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Contrairement à l’ébriété, il est impossible de quantifier la défonce au volant

Une étude montre que la définition d’un seuil de THC dans le sang pour mesurer l’influence du cannabis sur la conduite « n’a aucun fondement scientifique ».

Est-il réellement possible de quantifier le niveau d'influence du cannabis sur la conduite, au même titre que l'alcool ? Non, à en croire l'AAA Foundation for Traffic Safety (l'association américaine pour la sécurité routière), qui publie une étude aux conclusions sans appel : alors qu'il est facile de quantifier le taux d'alcool dans le sang et de fixer un seuil de dangerosité pour la conduite, appliquer la même méthode de mesure au cannabis « n'a aucun fondement scientifique ». Alors que la moitié des Etats-Unis permet aujourd'hui de consommer de la weed à des fins médicales et/ou récréatives, la nécessité d'une méthode fiable pour identifier la conduite sous influence se fait de plus en plus pressante.

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Car aujourd'hui, des Etats comme le Colorado, le Montana ou l'Etat de Washington, qui ont partiellement ou totalement légalisé la substance, se sont contentés de lui appliquer le même seuil d'interdiction que celui de l'alcool, transposé au tetrahydrocannabinol (THC): cinq nanogrammes par millilitre de sang (5ng/ml). Au-delà de cette limite, la loi considère que le conducteur se trouve sous influence. Une limite « arbitraire et sans fondement scientifique », écrit l'AAA dans son étude, « qui pourrait autoriser des conducteurs dangereux à conduire tandis que d'autres seraient injustement accusé de conduite sous influence. »

45% des gens sobres ne peuvent pas marcher en ligne droite Pour conduire son étude, l'AAA a examiné les dossiers de 602 conducteurs arrêtés par la police américaine pour conduite sous influence, en se focalisant sur les Drug Recognition Exams (DRE). En guise d' « examens », après les prélèvements sanguins, la police américaine vous demande de marcher en ligne droite sur 9 mètres, tourner sur vous-mêmes, vous tenir debout sur un pied et toucher votre nez avec votre main – oui, exactement le même test que celui que vous font passer vos potes avant de vous refiler vos clés de bagnole en sortie de boîte. Les chercheurs ont, dans un premier temps, comparé les résultats des DRE à ceux de 349 volontaires parfaitement sobres. Sans surprise, les résultats ont montré que les conducteurs ayant consommé de la marijuana se débrouillaient moins bien que l'échantillon sobre : ainsi, 55% des « sobres » passaient sans souci le test de la marche en ligne droit (un résultat en soi inquiétant), tandis que seuls 6% des consommateurs de marijuana y parvenaient.

Une fois ces données obtenues, les chercheurs de l'AAA ont cherché à identifier un lien entre les « scores » DRE et le taux de THC mesuré dans le sang, pensant logiquement que plus le taux serait élevé, pire serait le score. Sur les 602 fumeurs, les taux de THC variant de 1 à 47 nanogrammes par millilitres de sang, les résultats auraient dû être parfaitement limpides. Il n'en a rien été. En fait de résultats, les chercheurs ont prouvé que 80% des conducteurs ayant raté le test présentaient des taux de THC de 1ng/ml ou inférieurs – et n'étaient donc techniquement pas défoncés. A l'inverse, 30% des conducteurs ayant réussi les DRE présentaient eux des taux supérieurs ou égaux à 1ng/ml. Et l'histoire ne dit pas si la personne contrôlée avec 47 ng/ml de THC a réussi le test ou non.

En France, pas de débat, donc pas de problème En d'autres termes, l'étude confirme ce que tous les fumeurs réguliers vous diront déjà avec un ton péremptoire : la défonce n'est pas un état aussi facilement identifiable que l'alcool, et si un fumeur débutant peut se retrouver incapable de conduire après quelques taffes, un pothead plus expérimenté peut tranquillement prendre le volant après s'être envoyé un pur d'afghan. Ajoutez à cela le fait que ces derniers peuvent présenter des traces de THC plusieurs semaines après leur dernière consommation, et la méthode n'a plus aucune validité scientifique. En revanche, l'étude a noté une corrélation nette entre la défonce et le taux d'échec au terrible test du doigt sur le nez, qui devient donc l'indicateur le plus valide pour estimer l'influence de la weed sur l'être humain.

Malgré ces résultats, l'AAA insiste sur la nécessité pressante de légiférer convenablement l'usage de la marijuana au volant : dans une seconde étude, l'organisme a constaté que dans l'Etat de Washington, le nombre de conducteurs sous influence du cannabis impliqué dans des accidents mortels a doublé entre 2013 et 2014 (8% à 17%), alors que l'Etat a légalisé la weed en 2012 et ouvert son premier coffee shop le 8 juillet 2014. Un résultat pondéré par la présence de drogues multiples dans ces conducteurs, et l'augmentation générale du nombre d'accidents sur cette période. En France, au moins, la politique de tolérance zéro nous évite ces questions de méthode : dans le pays qui consomme le plus de weed en Europe, la loi du 5 septembre 2001 consolidée le 17 mai 2016 prévoit qu'un taux de THC d'1 ng/ml de sang, 15 ng/ml de salive ou 50 ng/ml d'urine vous expose à une amende maximale de 4500 euros, deux ans d'emprisonnement et la perte de six points de permis.