équipe a réévalué la taille de la population de cachalots dans cette partie du Pacifique, et a identifié 463 nouvelles femelles. Cependant, les chercheurs ne leur ont pas trouvé de parenté avec les baleines identifiées de 1985 à 1999. Les codas dites « Courtes » (production de codas brèves de moins de cinq clics) et « Quatre-Plus » (coda possédant une base de quatre clics réguliers) utilisées par ces nouvelles baleines n'avaient jamais entendues auparavant dans les Galápagos. Cependant, on en trouvait la trace dans le Pacifique, à grande distance de là.

En d'autres mots, deux clans avaient migré et avaient été remplacés par deux nouveaux clans.

Cachalots des Galápagos. Image: Mauricio Cantor, Whitehead Lab, Dalhousie University

Gero appelle ce phénomène un « mouvement physique et géographique de cultures distinctes » analogue aux grandes migrations humaines. Un tel « chambardement culturel » n'avait jamais été observé chez les animaux non-humains.

L'important ici, selon Shane, est qu'une fois les cachalots installés dans leur nouveau fief, ils ont conservé les marqueurs culturels qui distinguent leur groupe des autres, dont un dialecte et des traits comportementaux. « Ces individus ont préféré se déplacer plutôt que de s'adapter à un nouvel environnement, » ajoute-t-il.

Il estime que cette composante culturelle devrait être prise en compte en matière de conservation, puisqu'elle est essentielle à la survie des animaux. « La diversité culturelle est tout aussi critique pour la vie du cachalot qu'elle l'est pour la nôtre, » précise-t-il dans un email. « Avec les perturbations environnementales qui s'annoncent à l'horizon, dont le changement climatique et la présence toujours plus importante de l'homme dans les océans, à terme le cachalot risque de ne plus avoir nulle part où aller. »