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Drogue

Votre pusher ne connaît probablement rien au cannabis

Al the Alchemist nous révèle les vraies origines du sativa et de l'indica.
Le Blackberry Kush est un indica, mais ce que vous pensez savoir sur ce type de cannabis n'est peut-être pas exact. Photo : Dank Depot sur Flickr

Le gouvernement Trudeau a annoncé la création d'un groupe de travail sur la légalisation de la marijuana. Composé de médecins, de politiciens, de spécialistes des dépendances et de policiers, le groupe possède toutes les expertises requises — à l'humble avis du gouvernement — pour élaborer le cadre législatif de la légalisation.

Mais il n'y a pas une seule personne dans ce groupe qui possède une vraie connaissance du cannabis, et je suis sûr que le gouvernement l'admettrait. Aucun d'eux n'a d'expérience pratique du weed, sauf pour dire pourquoi c'est mauvais pour vous ou essayer de vous en éloigner. Je doute beaucoup que l'un d'eux ait admis avoir été un consommateur régulier (si j'ai tort, j'espère qu'on m'appellera pour en parler), et encore moins l'avoir étudié dans une autre perspective que la prohibition.

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Au contraire d'Al the Alchemist.

Al est l'un des principaux experts en weed au Canada, un domaine dans lequel il n'existe pour l'instant aucune accréditation, mais une position tout de même bel et bien acquise. L'ex-animateur de Class In Session, émission éducative sur le cannabis, étudie la question depuis 30 ans et en cultive depuis presque aussi longtemps. Il prend le plant au sérieux et, par conséquent, est devenu une précieuse source d'information. Depuis que je l'ai rencontré il y a quelques années, ma vision du weed a complètement changé. J'ai parlé avec lui dernièrement de quelques sujets entourant le cannabis, y compris de criminalisation et de légalisation, de sativa et d'indica, et d'autres fausses dichotomies sur lesquelles se base l'industrie.

Photo publiée avec l'autorisation d'Al The Alchemist

VICE : Quand t'es-tu intéressé au cannabis?
Al The Alchemist : Quand j'étais enfant, on a juste décidé un jour d'essayer la marijuana. C'était avec mon ami Ricky, qui n'est plus des nôtres, il est décédé. Je l'aidais à distribuer les journaux. Il a volé un peu de marijuana à son père et nous l'avons essayé. Ç'a été une l'expérience extraordinaire! Ensuite, il y avait un pimp dans notre quartier, à un coin de rue de chez mes parents — un bon gars, mais un pimp pareil! Il avait le complet de soie, la Cadillac : c'était un pimp. J'ai eu les couilles d'aller cogner à sa porte un jour. J'ai cogné, cogné et attendu, attendu. Finalement, il m'a ouvert la porte et s'est mis à rire. J'ai demandé : « Est-ce que je peux avoir un peu de marijuana? » Il a m'a ri en pleine face et fermé la porte. Comme j'allais partir, il a rouvert la porte et demandé : « Où tu vas? » Je lui ai donné dix dollars et il a rempli ma main! Ensuite, il m'a dit : « Allez, va t'amuser. »

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Pourquoi as-tu commencé à l'étudier?
Les oncles d'un ami vendaient de la marijuana, alors j'ai commencé à apprendre dès le début. « Oh, ça, c'est du cannabis mexicain et ça, c'est du colombien. » Je savais les reconnaître. Je savais reconnaître le thaï. J'aimais vraiment ça! Je sortais des trucs comme : « J'ai entendu que le mexicain a ce goût-là parce qu'ils le sèchent avec des bananes et le mettent met à plat sous des matelas! »

J'imagine que les connaissances sur le cannabis se transmettent surtout à l'oral…
En Afghanistan, l'une des façons traditionnelles de produire du hachich, qu'on n'utilise plus à cause de toute la bullshit qu'ils ont subie, était de l'extraire du plant par friction, de le mettre dans des urnes en argile, de sceller les urnes avec des peaux d'animaux et de la cire, et de les enterrer dans le désert pour six ou sept ans. Puis, les sortir quand le hachich est complètement séché, après avoir été chauffé et refroidi — le désert est chaud, froid, chaud, froid, et ainsi de suite chaque jour — pendant sept ans.

Wow! Mais cette technique est perdue maintenant?
L'invasion russe en Afghanistan a bousillé tout ça. Ils ne pouvaient plus le faire après.

Pourquoi as-tu décidé de consacrer beaucoup de temps à ce sujet?
Je n'ai jamais vraiment pris le temps de m'asseoir et de lire des livres pour étudier : j'ai juste appris au fur et à mesure, en faisant l'expérience du cannabis très jeune et en faisant l'expérience du côté criminel aussi. En apprenant sur la revente, sur l'importation, c'est devenu un intérêt. Quand je suis parti de chez mes parents, à 18 ans, on a cultivé un plant. On s'est dit : « Faisons pousser du weed et on verra ce qu'on peut faire! »

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Il n'y avait pas de livre, on ne pouvait pas sortir et acheter le High Times. C'était interdit à ce moment-là au Canada. Avant que Marc Emery se lève et dise que ça ne va pas. Et on le remercie de l'avoir fait parce que cette information est maintenant accessible. Mais quand j'étais enfant, on fonctionnait par essai-erreur. On a fait pousser un plant avec du détergent à lessive parce qu'on savait qu'il contenait du phosphate!

Peu à peu, j'ai commencé à comprendre et je me suis rendu compte que je pouvais faire pousser du pot. En fait, c'était faux. Un de nos amis a été formé pendant trois ans avec les motards. C'était le premier gars de notre cercle qui savait vraiment. Après, j'ai commencé à apprendre. C'était une sorte de formation de deux ans avec lui. On faisait pousser du chanvre sauvage. L'une des choses que mon ami a découvertes dans sa formation, c'est qu'ils bourgeonnent ultra-vite. C'était incroyable!

Et tu t'es intéressé au côté criminel du cannabis?
J'en ai été fasciné!

On dirait que, parce que le cannabis est illégal, il n'y a aucun moyen de séparer l'histoire du cannabis de son côté criminel.
C'est vrai, tout le développement est criminel! Tout ce qu'on adopte du côté des licences autorisées a été développé alors que c'était illégal. Tout vient du marché noir. On ne fait que le légitimer. Je ne comprends pas d'où vient la résistance. Le gouvernement est d'accord pour se les approprier et ne tient pas compte de tous ceux qui sont impliqués dans le marché noir. Ils disent : « Si vous avez un dossier criminel en rapport avec le cannabis, on ne vous veut pas! »

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Pour moi, c'est complètement stupide! Ce sont ceux qu'ils devraient avoir de leur côté, ceux qui font pousser le cannabis, qui ont passé du temps en dedans pour ça. Qui sont des passionnés, qui n'ont pas eu peur et qui l'ont fait. Ils sont ensuite sortis de prison et ont recommencé : ils en ont fait pousser encore plus.

Un dossier criminel lié au cannabis, c'est presque un CV.
Presque? À mon avis, c'en est un.

Pour apprendre ou être protégé, tu étais obligé de côtoyer des criminels.
Oui, à l'époque, c'étaient les motards. Je n'ai rien contre les motards. À mon avis, ce sont eux qui ont fondé l'industrie du cannabis et en ont fait ce qu'elle est! Je suis reconnaissant qu'un groupe se soit dit : « Le monde veut ce produit et, si le gouvernement ne s'en occupe pas, on va le leur donner! » J'en suis très content. Les activistes n'hésitent pas à juger les motards, mais beaucoup de recettes, de variétés et de tout ce dont on profite, on leur doit.

Tu parles du développement des variétés. Je trouve intéressant qu'on veuille du cannabis légal de qualité plutôt que du cannabis illégal de mauvaise qualité. Mais, corrige-moi si je me trompe, beaucoup des variétés des deux côtés proviennent du même marché noir.
Beaucoup viennent de Californie. À l'époque des motards, la plupart d'entre eux étaient des militaires. Ils s'approvisionnaient dans les autres pays et cultivaient le cannabis à leur retour en Californie. Amsterdam a véritablement commencé avec six variétés afghanes. Et je suis pas mal sûr que c'étaient six variétés qui venaient de Californie. À l'origine, c'étaient les variétés afghanes qu'on a importées en Californie, et qu'on a fait passer à Amsterdam à partir de la Californie. C'est fou! C'est peut-être juste des histoires, mais…

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Qu'y a-t-il sur la côte ouest des États-Unis et du Canada pour que le cannabis se développe en grande partie là-bas?
La Californie! Beaucoup de choses ont commencé en Californie. C'est grâce à la communauté du Nord-Ouest Pacifique. Il y a aussi l'Oregon et tous ces autres endroits. Ça a fait son chemin vers le nord par l'entremise des réseaux de producteurs, de hippies et d'autres passionnés de cannabis des années 60 et 70. Jusqu'au Canada. Beaucoup de Canadiens ont voyagé dans le monde et sont allés chercher leurs propres variétés. Il y a eu un pionnier, je ne sais pas si je peux dire son nom, il était de Winnipeg et faisait pousser du cannabis avant qu'Ed Rosenthal commence à écrire sur le sujet. Il n'a pas écrit de livre, mais s'il l'avait fait, il serait devenu le Ed Rosenthal!

Photo publiée avec l'autorisation d'Al The Alchemist

Quand t'es-tu rendu compte qu'il y avait une communauté canadienne?
Je pense que c'est quand Marc Emery est entré en scène. On se demandait tous : « C'est qui, lui? On peut recommencer à acheter des bongs et des livres. » Ce gars-là n'avait rien à voir avec le cannabis, mais il a vu qu'il y avait un problème et s'est dit : « Fuck it! » On trouvait que c'était ce qu'il y avait de plus cool : « Il est parti de l'Ontario pour aller à Vancouver. » Après, on s'est rendu compte qu'il y avait un marché à Vancouver. Un de nos amis a rapporté quelques variétés de Vancouver. Une d'elles s'appelait la « Dankouver » et elle était complètement malade! Un autre, qu'ils appelaient simplement « Van Couver », sentait les fraises. On a compris que le marché de Vancouver était énorme!

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J'imagine que c'était l'origine du légendaire BC Bud.
Oui, les premiers plants qu'on a eus, c'était du Hawaiian Skunk. On l'appelait le «nug». Pound-A-Plant est ensuite devenu le légendaire BC Hash Plant, mais on l'appelait «pound of plant». On avait aussi le Rude Northern. C'était le bourgeon le plus fort, dense et gros. Vraiment foncé.

On ne sait pas toujours que ces noms de variétés ont des origines. Il y a des raisons pour lesquelles ont les a appelés comme ça.
Comme une Ford ou une Passat : il y a toujours une origine, une raison.

Et on assiste presque à une purge de l'histoire du cannabis.
Oui, l'histoire du cannabis a été tellement cachée que c'est difficile de la reconstituer. Tout ce qu'on a, ce sont des légendes amalgamées et c'est facile de se planter. À cause de ça, c'est comme si on inventait tout au fur et à mesure.

Pour moi, on force le monde à mentir! Le monde est obligé de dire : « C'est 60 % indica, 40 % sativa. » Comment tu sais ça!? Les gens peuvent raconter n'importe quoi en ce moment et le monde les croit! Ils se disent : « Le revendeur m'a dit ça et ça doit être vrai : c'est un professionnel, il vend du cannabis, il connaît ça. » Non.

C'est encore pire quand tu vas voir ton médecin et qu'il te raconte les mêmes affaires.
Et comment! Le médecin dit que « tu as besoin de sativa ». C'est vrai? C'est quoi, du sativa? Et du indica?

Justement, qu'est-ce que c'est?
Sativa, ça veut dire qu'on l'a cultivé. Tout est cultivé, alors du sativa, c'est tout le putain de cannabis. Et indica, ça veut dire qu'on l'a importé d'Inde.

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Comment en est-on arrivé à penser qu'avec du indica, on devient léthargique, et qu'avec du sativa, on devient agité?
Pour ça, on doit revenir au début de la classification. On revient à Linnæus, le gars qui a catégorisé le cannabis sativa. Le L dans « sativa-L », c'est pour Linnæus.

Il a utilisé la bonne terminologie. Il a fondé une culture, un groupe de personnes qui faisaient pousser du cannabis. Ils ont cultivé le cannabis en le sélectionnant en fonction de deux éléments : les fibres et l'huile. Il a choisi le nom anciennement donné au cannabis cultivé : cannabis sativa.

Mais il n'a fait aucune allusion aux effets du sativa?
Non! Il a utilisé la bonne terminologie, parce que la communauté cultivait du cannabis dans cette région et l'a amélioré d'année en année par des sélections. Il a dessiné le plant : très étroit avec des bras minces. Mais ceux qui cultivent du cannabis depuis un moment savent que si les racines sont à l'étroit, le plant sera étroit. Et si on fait pousser du cannabis dans un champ, et que les plants sont à 15 cm les uns des autres, peu importe si c'est un plant large ou étroit, il ressemblera à l'illustration de Linnæus : très étroit et grand, et ses branches ne seront pas grosses. C'est du sativa.

Ensuite, il y a Lamarck, en Inde. Il a tout classé indica, ce qui veut dire que ça vient d'Inde. Même la mangue était indica. Il y a beaucoup d'indicas qui n'ont rien à voir avec le cannabis.

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Ce n'est pas une mangue qu'on mange avant d'aller au travail. C'est une mangue pour la fin de la soirée!
Il a trouvé les plants dans la nature, pas cultivés dans un champ. Ils n'étaient pas à 15 cm les uns des autres : il pouvait prendre de l'ampleur, il avait l'air d'un arbuste avec des feuilles larges. Parce qu'il était au nord de l'Inde, où les plantes ne sont pas très hautes, le plant est assez large et les feuilles le sont aussi. Mais dans le sud de l'Inde, les plants sont très étroits et hauts, des « sativas », en quelque sorte.

Donc, avec la même variété, on pourrait faire pousser un plant étroit ou large?
Bien, un plant à feuilles larges restera un plant à feuilles larges, et un plant à feuilles étroites restera un plant à feuilles étroites. Ça ne changera pas beaucoup. Mais il y a un gars de Colombie qui dit qu'à 2500 mètres d'altitude, on peut changer un plant à feuilles larges en plant à feuilles étroites.

Donc il n'y a rien dans les feuilles larges qui rend léthargique?
Non!

D'où vient cette idée?
C'est ici que les Pays-Bas entrent en scène. Ils ont vu ces différences, ils ont regardé dans les livres et se sont dit : « Ça, c'est un sativa et ça, c'est un indica », sans connaître leur origine. Alors les variétés afghanes, népalaises ou nord-asiatiques, tout est devenu indica.

C'est plus simple de les classer de cette façon.
Il y a des variétés africaines à larges feuilles! Est-ce que ce sont des indicas?

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Pourrait-on diviser le cannabis en deux catégories : l'une qui rend léthargique, et l'autre très éveillé?
Je pense que ça dépend du métabolisme et de la chimie du cerveau de chacun.

Oui, d'ailleurs j'ai essayé ce qu'on appelle du sativa et je me suis senti fatigué.
Bien sûr! Le haze me donne souvent envie d'aller me coucher, mais c'est du haze! Et je commence ma journée la plupart du temps avec du kush. Pour moi, c'est léger. C'est du cannabis pour le jour, parce que l'effet est court. Avec le kush le plus puissant, j'ai vu des amis piquer du nez, mais pour moi, c'est parfait au début de la journée parce que ça ne dure pas longtemps. Il n'y a pas d'effet narcotique. Je pense que ça dépend vraiment du métabolisme et de la chimie du cerveau.

Le THC reste le THC. Et le THC de l'indica n'est pas différent du THC du sativa. Les gens tiennent des choses pour acquises et je pense qu'il y a souvent un effet psychosomatique. Quand on leur dit que c'est du sativa, ils s'attendent à un effet, ils s'y préparent.

Photo publiée avec l'autorisation d'Al The Alchemist

Qu'est-ce qui différencie les variétés, alors?
Les terpènes. Les composants du cannabis, aussi. Mais surtout les terpènes. Si on se penche sur les variétés qui rendent parano, on verra sûrement qu'elles ont des terpènes semblables. Les variétés qui rendent léthargiques ont aussi un certain type de terpènes. J'aimerais qu'on commence à classer le cannabis en fonction de ce critère.

Alors, j'imagine qu'on devrait parler de l'irradiation du cannabis et de la réduction d'amas de terpènes. Qu'est-ce qu'on fait quand on irradie le cannabis?
On lui enlève son caractère. C'est tout.

L'autre chose dont je voulais te parler, c'est l'idée selon laquelle le CBD et le THC s'opposent, la fausse dichotomie voulant que ce soit les deux trichomes. Il y aurait un bon trichome dans le CBD et un mauvais dans le THC parce que l'un affecte le corps, et l'autre l'esprit.
Ils existent tous les deux dans le même trichome. Le trichome, c'est la glande, qui contient tout le spectre des composants du cannabis. Le THC et le CBD sont tous les deux importants.

Ce ne sont que deux parmi plusieurs, c'est ça?
Oui, des tonnes. Il y a le THC, le CBD, le CBG, le CBN et aussi tous ceux qui existent sous forme d'acides, des formes complètement décarboxylatées. C'est juste qu'il n'y a pas eu assez de tests. Le THC, c'est ce qu'on teste depuis le plus longtemps, c'est pourquoi on le connaît mieux. Maintenant, on connaît le CBD. Mais ils n'ont pas étudié tous les autres. On en est qu'au début.

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